En Ukraine : la résilience des Français expatriés

En Ukraine : la résilience des Français expatriés

Alors que les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés ce vendredi en Alaska, Lesfrancais.press a choisi, de son côté, de se rendre en Ukraine. Ainsi, nous faisons le point sur la situation avec David Franck, conseiller des Français de l’étranger et résident à Kyiv (Kiev). Il évoque, entre autres, la résilience des Français d’Ukraine et le quotidien de nos compatriotes sur place. Il rappelle également à tous nos compatriotes que cette guerre avec la Russie est aussi la leur. « Nous ne pouvons pas tourner la tête ailleurs et ne pas se sentir concernés ».

Guerre Russie - Ukraine : quel bilan ?

Lesfrancais.press : « David Franck, près de trois ans et demi après le début de l’invasion russe en Ukraine, vous avez choisi de rester à Kiev, comme d’autres de nos compatriotes. Quel bilan dressez-vous de ces quarante-deux mois de guerre ? »

David Franck : « Nous sommes effectivement restés à Kyiv (Kiev), malgré les risques encourus et la vie compliquée. Cette guerre représente un beau gâchis mais nous montre l’importance d’être au sein d’une Union, et pointe les difficultés pour avancer à 27.

David Franck, président du conseil consulaire des Français d'Ukraine
David Franck, président du conseil consulaire des Français d'Ukraine

Côté russe : La Russie a envahi l’Ukraine pensant trouver sur place un accueil chaleureux, ils y ont trouvé porte close et une haine sans limites. La Russie avait un souci démographique, elle l’a accentué. Son économie est bien affaiblie, mais elle a su se rapprocher de la Chine et de l’Inde. D’un autre côté, elle a perdu ses points d’attache au Moyen-Orient, Syrie, Liban et surtout Iran, mais aussi ses liens avec l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

« Cette guerre représente un beau gâchis, mais nous montre l’importance d’être au sein d’une Union, et pointe les difficultés pour avancer à 27 »

Coté ukrainien : L’Ukraine a su montrer sa capacité à résister, face à un ennemi quatre fois plus fort. Elle force le respect par sa résilience, son inventivité et son audace. Son économie tient le coup malgré quelques pénuries. Elle aura toute sa place dans l’Union européenne à la fin du conflit. Elle a une armée vaillante et inventive. Aujourd’hui, tout le monde sait placer l’Ukraine sur une carte géographique, ce qui était rarement le cas avant le conflit.

Depuis 2014, l'armée ukrainienne lutte contre les forces sécessionnistes soutenues par la Russie dans la partie orientale du pays - ©ministère de la Défense d'Ukraine / Flickr
Depuis 2014, l'armée ukrainienne lutte contre les forces sécessionnistes soutenues par la Russie dans la partie orientale du pays - ©ministère de la Défense d'Ukraine / Flickr

Coté Union européenne : Des dissensions sont apparues avec la Hongrie et la Slovaquie, mais les 25 autres pays soutiennent avec fermeté l’Ukraine. Nous voyons bien le leadership de notre Président Emmanuel Macron, appuyé dorénavant par le nouveau Chancelier Friedrich Merz. Pour l’aide à l’Ukraine, la Grande-Bretagne s’est également rapprochée des pays de l’UE, comme avant le Brexit. Ce trio de tête mène une coalition des volontaires pour aider l’Ukraine dans les meilleurs délais, même si pour nous Français, c’est trop lent.

« Pour une majorité d’entre nous, il existe une collusion entre les Présidents Donald Trump et Vladimir Poutine »

Coté États-Unis : Le changement de Président a déjà entraîné une répercussion en février 2025 qui a failli être fatale pour l’Ukraine, quand la livraison des armes et les renseignements militaires américains se sont arrêtés. Pour une majorité d’entre nous, il existe une collusion entre les Présidents Donald Trump et Vladimir Poutine. En tout cas, les derniers rebondissements le laissent penser : au moment où des sanctions massives devaient s’appliquer, il recule en ouvrant sa porte au Président Vladimir Poutine, sans tenir compte des crimes contre l’humanité pour lesquels il est poursuivi par la Cour Pénale Internationale, plus de 20 mille enfants Ukrainiens déportés et se trouvant dorénavant sur un site russe pour être « placés » dans des familles russes.»

