Européennes 2024 : la droite radicale progresse et les Verts reculent, selon les projections

Européennes 2024 : la droite radicale progresse et les Verts reculent, selon les projections

En juin de l’année prochaine, les citoyens de l’UE sont appelés aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement européen. Alors que les partis européens commencent à se préparer pour cette échéance, les prévisions de rentrée d’EURACTIV et d’EuropeElects révèlent la dynamique actuellement à l’œuvre, les changements des rapports de force.

En bref :

  • La droite radicale et l’extrême droite se renforcent grâce aux 27 sièges supplémentaires obtenus par les groupes ECR et ID
  • À ce stade, la majorité centriste l’emporte sur la poussée de la droite
  • Le plus grand perdant est le groupe des Verts/ALE, qui perd 20 sièges, suivi par le PPE (-16) et Renew Europe (-12)
  • Les groupes S&D et La Gauche stagnent mais subissent une nouvelle répartition des sièges
  • Le groupe Identité et Démocratie (ID) pourrait passer d’un leadership italien à un leadership français : la Lega de Matteo Salvini semble être dépassée par le Rassemblement national de Marine Le Pen, en passe de devenir le premier parti du groupe
  • Le Partido Popular espagnol deviendrait la première force du PPE
  • Réactions : Les Verts sont optimistes quant à leur capacité à mobiliser les électeurs , ECR est fier de son « euro-réalisme » et critique la gauche. Renew Europe cherche à rappeler aux électeurs l’importance du rôle de faiseur de rois du groupe. Le PPE estime que les sondages ne sont pas fiables
Répartition des sièges

Les « euro-réalistes » des droites radicales obtiennent 27 sièges supplémentaires

Les résultats de nos projections montrent des gains importants dans le spectre de la droite, avec le groupe national-conservateur des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) qui devrait augmenter de 16 sièges par rapport à ses 66 sièges lors des élections de 2019.

Dans le même temps, le groupe d’extrême droite et eurosceptique Identité et Démocratie (ID) devrait obtenir 73 sièges, soit 11 de plus qu’en 2019.

Nicola Procaccini, coprésident du groupe ECR, attribue le succès de la droite à son approche « euro-réaliste et pragmatique », qui, selon lui, suscite beaucoup d’intérêt.

« Les électeurs font moins confiance aux majorités précédentes et aux approches de la gauche pour résoudre les problèmes tangibles et évidents de l’Europe. Plus de bureaucratie, par exemple, n’est pas la solution», déclare M. Procaccini à EURACTIV.

« Ce dont nous avons besoin, c’est de plus d’efficacité dans les domaines qui comptent le plus pour les citoyens , tels que les frontières extérieures, le marché intérieur et la reprise économique ».

Un tel discours s’est avéré particulièrement efficace en Roumanie, où le parti d’extrême droite AUR est désormais la troisième force politique du pays et devrait entrer au Parlement européen pour la première fois avec huit sièges.

Parmi les grands gagnants de l’ECR, on trouve également le parti VOX espagnol, bien qu’il n’ait pas obtenu les résultats escomptés lors des élections nationales anticipées de juillet et qu’il ait perdu ses chances d’entrer au gouvernement. À Bruxelles, ses sièges devraient passer de quatre à neuf.

Changement de leadership chez ID

À l’inverse, le parti au pouvoir en Pologne, le PiS, pourrait perdre cinq sièges, passant de 24 à 19, tandis que le parti au pouvoir en Italie, Fratelli d’Italia, dirigé par Georgia Meloni, réalise une percée en engendrant 19 sièges supplémentaires.

La popularité du parti de Mme Meloni n’a cessé de s’accroître depuis les élections italiennes de septembre 2022, lorsqu’il est entré au gouvernement dans une coalition tripartite avec la Lega (ID) de M. Salvini et Forza Italia (PPE) de M. Berlusconi, auquel M. Tajani a succédé lors de sa mort.

