Le Président Tunisien, Beji Caïd Essebsi, va bien mieux, et le prouve avec humour. Après avoir été transféré d’urgence à l’hôpital militaire, le jour même ou trois attentats étaient commis en Tunisie, il en sortait quatre jours plus tard en lançant cette phrase pleine d’humour : « Excusez-moi de ne pas être mort ».
L’annonce de sa mort était en effet sur toutes les lèvres, secret mal gardé se propageant à la vitesse de la panique. La disparition du Président, lié aux retours des attentats, aurait lancé la Tunisie, déjà fragile, dans le chaos, alors que l’on s’interrogeait sur un possible report des élections. Ce n’est qu’à son retour de l’hôpital que le Président a pu signer le décret convoquant le corps électoral, trois mois avant, de justesse. C’est désormais une certitude : Les élections législatives auront lieu le 6 octobre, les élections présidentielles le 17 novembre. Rien ne devrait empêcher ce grand rendez-vous.
7 millions d’électeurs sont inscrits sur les listes électorales. 1.5 millions sont de nouveaux inscrits, dont 54% de femmes. Les jeunes (18/35 ans représentent désormais 63% du corps électoral. Ce sont eux qui décideront.
Mais rien n’est simple. Actuellement en tête des sondages, le publicitaire Nabil Karoui, propriétaire d’une chaine de télévision, qui avait participé à la campagne de Beji Caïd Essebsi, fait face à plusieurs obstacles.
L’un est une inculpation pour blanchiment et fraude fiscale, avec gel de ses avoirs et interdiction de voyager. Une décision judiciaire qui fait suite à une plainte de 2017 mais intervient juste après la création de son parti « Au cœur de la Tunisie ».
L’autre est un amendement à la loi électorale qui interdit la candidature de personnes qui ont bénéficié de moyens de propagande, de donations venant de l’étranger ou octroyé des dons aux Tunisiens par le biais d’associations caritatives, ce qui le vise directement. Cet amendement vise également Abir Moussi, une avocate qui dénonce le parti religieux, et se revendique clairement de l’héritage de Ben Ali. Elle est créditée de la troisième place dans les sondages. Ces amendements ne sont pas encore entrés en vigueur, mais ils pourraient l’être très vite.
En Tunisie comme ailleurs, les sondages sont peu fiables, surtout si loin de l’élection. Mais visiblement ils inquiètent. Le dernier sondage publié donnait Nabil Karoui à 23%, à égalité avec l’universitaire Kaïs Said, considéré plutôt proche des religieux,-même si ceux-ci n’ont encore décidé de soutenir personne- et Abir Moussi à 13%.
Pour les élections législatives, « Au cœur de la Tunisie » obtiendrait 29%, Ennahdha (islamistes) seulement 16%, le parti destourien libre (Abir Moussi) 11%, celui du Premier ministre actuel (Tahya Tunes) 8% et celui du Président (Nidaa Tounes) 5%. Tout cela est très incertain et fluctuant. Le Premier ministre Youssef Chahed, que l’on voyait il y a quelques mois comme favori ne pointerait plus qu’en quatrième position. C’est pourquoi il est accusé par Nabil Karoui d’être à la manœuvre. Possible. Mais pas certain.
Youssef Chahed, qui a formé son propre parti et quitté celui du Président, vient d’interdire le port du Niqab dans les bâtiments publics après les attentats. Un geste qui a contrarié ses alliés d’Ennahdha. Ceux-ci envisageraient de quitter la coalition et de demander sa démission. Par qui Youssef Chahed serait-il alors soutenu ?
La confusion préélectorale est donc majeure. Personne ne sait si Nabil Karoui et Amir Moussi pourront être candidat, ni si Ennahdha soutiendra quelqu’un, ni si Youssef Chahed restera Premier ministre.
Il est surtout vraisemblable que d’autres candidats apparaissent. Une nouvelle coalition pourrait voir le jour, comme celle de Beji Caïd Essebsi en son temps : rassembler les anciens destouriens de Ben Ali, les démocrates et les modernistes autour d’un programme économique et social tourné vers les jeunes et l’emploi.
La situation économique et sociale est plus que difficile. Les événements en Lybie et en Algérie la fragilisent. Mais ils confortent aussi cette démocratie incertaine, car elle évite jusqu’à présent violence et conflits.
En tout cas, comme Beji Caïd Essebsi, la démocratie tunisienne est toujours vivante. Imparfaite, fragile, mais vivante.
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