Les Français d’Ukraine, las de cette guerre

Lesfrancais.press : « La communauté française en Ukraine est-elle marquée par la lassitude ou a-t-elle su s’adapter à cette situation prolongée ? »

David Franck : « Bien entendu, nous sommes las de cette guerre, mais nous avons su bien évidemment nous adapter. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous comporter comme les Ukrainiens, d’être résilients, et courageux. Certains Français malheureusement sont obligés de réduire leurs activités dans leur entreprise, par manque de clients et par manque de personnels :  En effet, beaucoup partent à l’armée.

David Franck, président du conseil consulaire des Français d'Ukraine
David Franck, président du conseil consulaire des Français d'Ukraine

Mais nous sommes surtout soucieux de voir évoluer l’attitude des Français de métropole vis-à-vis de ce conflit, arguant ici ou là que cette guerre ne nous concernerait pas. Ils devraient se préoccuper de notre réarmement, et de notre collaboration avec les autres pays européens, car nous sommes déjà attaqués par la Russie (dans le cyberespace, dans nos hôpitaux, les mains rouges et la peinture verte taguées dans Paris) et nous devons pouvoir nous défendre, nous et nos alliés européens, avec ou sans l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord).

Nous ne pouvons pas réitérer les erreurs du passé et nous devons nous préparer en cas d’attaques sur un des pays Baltes, la Moldavie ou la Pologne. C’est essentiel pour notre pays et nos compatriotes. Nous ne pouvons pas tourner la tête ailleurs et ne pas se sentir concernés. Cette guerre est « Notre Guerre », comme le souligne dans son ouvrage éponyme, le géopoliticien Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po et à l’École Normale Supérieure. »

« Nous sommes surtout soucieux de voir évoluer l’attitude des Français de métropole vis-à-vis de ce conflit, arguant ici ou là que cette guerre ne nous concernerait pas »

Lesfrancais.press : « Qu’en est-il de la présence française sur place ? L’ambassade, le consulat, le lycée et les alliances culturelles par exemple maintiennent-ils la totalité de leurs activités malgré la guerre ? »

David Franck : « L’Ambassade et le Consulat fonctionnent normalement. Nous avons des procédures en cas d’alertes qui sont scrupuleusement suivies. Nous avons également récupéré la compétence électorale, nous pouvons refaire tous les documents administratifs (passeports, CNI e, certificats de mariage…) et l’octroi des visas peut se faire dans des délais normaux. Nous n’avons pas d’avions, mais la valise diplomatique fonctionne relativement bien.

Ambassade de France en Ukraine ® MEAE
Ambassade de France en Ukraine ® MEAE

Fin 2022, nous étions 470 inscrits au registre des Français et nous sommes actuellement 530. Ce ne sont pas les mêmes types de personnes qui s’installent, il s’agit dorénavant pour beaucoup, de personnes d’Organisations Non Gouvernementales.

« Le lycée Anne de Kyiv (Kiev) fonctionne en présentiel avec plus de 200 enfants pour la prochaine rentrée, alors que nous n’étions que 60 en 2022-2023 »

Le lycée Anne de Kyiv fonctionne en présentiel avec plus de 200 enfants pour la prochaine rentrée, alors que nous n’étions que 60 en 2022-2023, et l’AEFE, (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) dont il dépend, commence à permettre le retour des enseignants (qui le souhaitent) comme résidents.

