Entretien avec Michel Barnier

Entretien avec Michel Barnier

L’ancien négociateur de l’Union européenne sur le Brexit entame une tournée de trois jours en Bretagne, où il vient soutenir les candidats Les Républicains engagés dans les élections régionales. Et les pécheurs bretons, lésés depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Un article de nos partenaires Euractiv et Ouest-France.

Michel Barnier sera-t-il candidat à la présidentielle en 2022 ? Si l’ancien négociateur de l’Union européenne sur le Brexit élude la question, réservant sa réponse pour l’automne prochain, il est pleinement engagé aux côtés des Républicains dans la campagne pour les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin prochains.

Dans le Grand Est la semaine dernière pour soutenir Jean Rottneren Auvergne Rhône-Alpes la semaine d’avant pour soutenir Laurent Wauquiez, il sera en Bretagne du 3 au 5 juin inclus, aux côtés d’Isabelle Le Callennec, la maire de Vitré (Ille-et-Vilaine) tête de liste LR dans la région. Ce déplacement lui permettra d’évoquer les conséquences du Brexit, notamment sur la pêche, sujet hautement sensible en Bretagne.

Quel est l’objectif de votre déplacement en Bretagne, cette fin de semaine ?

Je réponds à l’invitation d’Isabelle Le Callennec et des candidats de ma famille politique, auxquels j’apporte mon amitié et ma confiance. Chaque semaine, je passe plusieurs jours dans les régions françaises auprès de celles et ceux qui mènent une campagne indispensable sur les défis territoriaux du pays.

En Bretagne, je débuterai ma visite ce jeudi à Vitré, autour de l’avenir des métiers de l’alimentation, avant de rejoindre le Morbihan pour une conférence à Vannes sur les leçons du Brexit et, vendredi, une séquence sur la pêche à Lorient puis sur la dépendance à Pluméliau-Bieuzy. Je poursuivrai ensuite cette visite dans les Côtes-d’Armor par une découverte de l’entreprise Winfarm à Loudéac, d’un projet de méthanisation à Mérillac pour finir, le samedi matin, par une rencontre à Erquy avec les acteurs locaux autour des questions de pêche durable et de stratégie énergétique. Par ailleurs, je dédicacerai mon livre (1) à Saint-Malo le vendredi après-midi et à Lamballe le samedi midi.

Vous aurez beaucoup de questions sur les conséquences du Brexit en Bretagne, dont le cas de la pêche ?

Les pêcheurs français ont raison d’exprimer leur mécontentement, je suis avec eux et je le resterai. Nous avons signé un accord très précis avec les Britanniques, qu’ils ont négocié jusqu’au dernier moment. Il n’est pas idéal, ni pour nous, ni pour eux, mais il est correct et équilibré, ce qui devrait nous permettre de travailler en bonne intelligence. La mauvaise volonté dont ils font preuve n’est pas correcte, ils doivent respecter leurs engagements.

Si nous n’obtenons pas satisfaction, il faudra mettre en œuvre les mesures compensatoires prévues dans le traité. On peut rétablir les droits de douane sur certains produits de pêche, voire suspendre l’accord. Le gouvernement français et la Commission européenne doivent se montrer fermes, vigilants et actifs sur tout cela.

Sur quels autres points les Bretons ont-ils intérêt à faire preuve de vigilance ?

L’agriculture, une grande partie de la nourriture britannique venant de Bretagne. Nous avons beaucoup d’échanges commerciaux et maritimes, et il faudra surveiller tout particulièrement la manière dont les Britanniques vont utiliser leur nouvelle autonomie réglementaire, maintenant qu’ils ne sont plus liés par les directives européennes.

Vont-ils utiliser cette autonomie de manière raisonnable ou en faire un outil de dumping économique, social, fiscal contre nous ? Ils ont déjà fait des déclarations en ce sens, sur l’assouplissement des règles prudentielles financières de la City, l’usage des produits phytosanitaires, l’augmentation de la durée du travail hebdomadaire… Tout cela pourrait créer des distorsions de concurrences, qui seraient particulièrement préjudiciables pour des régions comme la Bretagne ou les Hauts-de-France.

Serez-vous candidat à la présidence de la République ?

J’ai dit que je m’engagerai et que je prendrai ma part au débat présidentiel, je m’y prépare, je serai au rendez-vous, mais je veux travailler d’abord à l’unité de ma famille politique. Nous ne sommes pas dans le temps de la présidentielle, les Français ont d’autres préoccupations. Je prendrai ma décision plus tard. À l’automne.

Les Français que vous rencontrez lors de votre tournée régionale s’intéressent-ils aux élections des 20 et 27 juin?

Je pense que le vote sera plus important que prévu. Beaucoup s’efforcent de donner une dimension nationale à ce scrutin, ce qui est à mon avis une erreur, parce qu’il est important en lui-même. Les départements et les régions gèrent beaucoup d’argent public, ces collectivités mènent des actions de proximité, qui intéressent la vie quotidienne des Français, sur la dépendance, les réseaux routiers, l’économie, les transports scolaires, les lycées, collèges, universités… Il ne faut pas passer par-dessus cette élection.

Quel regard portez-vous sur le plan de relance européen?

Il est massif ! C’est la première fois que nous empruntons autant ensemble, pour investir ensemble, et c’est la bonne voie pour l’Europe. Le plan est approuvé, les bons vont être émis, les crédits d’emprunts vont arriver, et il est temps. Nous avons besoin de cet argent pour nous relancer. Et il va falloir continuer. Je plaide pour la création d’un « fonds national d’investissement » fonctionnant en synergie avec des fonds régionaux en France pour mieux mobiliser l’épargne de proximité et investir dans les secteurs d’avenir. C’est le moment.

Notre pays doit avoir l’ambition de devenir la première puissance économique agricole et écologique de l’Europe dans 10 ans. Je pense que c’est possible, à condition de faire le pari de l’activité et de jouer sur les leviers à tous les niveaux. J’ai confiance dans notre pays parce que je sais la vitalité de ses territoires et des entreprises qui se battent pour produire et travailler en France. Je suis convaincu que la future croissance française partira des acteurs locaux, pas d’en haut. Il faut qu’on sache leur faire confiance. Notre pays a besoin d’une gestion moins centralisée, moins solitaire.

(1) La grande illusion, journal secret du Brexit (2016-2020) de Michel Barnier, Gallimard, 531 pages, 23 €.

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