La fiscalité des non-résidents est un sujet très complexe, et polémique. Une réforme, votée, mais sous moratoire, en attendant un hypothétique ajustement, propose de modifier la fiscalité pour les personnes non-résidentes qui ont des revenus en France.
Rappel sur le projet de réforme qui a depuis fait l’objet d’un moratoire
L’objectif principal la modification de la fiscalité des non-résidents sur leurs revenus en France donc, est l’application de barèmes : 20% pour les premiers 27 000€, 30% au-delà ou immédiatement si vous ne communiquez pas vos revenus tous pays confondus (afin de calculer votre barème, l’imposition reste limitée aux revenus issus de France).
L’autre possibilité est alors le choix du barème progressif, en communiquant vos revenus mondiaux et la constitution de votre foyer. C’est le barème qui s’applique en France de façon classique.
Une des atténuations de ces nouvelles règles proposées est, donc, l’inclusion du quotient familial dans le calcul. Bien connu en France, ce principe permet de diviser le revenu imposable en un certain nombre de parts.
Fixé en fonction de la situation de famille du contribuable et du nombre de personnes à charge, le quotient familial permet de proportionner le montant de l’impôt afférent à un revenu donné en fonction du nombre de personne qui vivent sur ce revenu. Concrètement, les familles nombreuses payent moins d’impôts sur un revenu similaire à une personne qui vivrait seule, le calcul du barème se faisant sur la base du calcul du revenu par personne (les enfants comptant pour une demi-part-
Exemple pour les plus de 65 ans
Pour ceux qui ont plus de 65 ans et qui ont souvent plus aucun enfant à charge, les règles intègreraient l’abattement réservé aux seniors en France :
- si votre revenu net global est inférieur à 14 900 euros, l’abattement est de 2 376 euros si vous vivez seul ou si votre conjoint a moins de 65 ans et de 4 752 euros si votre conjoint a lui aussi plus de 65 ans.
- si votre revenu net global est compris entre 14 900 euros et 24 000 euros, l’abattement est de 1 188 euros si vous vivez seul ou si votre conjoint a moins de 65 ans et de 2 376 euros si votre conjoint a lui aussi plus de 65 ans.
L’abattement étant calculé automatiquement, il faudra attendre une clarification soit du législateur lors des amendements à la réforme au cours de l’automne 2020 soit de l’administration lors de la remise des premiers avis d’impositions.
Une réforme complexe à appréhender
Concernant le taux libératoire, la réforme va supprimer une taxation forfaitaire.
En effet en France, c’est le foyer fiscal qui est imposé.
Donc si le contribuable a des revenus importants en France en plus de sa rémunération usuelle dans son pays d’expatriation, issus par exemple de versement de dividendes, il pouvait choisir le taux forfaitaire à 20%, quelque soit le montant, et non le taux calculé avec le cumul de tous ses revenus (qui peuvent faire monter le taux à 75% dans les situations les plus favorisées).
Désormais ce taux n’existe plus, il faut communiquer l’ensemble de ses revenus (quel que soit le pays) à l’administration fiscale française afin de procéder au calcul du taux.
En cas de non-communication, le taux minimum appliqué sera de 30%. Dans le cas d’une famille nombreuse, ou de frais importants (s’ils sont déductibles comme par exemple en cas de travaux en France), le contribuable a toutes les raisons de communiquer ses revenus globaux à l’administration, dans les autres cas…Chacun devra faire son calcul.
Un moratoire suite à l’inquiétude des non-résidents
Face à l’inquiétude des non-résidents, notamment sur le manque de visibilité des conséquences du projet et sur l’impact très concret qu’il aurait sur leur situation, un rétropédalage de la majorité a amené au vote d’un moratoire
Celui-ci porte sur deux aspects :
-le moratoire proprement dit, qui court jusqu’au 1er janvier 2021
-une étude d’impact de la réforme
Cela n’a pas satisfait beaucoup de non-résidents. Ceux-ci sont organisés notamment sur les réseaux sociaux à travers plusieurs groupes qui regroupent plusieurs milliers de membres.
Plusieurs problématiques pour ces groupes que nous avons contactés : les transfrontaliers, au-delà du manque de visibilité, doivent supporter une série de coûts sans pour autant bénéficier de couvertures françaises et ce alors qu’ils parcourent parfois chaque jour la frontière. Les travailleurs en France résidant en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne n’ont pu bénéficier pour exemple de la prime Macron en décembre 2018.
Autre problématique, parfois pour les résidents plus lointains et qui sont retraités : le coût de la vie dans les pays de résidence peut être coûteux, par exemple pour les soins de santé dans les pays sans couverture sociale, sans pour autant pouvoir sur ces points bénéficier d’abattements, et ce alors que la fiscalité des revenus en France devraient augmenter fortement.
Les Français de l’Etranger critiques du projet de réforme pointent aussi deux autres éléments :
- ils sont nombreux à penser que le moratoire n’est qu’une manière de « gagner du temps » et de mettre en place les mécanismes techniques à Bercy, et par ailleurs l’étude d’impact ne devrait être publiée qu’en juin, après les élections consulaires de mai donc,
- et sa méthodologie est pour l’instant opaque, le rapporteur n’est toujours pas nommé, etc… Quelle sera aussi leur marge de manoeuvre face au gouvernement et la majorité?
La réforme de la fiscalité des non-résidents devrait continuer pendant toute l’année 2020 de cristalliser les débats, et chez nombreux, les critiques. Affaire à suivre.
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