Une telle décision s’est avérée coûteuse pour la Lega, car la croissance de Fratelli d’Italia a été inversement proportionnelle à la chute de la Lega, le parti ayant perdu 16 sièges sur les 25 qu’il avait remportés en 2019.

La nouvelle répartition des sièges de la Lega, combinée à une augmentation de cinq sièges, de 18 à 23, par le Rassemblement national de Marine Le Pen, pourrait se solder par un changement de leadership au sein d’ID, de l’Italie vers la France.

Le leader actuel du groupe est l’eurodéputé de la Lega Marco Zanni. Le RN pourrait utiliser son poids nouveau pour l’évincer.

Le groupe ID progresse également en Autriche et au Portugal, avec, d’après les projections, 3 eurodéputés supplémentaires pour le FPÖ autrichien et 3 sièges pour le parti d’extrême droite portugais « Chega! » (Assez!), qui pourrait entrer au Parlement européen pour la première fois.

Au centre, les faiseurs de rois

La majorité centriste l’emporte, mais des pertes menacent Renew et le PPE

L’idée d’une majorité d’extrême droite, initialement promue par le trio conservateur italien au pouvoir, ne semble pas se concrétiser à ce stade. Ainsi, la traditionnelle coalition informelle entre le groupe libéral Renew Europe, les socialistes S&D) et le centre-droit (PPE) devrait l’emporter avec 395 sièges sur 705.

Cependant, alors que le S&D parvient à maintenir son nombre actuel d’eurodéputés, le PPE perd en influence et passe de 177 à 160 sièges, de même que Renew Europe (de 101 à 89 sièges).

Les pertes de Renew peuvent être principalement attribuées à la mort du parti libéral espagnol « Ciudadanos », qui, suite aux résultats catastrophiques des élections régionales, a décidé de retirer sa candidature pour les élections anticipées qui ont eu lieu en juillet. Cela coûte 8 eurodéputés à Renew.

Alors que le parti du président français Emmanuel Macron, Renaissance, perdrait également un siège, d’autres partis libéraux devraient voir leur représentation augmenter. En particulier, la nouvelle coalition polonaise Trzecia Droga, qui entrerait au Parlement avec 3 eurodéputés.

L’ANO tchèque contribuerait aussi à l’équilibre de Renew avec 4 sièges supplémentaires, passant de 5 à 9. Encore faut-il que le parti ne soit pas expulsé de l’ADLE et de Renew, car ANO a fait l’objet d’un examen approfondi pour ne pas s’être engagé en faveur des valeurs libérales.

Renew Europe s’est dit confiant dans le fait qu’il continuera à être le faiseur de rois dans la prochaine législature, a déclaré un porte-parole à EURACTIV en réaction à la projection, ajoutant que « l’Europe est gouvernée au centre ou alors elle est tout simplement ingouvernable ».

« La campagne sera l’occasion de rappeler aux électeurs que nous sommes le seul groupe capable d’éviter une mainmise populiste sur l’agenda parlementaire européen », a déclaré le porte-parole.

« Nous nous présenterons aux électeurs avec un héritage solide, sur l’État de droit, le Green Deal, la numérisation, et nos positions sans ambiguïté sur l’intégration européenne pour protéger la démocratie, (…) les partis qui sont les plus clairs, en Europe, font généralement mieux que les prédictions des sondages », a conclu le porte-parole.

Changement de gouvernance au PPE ?

En ce qui concerne le groupe de centre-droit PPE, Forza Italia, partenaire de la coalition gouvernementale italienne, celui-ci devrait perdre 4 sièges sur les 9 qu’il détient actuellement. Les électeurs du parti ont préféré Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, tandis que le Fine Gael irlandais passera de 5 à 2 sièges.

De leur côté, les chrétiens-démocrates allemands de la CDU risquent de perdre leur place en tant que première délégation nationale du groupe, puisqu’ils perdraient 3 sièges pour s’arrêter à 20.

