Européennes : en expulsant l’AfD, le groupe ID rebat les cartes à l’extrême droite

Européennes : en expulsant l’AfD, le groupe ID rebat les cartes à l’extrême droite

En expulsant de ses rangs les Allemands de l’AfD, le groupe d’extrême droite Identité et Démocratie (ID) s’est débarrassé d’un parti qui devenait gênant. Mais toute alliance avec les Conservateurs et Réformistes européens (CRE) ou avec le Parti populaire européen (PPE) reste très incertaine. L’article de notre partenaire Euractiv.

Après plusieurs mois de conflits internes, le groupe ID a finalement pris la décision radicale d’écarter le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) de ses rangs.

Ce dernier est au cœur de plusieurs scandales, dont l’audience a encore été amplifiée par les derniers propos tenus par sa tête de liste, Maximilian Krah. « Je ne dirai jamais que quiconque portait un uniforme [de la Schutzstaffel, SS] était automatiquement un criminel », a-t-il déclaré au quotidien italien La Repubblica.

Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, également membre du groupe ID, avait porté un premier coup à l’AfD mercredi (22 mai) en mettant fin à leur coopération au Parlement européen, après les déclarations de Maximilian Krah. Une décision imitée peu après par l’extrême droite tchèque.

« L’AfD au Parlement européen paie le prix des déclarations incontrôlées de Maximilian Krah, qui nuisent à l’AfD en Allemagne et qui l’isolent au niveau européen  », ont commenté dans un communiqué la cheffe de la délégation du mouvement au Parlement européen, Christine Anderson, et le vice-président du groupe, Gunnar Beck.

L’expulsion de l’AfD est symbolique, puisque le mandat de l’actuel Parlement s’achève dans deux semaines, et celle-ci vise surtout à tenter de redorer le blason du groupe d’extrême-droite.

Edoardo Bressanelli, politologue de l’École supérieure Sainte-Anne de Pise, souligne pour Euractiv que les principaux partis du groupe ID, comme le RN et la Lega, le mouvement du vice-Premier ministre italien Matteo Salvini, redoutaient que les sorties de Maximilian Krah ne nuisent à leur image et ne les fassent chuter dans les sondages.

Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui fait également partie du groupe ID, avait porté un nouveau coup à l’AfD mercredi (22 mai) en mettant fin à leur coopération au Parlement européen en réponse aux déclarations de M. Krah. ©EPA-EFE/RODRIGO JIMENEZ

Ursula von der Leyen contre ID

Comment l’extrême-droite européenne va-t-elle se recomposer après les élections de juin ? Lors d’un débat entre les candidats à la présidence de la Commission, organisé jeudi 23 mai, Ursula von der Leyen a souligné que l’expulsion de l’AfD ne signifiait pas que le groupe ID soit devenu plus fréquentable. Selon des sources au sein du PPE, ID ne fait ainsi que se débarrasser de ses « partis les plus fous ».

Ursula von der Leyen, candidate à sa propre succession à la présidence de la Commission pour le PPE, a d’ailleurs fixé certaines conditions pour que des partis d’extrême-droite puissent participer à une majorité au Parlement européen. Trois critères ont été définis : être en faveur de l’UE, respecter l’État de droit et soutenir l’Ukraine et l’OTAN.

Au sein du groupe ID, de nombreux partis sont encore loin de remplir ces conditions, notamment le RN, dont la position sur le maintien de la France dans l’OTAN est ambiguë.

Ursula von der Leyen a également souligné jeudi que la plupart des partis du groupe ID, y compris le RN, étaient « amis avec Vladimir Poutine », ce qui rend toute alliance avec le PPE impossible.

La présidente de la Commission européenne a fixé les mêmes limites pour le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Par conséquent, « si les [partis de] CRE veulent coopérer avec les autres groupes, ils devront peut-être se débarrasser des mouvements qui ne répondent pas à ces trois critères », suggère Edoardo Bressanelli.

Plus d’ID pour crédibiliser CRE ?

En d’autres termes, l’expulsion de l’AfD du groupe ID pourrait donner des idées aux Conservateurs et réformistes européens, tentés à leur tour de chasser les partis qui ne répondent pas aux critères d’Ursula von der Leyen. « Paradoxalement, les CRE pourraient devoir être moins nombreux pour avoir plus d’influence lors de la prochaine législature », continue Edoardo Bressanelli.

En ce cas, plusieurs sources du PPE ont confié à Euractiv qu’une collaboration serait possible, non seulement avec Fratelli d’Italia, mais aussi avec d’autres «  membres sains  » de l’extrême-droite, du moment que ces derniers respectent les lignes rouges évoquées plus haut.

D’ailleurs, lors du débat, Mme von der Leyen a critiqué le parti polonais d’extrême droite Konfederacja, assurant qu’aucune coalition ne serait possible avec ce dernier, mais pas le PiS, membre des CRE, opposant actuel du gouvernement de Donald Tusk et sa formation Plate-forme civique, membre du PPE.

Pas de grand groupe en vue

Les mouvements qui ne manqueront pas d’intervenir à l’extrême-droite du Parlement européen pourraient aussi compliquer la création d’un grand groupe susceptible de rassembler des mouvements du groupe ID et des CRE, comme le souhaite Marine Le Pen.

La leader du RN tente depuis plusieurs mois de se rapprocher de Giorgia Meloni, la Première ministre italienne et présidente de Fratelli d’Italia, le parti le plus influent des CRE. Giorgia Meloni semble d’ailleurs avoir donné quelques gages au RN.

Sauf que pour Ursula von der Leyen, si les CRE veulent se rapprocher du PPE, un cordon sanitaire doit être maintenu avec le groupe ID. La création d’un grand groupe d’extrême droite semble donc peu probable, du moins si les CRE veulent gagner en crédibilité et se rapprocher du PPE.

In fine, Mme von der Leyen, a souligné l’importance d’attendre les résultats des élections, afin de voir la configuration des nouveaux équilibres politiques au sein du Parlement, confirmant la possibilité de voir émerger de nouveaux groupes.

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