Européennes : Jordan Bardella, la cure de jouvence de l’extrême droite française

Européennes : Jordan Bardella, la cure de jouvence de l’extrême droite française

« Je l’ai, je l’ai ! » s’exclame, tout content, un jeune homme après son selfie avec Jordan Bardella, la star montante de l’extrême droite en France, dont les 28 ans offrent une cure de jeunesse au parti des Le Pen.

La scène se déroule par un chaud samedi d’avril à Royan, ville balnéaire du Sud-Ouest, où Jordan Bardella présente son programme pour les élections européennes du 9 juin.

Son parti, le Rassemblement national (RN), est donné largement vainqueur du scrutin en France, avec un score de 32,5 % selon les derniers sondages, loin devant la liste de la majorité du président Emmanuel Macron (18 %).

Si jeune qu’il soit, la tête de liste Bardella reprend tous les vieux thèmes de l’extrême droite : contre « l’immigration massive », contre « l’ensauvagement » et le « déclin » de la France, contre une « écologie punitive » qui pénalise les agriculteurs.

Une heure de meeting… et une heure de séance selfies. À la sortie du palais des Congrès de Royan, des dizaines de personnes, dont de nombreux jeunes, attendent, impatients, de pouvoir se prendre en photo avec leur idole au physique de gendre idéal.

«Il est jeune, ambitieux, proche de nous. La personne qu’il nous faut», s’enthousiasme Louis Vergnaud, 23 ans. «Pour les jeunes, il est l’avenir de la France. Notre sauveur», poursuit le jeune homme.

Faire oublier Le Pen

L’image et la biographie de Jordan Bardella — né dans une famille d’origine italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne modeste — sont soignées, modelées pour faire oublier la figure fondatrice du parti créé en 1972, le vieux tribun Jean-Marie Le Pen, réputé pour ses saillies antisémites et racistes.

Sa fille Marine, qui a pris la tête du parti en 2011, mène depuis une stratégie de dédiabolisation payante : elle est arrivée deux fois deuxième aux présidentielles de 2017 et 2022 derrière Emmanuel Macron, et son parti a obtenu un nombre historique de 89 députés aux législatives de 2022.

« Si Jordan Bardella a un atout en plus par rapport à Marine Le Pen, c’est qu’il ne s’appelle pas Le Pen tout simplement », constate le politologue Mathieu Gallard. © EPA-EFE/Guillaume Horcajuelo]

Jordan Bardella préside le RN depuis 2021, mais Marine Le Pen reste la leader de facto de l’extrême droite française.

« Si Jordan Bardella a un atout en plus par rapport à Marine Le Pen, c’est qu’il ne s’appelle pas Le Pen tout simplement », constate le politologue Mathieu Gallard.

Ce que confirme Agnès, une sexagénaire venue assister au meeting de Royan : «J’aime bien la personnalité de Jordan Bardella. Il incarne une jeunesse, alors que je n’ai jamais voté pour un ou une Le Pen. Il y a un renouvellement et c’est très bien», dit cette femme qui préfère ne pas donner son nom de famille.

Parti « normal »

Les quelque 1 300 personnes venues assister au meeting de M. Bardella composent un échantillon de l’électorat de plus en plus divers du Rassemblement national : des hommes et femmes d’âge moyen, de nombreux jeunes, quelques personnes âgées, des personnes habillées en chemisette ou en costume.

La musique qui sort des haut-parleurs avant le début du meeting semble illustrer la volonté de fédérer ce public divers : les stars internationales Mika, Céline Dion ou Katy Perry côtoient les Français Jean-Jacques Goldman, Indochine ou Jul.

Au-delà de la jeunesse de sa tête de liste, la progression du RN s’explique par une conjonction de facteurs, selon M. Gallard.

Même si une majorité de Français considèrent encore ce parti comme «autoritaire» et «raciste», il est «désormais clairement perçu comme étant le parti principal d’opposition à Emmanuel Macron et à son gouvernement», et comme un «parti d’opposition normal» proche de leurs préoccupations : pouvoir d’achat, immigration, insécurité, détaille-t-il.

«De plus en plus, on a l’impression que le parti repoussoir, vraiment celui dont on ne veut pour rien au monde, c’est la France insoumise (LFI)», le parti de la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon, constate le politologue.

La popularité de M. Bardella pourrait-elle faire de l’ombre à Marine Le Pen ?

«À ce stade, ils sont à peu près au même niveau de popularité, il n’y a pas eu encore de sondage qui montrerait que Jordan Bardella ferait mieux que Marine Le Pen en 2027», année de la prochaine présidentielle, répond M. Gallard.

« Mais je pense que Marine Le Pen tient très bien le parti, et que Jordan Bardella le sait. Je pense que ça sera quand même très compliqué pour lui s’il décide de l’affronter », conclut-il.

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