Le Partido Popular (PP) espagnol passerait de 13 à 21 députés, fort d’une dynamique après s’être hissé à la première place des élections nationales anticipées de juillet.

Il est peu probable que les Espagnols demandent un changement de direction, car la différence n’est que d’un siège. De plus, le leader du PP, Alberto Núnez Feijóo, est proche de l’actuel président allemand du PPE, Manfred Weber.

Parmi les autres bonnes performances du PPE, on peut citer le parti polonais Koalicja Obywatelska, dirigé par Donald Tusk, qui passe de 11 à 16 sièges (dont 14 iraient au PPE) et l’apparition du nouveau parti « Nieuw Social Contract » aux Pays-Bas avant les élections nationales du 22 novembre, qui pourrait obtenir le nombre record de 7 sièges pour sa première entrée au Parlement européen en arrachant des voix au parti néerlandais de centre-droit existant CDA, passant de 5 à 1 siège.

Sollicité, le PPE n’a pas souhaité faire de commentaire.

Cependant, une source au sein du parti a déclaré à EURACTIV que la fiabilité des sondages nationaux et européens devrait être remise en question, en citant l’exemple des élections nationales en Espagne et aux Pays-Bas.

La même source a ajouté que « toutes les estimations s’accordent toujours sur la même chose : le prochain président de la Commission ne pourra compter que sur la même majorité qu’aujourd’hui – PPE, S&D, Renew. Il n’y a pas d’autre possibilité, ni de gauche, ni de droite ».

Malgré les efforts de certains partis européens pour promouvoir le système du Spitzenkandidat, selon lequel le candidat principal du parti qui obtient la majorité au Parlement devient président de la Commission européenne, les pays de l’UE finiront très probablement par faire leur propre choix.

Après les élections de 2019, par exemple, le candidat principal du PPE, Manfred Weber, a été écarté par les pays de l’UE, qui ont choisi Ursula von der Leyen à sa place. Dans tous les cas, le Parlement devra donner son accord.

En juin 2024, les citoyens de l’UE seront appelés à élire leurs représentants au Parlement européen

Les Verts s’effondrent

D’après les projections actuelles, le groupe des Verts/ALE devrait obtenir 52 sièges, ce qui représente une baisse notable par rapport aux 72 sièges actuels.

Les pertes les plus importantes concernent les bastions traditionnels des Verts, l’Allemagne et l’Autriche, où ils perdent respectivement 5 et 1 sièges. Alors que le parti vert italien perd ses 3 sièges et qu’Ecolo en perd 1 en Belgique, Europe Écologie Les Verts (EELV) en France, Vihreä liitto en Finlande, Miljöpartiet de gröna en Suède et le Green Party en Irlande perdent chacun 2 sièges.

Dans le même temps, le parti gagne du terrain dans certains pays, comme la Croatie, où le parti « Možemo ! » entre au Parlement pour la première fois avec 2 sièges, la Lituanie, où les Verts doublent le nombre de sièges pour atteindre 4.

En Espagne, la nouvelle coalition « Sumar » offre aux partis verts l’espace politique nécessaire pour gagner 2 sièges supplémentaires, pour un total de 3.

Malgré ces prévisions, les Verts sont convaincus que leur base et leur réseau populaire mobiliseront les électeurs à l’approche des élections, ont déclaré à EURACTIV les coprésidents du Parti vert européen, Mélanie Vogel et Thomas Waitz, rappelant les élections européennes de 2019 où les sondages prédisaient l’effondrement des Verts au Parlement européen, mais qui ont finalement conduit à une « vague verte », d’après leurs mots, et installé les Verts en tant que quatrième groupe.

« Nous sommes prêts pour la campagne, nous travaillons dur avec les ONG, les syndicats, les entreprises et la société civile pour développer plus de propositions pour la justice sociale et climatique qui préservent notre environnement et créent des emplois de qualité », ont-ils déclaré.

