Comme chaque année, le Fonds monétaire international (FMI), avec l’appui des autorités françaises, a publié un rapport sur la situation de la France comportant des recommandations pour notre économie.
Le FMI souligne que la France a connu un rebond économique important après la crise sanitaire, rebond plus rapide que dans la plupart des autres pays européens. Même si la France est moins directement exposée à la crise énergétique que ses partenaires européens, elle subit un choc de pouvoir d’achat et une crise de défiance, celle-ci étant persistante depuis des années. Les services du FMI prévoient une croissance du PIB d’environ 2,5 % pour 2022 et avoisinant 0,75 % pour 2023 sachant que le Gouvernement a retenu un taux de 1 % pour établir ses projets de loi de finances.
Le taux de croissance potentiel serait désormais de 1,3 % en France. Les séquelles de la pandémie et du choc énergétique provoquant une perte nette d’environ 2 points de pourcentage par rapport à la tendance prépandémie.
Une lente décrue de l’inflation
Pour le FMI, après avoir atteint 7,1 % en octobre, l’inflation devrait rester élevée dans les mois à venir. En raison essentiellement des contrôles des prix de l’énergie et des subventions, qui ont limité les hausses de prix à des niveaux inférieurs d’environ 2 à 3 points de pourcentage, la France resterait en-dessous de la moyenne européenne.
Les hausses de salaires sont pour le moment inférieures à l’inflation totale. L’indexation automatique du salaire minimum et dans une moindre mesure des retraites et des prestations sociales pourrait générer des effets de second tour. L’inflation devrait atteindre un pic dans les mois à venir, mais restera proche de 5 % en 2023 en moyenne avec l’assouplissement des contrôles des prix. Elle resterait persistante en 2024 et ne diminuerait que lentement après pour se rapprocher de l’objectif des 2 %.
Le FMI indique que les incertitudes sur ses prévisions sont élevées : prolongation de la guerre en Ukraine, escalade des sanctions, réparation des centrales nucléaires, etc.. Les prix du gaz et de l’électricité pourraient continuer à augmenter et provoquer un nouveau rebond de l’inflation. Plus la vague inflationniste perdurera, plus le risque d’une boucle prix-salaires augmentera.
La banque centrale pourrait être amenée à durcir plus fortement sa politique monétaire conduisant à un ralentissement plus marqué de la croissance.
Le FMI demande une décrue des aides budgétaires
Les mesures mises en œuvre en 2021-22 pour contrecarrer les effets de la crise énergétique ont représenté au total plus de 2 % du PIB. Ces mesures comprennent les gels des prix du gaz et de l’électricité (bouclier tarifaire), les transferts monétaires aux ménages (chèque énergie, indemnité inflation), la remise sur le prix des carburants et le soutien aux entreprises. Les deux tiers d’entre elles n’ont pas été ciblées en fonction des revenus. Pour 2023, la suppression de la remise sur le prix du carburant et le relèvement des plafonds au titre du bouclier tarifaire constituent des mesures salutaires pour le FMI qui néanmoins mentionne que les ajustements des prix du gaz et de l’électricité restent modestes par rapport aux tarifs de l’énergie qui ont plus que doublé hors contrôle des prix.
La France pratique des prix administrés, système dont il sera difficile de sortir, tant la pression de l’opinion sera forte pour les maintenir.
Les services du FMI préconisent de recentrer l’aide en matière énergétique en accélérant l’élimination progressive des contrôles des prix tout en augmentant l’aide ciblée aux personnes les plus impactées. Le FMI demande au gouvernement de privilégier le chèque énergie prévu d’ici à la fin de cette année pour les ménages à revenus modestes. Il propose un mécanisme de tarification différenciée, avec un bouclier tarifaire ne couvrant que les besoins énergétiques de base.
Le FMI s’alarme du fait que la France est certainement le pays européen qui a réalisé l’effort public le plus important pour faire face aux deux crises successives. Il s’inquiète du fait que la France n’a pas encore réussi à stabiliser son endettement et que l’écart avec ses partenaires s’accroît dangereusement en matière de gestion des finances publiques. La succession des élections en 2022 n’a pas facilité l’atterrissage budgétaire.
Dans son rapport, le FMI s’inquiète que le projet de loi de finances pour 2023 ne prévoit pas de réduction du déficit, reportant l’ajustement budgétaire à 2024. En plus du ciblage des mesures de soutien au pouvoir d’achat, l’organisation internationale demande la réduction des subventions aux producteurs d’énergie renouvelables et le report des réductions d’impôts sur la production.
