Le feuilleton fiscal touche à sa fin par un retour à la case départ. Le gouvernement a eu la bonté de laisser les députés LREM s’octroyer ce recul bienvenu sur la fiscalité des Français de l’étranger. Par un amendement cosigné par six députés LREM -curieusement, tous n’ont pas été prévenus ou n’ont pas voulu s’y associer- la réforme de la fiscalité des Français de l’étranger qui avait été votée précédemment par l’Assemblée a été annulée.
Un recul bienvenu
Comme le reconnait clairement Anne Genetet, la députée à l’origine de cette réforme et de son abandon, c’est un retour en arrière, à peu de choses prés. Tant mieux. Faute avouée à moitié pardonnée. La réforme augmentait de façon injustifiée les impôts des Français de l’étranger dans des proportions qui avaient même ému le Ministre des comptes de l’époque, Gérald Darmanin, à tel point qu’il avait décidé d’un moratoire en urgence, heureusement.
Pour autant, deux questions, au moins, restent posées.
La première est celle du traitement fiscal des Français de l’étranger qui, comme le reconnaissent tous les députés et sénateurs des Français de l’étranger, reste inique.
La deuxième est la cause de cette injustice, criante quand on lit le lamentable rapport ministériel sur la fiscalité des Français de l’étranger : les Expatriés sont considérés comme des privilégiés, bénéficiant de la protection nationale quand çà les arrange sans contribuer suffisamment au bien public par l’impôt.
La conséquence de cette mauvaise image, ce fut ce traitement scandaleux voté par l’Assemblée, heureusement gommé. C’est encore l’obligation pour les Expats de faire un recours systématique pour défendre leurs droits, comme l’avoue l’administration fiscale au mépris du droit. C’est toujours, pour ceux qui vivent en dehors de la juridiction de la Cour de Justice Européenne, l’obligation de payer la CSG, sans contrepartie, ce qui aurait du être déclaré contraire au droit par le Conseil Constitutionnel, et qui le sera quand ses membres s’attacheront à faire du droit plutôt qu’à rendre service.
Injustices toujours
Signe que l’Europe du Droit reste plus fiable que les cours françaises. La France, qui fut une référence juridique dans le monde, prend des airs de pays sous développé quant à son système judiciaire. On croit que c’est un autre sujet, mais c’est le même : il s’agit toujours de justice et d’injustice.
On peut être soulagé du recul, on ne peut être satisfait de l’immobilisme. Peut-être les Parlementaires et les élus œuvreront pour mieux faire ressortir l’apport que représentent les Expats pour la France, à un moment où elle en a bien besoin, et que l’administration se rappellera que les Expats paient bien des impôts dans leur pays de résidence. Les Conventions fiscales, votées par le Parlement, en sont la marque. Qu’ils paient aussi ce dont ils ne bénéficient pas en France : écoles, universités, soins, indemnités et bien d’autres choses encore qui n’existent pas ailleurs.
Mauvaise image
La mauvaise image des Français de l’étranger mène au traitement de défaveur qu’ils subissent dans l’administration et au Parlement. La suppression des subventions, la baisse des fonds alloués à l’enseignement, la non-utilisation des fonds sociaux et des bourses qui leur sont réservés, la complexité des demandes, la fermeture des consulats, traduit ce sentiment persistant, malgré les efforts d’élus qui avouent volontiers leur impuissance.
Rumeurs de reports
Pourtant, avec onze députés et douze sénateurs, il y aurait de quoi se faire entendre. Justement, ce serait trop. On parlait beaucoup dans les couloirs de l’Assemblée des Français de l’Etranger d’échos très politiciens : le report, à nouveau, des élections consulaires, déjà reportées d’un an. Report aussi des élections des Sénateurs des Français de l’étranger, qui verraient leurs mandats encore prolongés.
Pour quelle raison ? Covid, faillite de la société chargée d’organiser le vote par internet, fermeture des bureaux consulaires, diminution du nombre de Sénateurs des Français de l’étranger, élection des députés à la proportionnelle, désintérêt, aussi, des Français de l’étranger pour un vote qui détient un record d’abstention, autant de raisons qui n’en sont pas mais qui forment un faisceau de lassitude ou de désintérêt.
Quelle que soit la décision du gouvernement, une certitude demeure : la fiscalité des Français de l’étrangers ne changera plus d’ici la fin du mandat d’Emmanuel Macron. Et c’est dommage car les injustices resteront.
Laurent Dominati
Editeur de lesfrancais.press. Ancien Ambassadeur de France au Conseil de l’Europe, ancien député de Paris.
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