Lycée Français Anne de Kyiv (Kiev) ®_lyceefrancaisdekiev
Lycée Français Anne de Kyiv (Kiev) ®_lyceefrancaisdekiev

Je tiens ici à remercier particulièrement notre ancienne ministre des Affaires Étrangères, Madame Catherine Colonna, qui a eu le courage d’autoriser la réouverture du lycée, malgré les risques. Les Alliances Françaises comme l’Institut Franco-Ukrainien fonctionnent tous correctement, suivant les procédures de sécurité mises en place. Toutes ces institutions fonctionnent et ont su s’adapter et montrer leur résilience ; il faut le souligner. »

Les attentes des Français d’Ukraine

Lesfrancais.press : « Quelles sont aujourd’hui les principales attentes des ressortissants français établis en Ukraine à l’égard de la France ? »

David Franck : « Nous sommes attentifs aux soutiens militaires et civils de la France. Elle fait beaucoup sous l’impulsion de notre Président, et bien évidemment, nous aimerions qu’elle fasse davantage. Plusieurs mécanismes de soutien au tissu économique ont été mis en place et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais comment se fait-il que la France achète encore du pétrole et du gaz russes, même si nous savons que le terme de ces achats est déjà programmé ?

« Ce ne sera pas en faisant capituler l’Ukraine que la guerre s’arrêtera, bien au contraire. »

Comment se fait-il que l’Union européenne et/ou l’OTAN laisse encore sortir par la mer Baltique des navires fantômes qui vont alimenter la machine de guerre russe ? Il faut plus d’implication à tous les niveaux, français comme européen, afin de tarir les revenus russes. Car ce n’est que par ce biais que la guerre peut prendre fin. Ce ne sera pas en faisant capituler l’Ukraine que la guerre s’arrêtera, bien au contraire. »

Qui pour mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine ?

Lesfrancais.press : « Selon vous, à qui nos compatriotes accordent‑ils le plus leur confiance pour mettre un terme à ce conflit ? La France ? L’Union européenne ? Donald Trump ? Volodymyr Zelensky ? »

David Franck : « Bien évidemment, les Français résidant en Ukraine, bombardés de façon quasi quotidienne par les missiles et les drones russes, accordent leur confiance au Président Volodiymyr Zelensky, soutenu par les Européens. Le Président Donald Trump veut reprendre les échanges économiques avec la Russie, grâce à la signature d’un document sur lequel sera écrit « Cessez le feu », sans tenir compte de la signature de son prédécesseur Bill Clinton en 1994 sur un autre document : « Le Mémorandum de Budapest ».

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue américain, Donald Trump, le 15 août 2025 en Alaska. ©ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue américain, Donald Trump, le 15 août 2025 en Alaska. ©ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP
Lesfrancais.press : « Quelles sont les premières réactions des Français vivant en Ukraine de la rencontre entre les présidents Poutine et Trump, tenue le 15 août en Alaska, ainsi que de la conférence de presse qui a suivi ce sommet ? »Lesfrancais.press : « Selon vous, à qui nos compatriotes accordent‑ils le plus leur confiance pour mettre un terme à ce conflit ? La France ? L’Union européenne ? Donald Trump ? Volodymyr Zelensky ? »

David Franck : « À la suite de la visite du Président Poutine sur le sol américain en Alaska, nous, Français d’Ukraine, ne sommes pas étonnés de la piètre pièce de théâtre qui s’est déroulée devant nos yeux cette nuit. Le Président Poutine a obtenu sa photo de vainqueur pour la montrer à son peuple, a fait un pied de nez à l’Occident qui lui déroule un tapis rouge, malgré le sang qu’il a sur les mains, et a humilié l’Ukraine par son absence, montrant qu’elle ne compte pas. Il montre à nouveau qu’il ne comprend que la force, et voit dans notre façon de vivre, une décadence, une faiblesse.

Lors des questions des journalistes, on a vu le Président Russe bien énervé par des questions qu’on ne lui poserait pas dans son pays. On a bien remarqué le fossé entre les deux mondes. Voyons si les sanctions américaines resteront, voire se durciront, si jamais aucun accord commercial n’était convenu. Il ne devrait pas y avoir de suite à cette pantalonnade, à moins que le Président Trump ne se soit engagé pour une visite en Russie. Les Américains comprendront ils l’humiliation subie par son Président et à quel niveau bas il vient de mettre la première puissance mondiale ?

J’espère une réunion dans les jours suivants entre l’Ukraine, les États-Unis, la Grande Bretagne, et l’Union Européenne pour une suite plus musclée à donner à ce dictateur, pour défendre nos valeurs, notre liberté et notre Europe. »

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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