La France ne pourra pas échapper à des réformes structurelles
La priorité devrait être donnée aux économies de dépenses et non à l’augmentation des prélèvements. Pour inverser l’écart d’endettement avec les partenaires et assurer la viabilité budgétaire à long terme, les services du FMI préconisent un ajustement soutenu pour ramener le déficit à 0,4 % du PIB d’ici à la fin de la décennie, conformément à l’objectif à moyen terme (OMT) de la France avant la crise.
La trajectoire d’ajustement sous-entend un effort cumulé d’environ 5 points de pourcentage du PIB sur 7 à 8 ans, moyennant un effort annuel moyen de 0,7 % du PIB. Selon le FMI, la France ne pourra pas échapper à des réformes structurelles importantes. Une réforme globale des retraites est jugée indispensable. Elle devrait accroître le taux d’activité des travailleurs les plus âgés en relevant progressivement l’âge effectif de départ à la retraite tout en prenant en compte les situations particulières (carrières morcelées, pénibilité, etc.).
Le FMI souligne la nécessité d’achever la réforme de l’assurance-chômage. L’introduction d’un caractère contracyclique dans les allocations de chômage est considérée comme une mesure pouvant contribuer au taux d’emploi en faisant varier les conditions d’admissibilité et/ou de durée des prestations en fonction de la situation du marché du travail.
Le FMI demande la rationalisation des dépenses fiscales, notamment celles en faveur des combustibles fossiles et du logement dont l’efficacité est plus limitée ou qui entrent en contradiction avec la transition énergétique. Le crédit d’impôt recherche qui constitue une des plus importantes dépenses fiscales en France devrait être repensé. Il est accusé d’être peu performant et de générer des effets d’aubaine.
Le FMI attend une rationalisation des effectifs de la fonction publique avec la réduction des doublons entre les différents niveaux des administrations publiques. Il souhaite la simplification des régimes des minima sociaux.
Un secteur financier à surveiller
Le FMI s’inquiète de la solidité du secteur financier. Si les banques françaises ont affiché une hausse des bénéfices au début de l’année 2022, elles sont confrontées à des perspectives plus délicates en raison de la détérioration de la croissance et de l’accentuation des risques de crédit dans les secteurs touchés par l’inflation et la crise énergétique. Ces effets pourraient être en partie compensés par une hausse des marges d’intérêt nettes générée par le relèvement des taux d’intérêt. Le FMI appelle l’autorité de régulation, l’APCR, à suivre de près l’évolution de chaque établissement.
Les services du FMI soutiennent l’intention des autorités européennes d’accroître progressivement le coussin de fonds propres contracyclique. En France, l’écart du ratio de crédit sur le PIB reste supérieur à son niveau d’avant la crise, ce qui constitue un risque pour la stabilité financière de la place. Les économistes du FMI souhaitent un assagissement de la demande de prêts en France et soutiennent la décision du Haut Conseil de la Sécurité Financière de relever le taux du coussin de fonds propres contracyclique (actuellement de 0,5 %) de 0,5 % vers la fin de l’année. Compte tenu de la concentration des facteurs de vulnérabilité de la dette dans le secteur des entreprises, les autorités pourraient également envisager de mettre en place un coussin pour le risque systémique sectoriel pour les expositions aux entreprises.
Le problème récurrent de la formation
Le FMI note que la France est confrontée à un problème persistant en matière de formation initiale et continue. Les faibles résultats scolaires sont pointés du doigt d’autant plus que les dépenses sont relativement élevées, laissant entrevoir des possibilités de réaliser des gains d’efficience. Des économies pourraient être réalisées sur le deuxième cycle du secondaire au profit de l’enseignement primaire.
Une rationalisation des dépenses relatives au personnel non enseignant pourrait être menée. Le FMI préconise que les professeurs soient en partie rémunérés en fonction des résultats. Les disparités liées au statut socio-économique pourraient être réduites en incitant les enseignants à travailler dans des zones défavorisées, notamment à travers la rémunération.
Le FMI recommande également d’accroître les responsabilités et l’autonomie des administrations scolaires afin de favoriser les innovations pédagogiques.
Une accélération du programme de transition énergétique
Le FMI souligne que des progrès conséquents pourraient être obtenus en matière d’économies d’énergie. La France pourrait aussi augmenter le poids des énergies renouvelables afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le FMI se prononce en faveur de l’augmentation de la tarification carbone qui devra s’accompagner de mesures de soutien aux ménages modestes.
Le FMI a dressé un état des lieux sombre de l’économie française et appelle de ses vœux à des réformes structurelles. L’organisation internationale est dans son rôle d’aiguillon des pouvoirs publics qui ont été, par ailleurs, associés à la rédaction du rapport annuel. Il n’en demeure pas moins que la trajectoire des finances publiques ainsi que l’inefficience des dépenses d’éducation constituent des faiblesses inquiétantes qui pourraient handicaper le pays dans les prochaines années.
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