Le climat sera au cœur de leur campagne électorale et 77 % des citoyens de l’UE estiment que le changement climatique est un « problème très grave », selon l’Eurobaromètre de juin 2023.

« Les vagues de chaleur et les incendies de forêt qui ont battu des records cet été montrent aux gens qu’il est crucial de voter vert pour obtenir une véritable action climatique et protéger les générations de nos enfants et de nos petits-enfants », assurent les coprésidents du groupe.

Quant à « la mobilisation qui a sauvé la loi sur la restauration de la nature, contre une coalition du PPE, des libéraux et des populistes, et les élections espagnoles de juillet, où le PP n’a pas obtenu la majorité avec VOX, elles montrent qu’avec les citoyens et la société civile, nous pouvons gagner les batailles politiques et vaincre les partis de droite », ont-ils ajouté.

Les socialistes et la gauche radicale se maintiennent

Le groupe des Socialistes et Démocrates (S&D) et le groupe de la Gauche restent à leur place avec une légère augmentation de 3 et 1 sièges, totalisant respectivement 146 et 38 eurodéputés.

Cependant, tous deux subissent un réaménagement de leurs partis membres et du nombre de députés entre les délégations nationales.

Au sein du S&D, la plus grande progression est opérée par le Partidul Social Democrat roumain, qui obtient cinq sièges supplémentaires, de 8 à 13 sièges. Le Parti socialiste français pourrait en avoir 8.

Le Partito Democratico italien obtient 4 nouveaux sièges, devenant ainsi la deuxième délégation nationale avec 19 sièges, dépassant le SPD allemand, qui obtient, lui, 2 sièges supplémentaires mais s’arrête à 18 sièges.

Le PSOE, au pouvoir en Espagne, gagne 1 siège supplémentaire et reste la plus grande délégation nationale du S&D avec 21 eurodéputés.

Les gains dans les grands pays de l’UE sont éclipsés par les pertes dans les plus petits pays, tels que le « Lewica » de Pologne, le « Sotsiaaldemokraatlik Erakond » d’Estonie et le « Partit Laburista » de Malte, qui perdent tous 1 siège.

Aux Pays-Bas, les députés du parti travailliste (Partij van de Arbeid) sont divisés par deux, avec seulement 3 sièges restants — ce qui n’est pas de bon augure pour l’ancien commissaire Frans Timmermans, qui a démissionné de son poste en août 2023 pour conduire une liste commune entre le parti travailliste néerlandais et les Verts pour les prochaines élections néerlandaises du 22 novembre.

En ce qui concerne le groupe de La Gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon gagnerait deux sièges, passant de 5 à 7, tandis que le plus grand gagnant serait le Sinn Féin irlandais, qui passerait d’un à six sièges. À l’inverse, certains partis perdraient des sièges, comme les Indépendants d’Irlande (-2), les Anticapitalistas d’Espagne (-1) et les Allemands de Die Linke d’Allemagne (-1).

La coalition de gauche espagnole « Sumar », qui regroupe à la fois les écologistes et la gauche radicale, ferait gagner trois sièges pour le groupe de gauche, soit un de moins qu’en 2019, et trois sièges pour les Verts. Il reste à voir où les deux sièges non affiliés prévus pour la coalition aboutiraient.

*9 sièges reviennent à des partis non affiliés, dont la coalition de gauche Sumar (Espagne) avec 2 sièges et le Cours de liberté (Grèce), NIKI (Grèce), Spartans (Grèce), « DieBasis » (Allemagne), « Yes, Bulgaria », et Stabilitātei ! (Lettonie) avec 1 siège chacun.

**Les Non-Inscrits, un groupe comprenant de nombreux élus de droite ou d’extrême droite, devraient passer de 47 à 56 sièges.*** Un siège n’est pas attribué en raison de la nature du modèle de probabilité de masse (méthodologie).

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