Extension des conditions de la paix

Extension des conditions de la paix

La guerre est devenue, à nouveau, le mode d’expression des pouvoirs. Tout assoiffé de puissance se rêve en grand Khan. Maduro lorgne le Guyana, Poutine l’Ukraine, Xi Jin Ping Taïwan et tout îlot de la mer du sud. En retour, chaque pays augmente ses dépenses militaires. La Grèce comme la Turquie, l’Algérie comme le Royaume-Uni, qui propose de porter le budget militaire des pays de l’OTAN à 2.5% du PIB. Triste temps celui où l’on investit dans les canons plus que dans les crèches.

Le temps des « dividendes de la paix », celui d’une vague démocratique après la chute du mur de Berlin, semble loin. Paix et démocratie vont de pair. On objectera que les Américains ont souvent guerroyé. Ni La Corée du Nord, ni l’Irak, ni le Vietnam n’étaient des régimes tendres avec leur population ou leurs voisins. Et la guerre, souvent, échoue.

Toute politique, même la guerre, a pour but la paix, fût-elle celle des cimetières.

Toute politique, même la guerre, a pour but la paix, fût-elle celle des cimetières. N’est-ce pas ce que l’on reproche à Israël, quand son gouvernement bombarde villes, camps, hôpitaux, parce que s’y cachent des terroristes ? Tire-t-on sur la foule parce que s’y cachent des assassins ? La Cour Pénale Internationale n’a pas dénoncé de « génocide », elle a rappelé que tout belligérant doit préserver la population civile et laisser accès à des secours.

La paix peut être l’absence de guerre : la guerre froide, parfois chaude à la périphérie. Les conflits gelés : Transnistrie, Géorgie, Arménie, en marge de la Russie. Les conflits permanents, ceux d’Israël, de Syrie, du Liban, du Yémen, du Kurdistan, de Libye, du Sahel, du Soudan, de Birmanie, de Centrafrique, où la vie se vend.

Et puis il y a la vraie paix. Comme entre l’Allemagne et la France, après mille ans de guerre pour l’ex-Lotharingie, des Pays-Bas à l’Italie du nord. Cette guerre devenue alliance depuis 1958 qu’on appelle Europe. Comment passer de la guerre perpétuelle à la paix ?

Comment passer de la guerre perpétuelle à la paix ?

Le cas le plus facile est la paix en Israël, que personne n’arrive à régler depuis 1948 ; malgré des avancées, puisqu’Israël conclut des accords avec la Jordanie, l’Égypte, d’autres pays arabes.

L’Union Européenne a proposé son plan en « deux Etats ». Vieux plan, puisqu’il est le plan initial de l’Onu, accepté par les accords d’Oslo. À l’évidence, c’est le seul possible. Sauf à concevoir un seul Etat, qui mêlerait Israéliens et Palestiniens. Impensable, même si les citoyens palestiniens d’Israël, sont des citoyens à part entière, vivent libres et prospères, contrairement à ceux de Cisjordanie ou de Gaza. Qui propose un seul Etat, idéalement le seul ? Personne. Comme l’Egypte et la Jordanie qui ont rejeté le retour de Gaza à l’Egypte et de la Cisjordanie à la Jordanie, que reste-t-il de possible ? Deux Etats, voire trois. Car les populations de Gaza et de Cisjordanie n’ont de lien qu’Israël.

Cette solution, la seule possible, suppose des conditions. La France accepterait-elle que le Luxembourg, la Belgique soit gouvernée par des nazis ?  Ou le Hamas ? Ou un Kim Jung Un ? Que son voisin soit un état ultra-militarisé, allant jusqu’à nier son existence, prêt à chaque seconde à bombarder Reims et Paris ? Aucun pays n’accepte un Etat « terroriste » à ses côtés. La seule possibilité d’un État palestinien suppose qu’il ne puisse être  contrôlé par le Hamas ou son équivalent. Pourquoi la France, et d’autres, maintient des soldats en Syrie et en Irak pour lutter contre Daech, le califat islamiste, si c’est pour prôner un état islamiste terroriste en Méditerranée ?

La solution à deux Etats suppose de construire un nouvel Etat. Une coalition contre le terrorisme le peut.

Pas d’Iranistan en Palestine, pas de Corée du Nord en Méditerranée. L’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, Les États-Unis, les Européens peuvent en être d’accord, et ils en ont les moyens : de couper les vivres au Hamas, et reconstruire le pays. C’est ce qui fut fait en Allemagne et au Japon. Les institutions furent dictées, les armements interdits, l’économie reconstruite. Cela coûte moins cher que la guerre. La solution à deux Etats suppose de construire un nouvel Etat. Le Hamas ne le peut pas, ne le doit pas. Une coalition, celle-là même que l’on appelle « coalition contre le terrorisme », le peut. Ce sont, en gros, les initiatives françaises et européennes. Elles apparaissent vaines, ce sont les seuls possibles. La paix dépend du type de régime. Sans Etat démocratique palestinien, et l’assurance qu’il le restera, pas d’Etat palestinien, pas de paix.

