«Ubi fiscus, ibi imperium», «où est l’impôt, là est le pouvoir», vieux principe de l’antiquité tardive. La France, un des plus anciens Etats de la planète, suit la règle plus qu’aucun autre. Les Français de l’étranger en sont les mieux et les moins bien informés.
Les mieux informés, parce qu’en comparant la fiscalité de leur pays de résidence avec celle de la France, ils ont de grande chances de constater ce que répètent les enquêtes internationales: la France est championne du monde de la fiscalité.
36ème sur 36
LaTax Fondationla classe 36èmesur 36 parmi les pays développés de l’OCDE. Elle a les impôts les plus élevés pour l’impôt sur les sociétés (35ème) et sur le revenu (35ème). Les taxes foncières les plus élevées, plus un impôt sur la patrimoine immobilier (IFI), un impôt sur le transactions financières, un impôt assez lourd sur les successions. C’est aussi et surtout le pays qui a une des fiscalités les plus complexes, la plus incertaine quant à la jurisprudence, et la plus changeante. Les entreprises françaises paieraient 35 milliards d’impôts de production de plus que les entreprises allemandes. Autant de handicaps par rapport à leurs concurrentes, autant de moins pour leurs marges, leurs clients, leurs salariés, leurs actionnaires, leurs investissements. Les pertes de l’emploi industriel seraient, en partie, là.
Cette situation de la France par rapport à quasiment tous les pays du monde, fait que certains en France, notamment parmi les parlementaires, considèrent que ceux qui vivent à l’étranger sont favorisés. Ou plutôt, le mot est lâché: «privilégiés». Un récent rapport parlementaire fourmille donc de propositions ingénieuses pour mettre fin à ces «abus». «Ubi fiscus, ibi imperium» n’est ce pas?
Les Français de l’étranger privilégiés? Une stupidité
Aujourd’hui, les Français de l’étranger sont un brouillard absolu. Selon qu’ils vivent en Europe ou hors d’Europe, ils paieront, ou non, une CSG qui ne leur apporte aucun droit ni service. Selon les conventions fiscales en vigueur, dont beaucoup sont en train d’être renégociées, ils paieront ou non, sur leurs retraites, différemment selon leur origine, privée ou publique. Compte tenu du nouvel impôt forfaitaire, ils risquent de toute façon de payer, dés le premier euro, une taxe d’au moins 20%.
Rien n’est tout à fait clair. Beaucoup espèrent encore que le régime voté sera amendé lors de cette session. Comme les élections consulaires approchent, le gouvernement pourrait être sensible. Ou non. Tant certains sont convaincus que les Français de l’étranger sont vraiment des privilégiés. Et que de toute façon, le privilège d’être français se paie. De là à en faire une punition, c’est peindre le patriotisme aux couleurs du fisc. «Ubi fiscus, etc…»
Aligner la fiscalité française sur celle des autres
La bonne réflexion eut été non d’exporter le pire de ce que nous avons, le maivais génie d’une fiscalité débordante mais plutôt d’importer les bons exemples de modération fiscale de nos voisins. Peut-on considérer qu’Estonie, Irlande, Canada, Israël, Etats-Unis, Portugal, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Hongrie, Suède, Finlande, Slovaquie … sont tous des paradis fiscaux?
Ne serait-ce pas la France qui s’isolerait dans un abus fiscal improductif? Pourquoi la France ne chercherait-t-elle pas à imiter les autres pays? Loin de s’aligner sur les pays voisins, le gouvernement vient de repousser le schéma prévu initialement par Francois Hollande (et son ministre d’alors, Emmanuel Macron), celui d’une baisse progressive de l’impôt sur les sociétés pour diminuer l’écart avec les pays voisins. Mauvais choix, mauvais signe.
Plutôt que de vouloir aligner les Français de l’étranger (qui paient déjà des impôts dans leur pays de résidence) sur les Français de l’intérieur, le bon sens voudrait que l’on aligne la France sur la taxation moyenne des autres pays, ce que recommande l’Ocde.
L’impôt juste et justifié
Considérer les Français de l’étranger comme des privilégiés est une injustice, en plus d’une stupidité. La plupart conservent un bien en France, ou tentent de le constituer. Ils ont de la famille. Ils organisent leur vie entre la France et leur pays de résidence. Ils paient des impôts. Ils sont des vecteurs de développement, de croissance, d’influence de la France. Si certains ont choisi de partir pour de raisons fiscales, (une minorité) peut-être faut-il aussi s’interroger sur cette anomalie qu’est leur départ.
Comme s’il fallait les punir! Et tous les autres en prime! L’État n’existerait plus que par cela: l’impôt? Ce serait une perversion: l’impôt est une contribution des citoyens au fonctionnement de la communauté. Il doit être juste, et justifié. L’état de droit suppose un Etat soumis au droit, pas un Etat qui modifie les règles, dans l’incertitude la plus totale, cherchant à maximiser ses profits, parant son avidité d’un pitoyable discours moralisateur.
Le gouvernement fait fausse route. Quelqu’un, au Parlement, aura-t-il la bonté de le lui expliquer, et la chance de se faire entendre? Il rendrait service à ses concitoyens, à son pays, et même à ses électeurs.
Laisser un commentaire