France/États-Unis, les vieux alliés sont-ils les meilleurs ? 

France/États-Unis, les vieux alliés sont-ils les meilleurs ? 

En 1960, en pleine guerre froide, Charles de Gaulle prononce un discours devant le Congrès américain qui lui vaut une standing ovation. « Rien ne compte plus pour la France », avait alors déclaré le Général. La France se plait à répéter qu’elle est l’alliée la plus ancienne des États-Unis. Les deux pays, France/États-Unis, partagent de nombreux points communs dont un attachement aux philosophes des Lumières. 

Entre les deux pays, les relations diplomatiques ne sont pour autant pas exemptes d’aspérités. La France tend à rappeler son rôle d’aînée et à faire valoir ses droits d’ancienne grande puissance vis-à-vis des États-Unis dont le comportement hégémonique et cavalier est souvent dénoncé. A plusieurs reprises, la France a eu des divergences marquées avec son vieil allié que ce soit au sujet de la décolonisation dans les années 1950/1960, du Vietnam ou de l’Irak. L’annulation du contrat d’achat des sous-marins français par l’Australie au profit d’un contrat avec le Royaume-Uni et les États-Unis a donné lieu à des tensions un peu surjouées car ce changement de fournisseurs cachait des problèmes de délais de livraison et des modes de propulsion, la France ayant refusé l’accès à la technologie nucléaire à l’Australie.

Le modèle américain est tout à la fois rejeté et encensé 

Les États-Unis font l’objet d’une réelle admiration tant de la part des responsables politiques que des citoyens français. Le modèle américain est tout à la fois rejeté et encensé. Le livre de Jean-Jacques Servan-Schreiber, « Le défi américain », publié en 1968, a été vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Il inspira de nombreux dirigeants dont Valéry Giscard d’Estaing qui fit sien le style Kennedy. Les États-Unis figurent parmi les destinations préférées des Français à l’étranger. Plus de 5 % des touristes venant en France sont d’origine américaine. 

Les relations entre les présidents français et américains ont souvent donné lieu à une importante exploitation médiatique, du moins de ce côté-ci de l’Atlantique. Valéry Giscard d’Estaing partagea ainsi sa piscine avec le Président Gerald Ford. François Mitterrand prit soin de maintenir des relations étroites avec Ronald Reagan en lui fournissant le nom des agents secrets russes travaillant en Occident (affaire Farewell). Nicolas Sarkozy, jugé comme le plus américain des présidents français, passa même ses premières vacances dans le Massachusetts. Emmanuel Macron qui incarne la synthèse entre VGE, François Mitterrand et Nicolas Sarkozy, apparaît plutôt comme un américanophile ayant tenté d’amadouer Donald Trump.

Le seul Président à avoir eu deux visites d’Etat 

Son déplacement en visite d’État au mois de novembre à l’invitation de Joe Biden est une première car il est ainsi le seul président français, sous la Ve République, à avoir eu droit à deux visites d’État en Amérique. Cette visite est intervenue un an après l’annonce du contrat Aukus, de coopération militaire entre l’Amérique, la Grande-Bretagne et l’Australie, qui a mis un terme anticipé au contrat de sous-marins signé entre la France et l’Australie. 

Emmanuel Macron et Joe Biden lors de la dernière visite d’Etat ©AFP

Depuis plusieurs mois de part et d’autre de l’Atlantique, le temps était au renforcement des liens. Les responsables américains évoquent une « coopération exceptionnelle » sur tous les grands dossiers géopolitiques. Les États-Unis de Joe Biden entendent favoriser l’unité de l’Europe face à la Russie, redevenue un adversaire de première importance. Les États-Unis sont conscients que les problèmes d’accès à l’énergie et le coût du soutien militaire à l’Ukraine pourrait tenter certains États européens d’atténuer la pression sur le Russie. Ils espèrent compter sur la France et l’Allemagne pour maintenir la ligne de fermeté en vigueur depuis le mois de mars. 

La France dans la Pacifique

Les États-Unis sont néanmoins favorables à l’idée de conserver un contact avec la Russie comme le pratique la France depuis le début de la crise. Les États-Unis souhaitent également bénéficier de l’appui des Européens dans leurs efforts pour limiter l’influence croissante de la Chine dans la région indopacifique. La France, en étant présente dans les océans Indien et Pacifique, constitue un allié potentiel. 

Les États-Unis ont « légèrement insisté » afin que l’affaire calédonienne soit traitée au plus vite. L’indépendance de l’archipel aurait été, selon les Américains, une aubaine pour les Chinois qui entendaient prendre le contrôle des mines de nickel. Durant la présidence de Donald Trump, l’allié naturel en Europe des États-Unis était le Royaume-Uni. Avec Joe Biden, ce rôle est davantage partagé entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, néanmoins dans l’administration américaine une méfiance à l’égard de la France persiste. 

Les changements de position rapides de la politique française surprennent les responsables américains que ce soit envers la Russie, la Chine ou l’Europe. Emmanuel Macron a défendu avant la guerre en Ukraine l’idée d’arrimer la Russie au système de sécurité européen et a critiqué vertement l’OTAN avant de s’en faire un des meilleurs défenseurs. Joe Biden ne partage pas, par ailleurs, l’avis du Quai d’Orsay d’inviter le Président Xi Jinping à être un médiateur entre la Russie et l’Ukraine.

Protectionnisme et isolationnisme 

Depuis une dizaine d’années, les Etats-Unis sont devenus plus protectionnistes et isolationnistes que dans le passé. Si tout l’art de la diplomatie est de faire passer la défense de ses intérêts comme une cause juste, les Etats-Unis ont, depuis le début des années 2000, fait prévaloir ces derniers avec moins de commensuration que dans le passé. Jusqu’à la crise ukrainienne, les autorités américaines reprochaient aux Européens de se reposer sur ces dernières pour garantir leur sécurité. Sur le plan économique, la menace chinoise a amené les Etats-Unis à opter pour des pratiques commerciales plus égoïstes. Les problèmes entre la France et les États-Unis sont aujourd’hui essentiellement d’ordre économique. 

La France reproche à son partenaire américain les subventions en faveur des énergies propres et des usines de semi-conducteurs, sachant que l’Europe tente d’appliquer la même politique. De leur côté, les Américains ont toujours contesté la politique de protection du marché agricole et celui de la culture en Europe. De même, ils jugent que la législation sur la protection des données va à l’encontre des intérêts de leurs entreprises. Sur ce dernier sujet, une convergence est néanmoins constatée. 

L’opposition de la France à la politique commerciale de son allié a pour limite les efforts consentis par ce dernier pour la fourniture de gaz liquéfié, les exportations ayant augmenté de 40 % en moins d’un an. Un cadeau qui n’en est pas vraiment un selon les autorités françaises, du fait des prix pratiqués par l’allié américain.

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