Sans Etat démocratique palestinien, et l’assurance qu’il le restera, pas d’Etat palestinien, pas de paix.

Qui s’oppose, en fait, à la solution aux deux Etats ? Ceux qui n’y ont pas intérêt. L’extrême droite israélienne, (dont certains religieux ne voulaient pas d’un état sioniste), parce qu’ils vivent du conflit, et puis tous les autres ; l’Iran, ses affidés, Hezbollah et Hamas, d’autres encore, qui vivent de la guerre. Syrie et Russie, qui gardent là un précieux moyen de chantage. Et puis ceux qui ne souhaitent pas de « démocratie » dans le monde musulman. Mais ils peuvent l’accepter, tout le monde peut être d’accord, à condition d’en faire l’effort, et de payer. Mais ne paie-t-on pas déjà ?

https://oumma.com/secularisation-democratisation-monde-musulman-bonne-mauvaise-conscience-occidentale/

En Irak comme en Syrie, comme en Afghanistan, les Américains se retirent.

Les États-Unis discutent avec le gouvernement irakien, proche de l’Iran, d’un retrait de leurs troupes en Irak. Depuis la mi-octobre, les milices pro-iraniennes ont mené plus de 150 attaques au drone et à la roquette, contre leurs bases en Irak et en Syrie. En Irak comme en Syrie, comme en Afghanistan,  les Américains se retirent.America is back … home. Qui prend sa place au Moyen Orient ? La Chine, l’Iran, la Turquie, la Russie, comme en Afrique ? l’Europe le pourrait. Elle y prouverait son existence. Mais la France y est seule. D’autant que les Etats-Unis, peuvent aussi, demain, laisser l’Ukraine. Et l’Europe.

Il n’y aura pas de solution à deux Etats, sans qu’elle soit imposée par cette coalition contre le terrorisme. C’est aujourd’hui et maintenant. Avec une Europe impliquée dans la solution  économique et … militaire. Pour l’instant, seule la France a des soldats, depuis vingt ans, au Liban, en Syrie, en Irak.  Seule la France dialogue. Qui d’autre ?

Évincer la Russie d’Afrique favorisera la paix avec la Russie. Elle comprendra que la guerre est sa perte.  

Pendant ce temps-là, Russes et Turcs se vendent Afrique. Tous les anticolonialistes devraient soutenir des opérations qui le mettraient dehors, ainsi que les juntes militaires sans armée.

Évincer la Russie d’Afrique favorisera la paix avec la Russie. Elle comprendra que la guerre est sa perte. Quel espoir fut celui d’un partenariat eurorusse ! Si la Russie avait accepté de se marier avec l’Europe, le monde serait plus heureux, plus paisible, plus riche. Poutine a refusé le mariage. Petit esprit. En Ukraine, il attend le repli américain, la lassitude des Européens, qui, quoiqu’opulents, grattent le nombril de leur décadence.

Beaucoup parlent de paix. Après tout, l’Ukraine n’est-elle pas, de fait, un conflit gelé ? N’est-il pas possible de lâcher la Crimée et le Donbass contre la paix, une idée suggérée au début de l’invasion par Zelenski pour sauver l’Ukraine ? Aujourd’hui, c’est impossible. Le régime, l’idéologie poutinienne, ne peut supporter un pays « européen », démocrate, à ses frontières. Il ne peut désormais y avoir de vraie paix entre l’Ukraine et la Russie, en fait entre l’Europe et la Russie, qu’après Poutine.

La loi des tyrans est l’effritement perpétuel.

La loi des tyrans est l’effritement perpétuel. Maduro vient de condamner une trentaine de généraux parce qu’ils auraient fomenté un coup d’État. Erdogan fit une purge de dix ans suite au faux coup d’État de 2016. Poutine a tué Prigogine et condamné à vingt ans de Goulag un ultranationaliste, aussi sévèrement qu’un étudiant qui osa écrire un poème pour la paix. L’ancien président iranien Rohani est interdit de candidature au « Conseil des experts », qui nomme le « Guide ». Kim a tué son frère et licencié des généraux. Comme Xi Jinping. Tout maître se méfie de ses courtisans, serviteurs et esclaves, et les éliminent. Le cercle du pouvoir se rétrécit, puis devient trou noir.

Les conditions de la paix, en « Palestine » ou en Russie, ce sont des régimes forcément démocrates.

Il faut donc tenir, le temps qu’il faudra, contrer la propagande russe, iranienne, chinoise ; débusquer les robots qui diffusent de fausses informations sur les réseaux sociaux. Mener, dans ces pays, des opérations ; soutenir les oppositions. Avant que la paix ne s’installe, hélas, faire la guerre.

Les conditions de la paix, dans la  future « Palestine » ou en Russie, ce sont des régimes forcément pacifiques. Et démocrates. Ce le sera, un jour. Cela dépend de chaque peuple, et aussi de ce que l’on est capable de montrer, ici, comme volonté et comme espoir. L’un ne va pas sans l’autre.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

Auteur/Autrice

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1 Comments

  1. Monsieur Dominati
    je vous félicite de soutenir Israël aussi clairement.

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