La guerre en Ukraine sera-t-elle à l’origine d’un troisième choc pétrolier succédant à ceux de 1973 et de 1979 ? Si le cours du pétrole a progressé de 42 % depuis le début de l’année, la hausse est, pour le moment, très inférieure à celle enregistrée lors des deux précédents chocs. Les cours avaient alors été multipliés par quatre lors du premier et par trois lors du deuxième. En ce début du mois de mars, le prix du pétrole a retrouvé le niveau qui était le sien avant la crise financière de 2008.
Ces quinze dernières années, le marché de l’énergie a connu une profonde mutation avec le développement du pétrole de schiste qui représente plus de 10 % de la production totale de pétrole. Il a permis aux États-Unis de redevenir le premier producteur mondial. Ce pétrole a contribué à une chute importante des prix. Comme en 1973 et en 1979, la hausse des cours est le produit d’évènements géopolitiques. Pour le premier choc, la guerre du Kippour avait été l’élément déclencheur, pour le deuxième, ce fut la révolution islamique en Iran. Elle intervient à chaque fois dans un contexte de tension sur le marché pétrolier.
La conséquence d’un choc géopolitique
Depuis la fin des confinements, dans le courant de l’année 2021, l’offre peine à suivre la demande qui est en forte hausse en lien avec la reprise économique. La production demeure toujours en-deçà de son niveau de 2019. Dans le cadre de l’accord OPEP+, les pays producteurs s’appliquent toujours des quotas de production contribuant à la hausse des prix. Ils entendent ainsi compenser le manque à gagner de ces dernières années. Les États du Moyen-Orient ne souhaitent pas froisser la Russie qui s’est avérée un précieux allié pour faire remonter les prix en 2020. Ce pays a, par ailleurs, su nouer des relations privilégiées avec plusieurs d’entre eux.
Au-delà du contexte géopolitique, d’autres facteurs pourraient expliquer la tension actuelle sur les prix. Les pays producteurs seraient, techniquement, dans l’incapacité d’augmenter l’offre. Plus de la moitié de la production mondiale de pétrole serait devenue mature et serait engagée dans un processus de déclin qui a été un temps masqué par la montée en puissance des gisements non conventionnels. Au début des années 2020, la Russie aurait atteint son pic de production.
Chute des investissements au nom de la transition énergétique
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, un tiers de la production devrait disparaître d’ici 2030 dans un contexte d’augmentation de la demande. La chute de l’investissement dans le secteur pétrolier depuis 2016 pèse aussi sur le niveau de la production. Les découvertes de nouveaux gisements sont de plus en plus rares et ne suivent pas l’évolution de la consommation. Les investisseurs se dégagent de l’exploitation du pétrole au nom de la transition énergétique bien plus vite que la croissance des énergies renouvelables. Cette raréfaction des capitaux pourrait amener à un manque physique de pétrole.
En 2025, en l’absence de découvertes de nouveaux gisements ou d’avancées techniques, le déséquilibre entre l’offre et la demande de pétrole pourrait atteindre 10 millions de barils jour. Un pétrole rare et cher se traduira par une forte hausse des prix et un ralentissement de la croissance. Le retour de la stagflation est une menace réelle pour les pays occidentaux. La hausse du cours du baril aura l’avantage de favoriser la transition énergétique. Cette dernière suppose des changements importants pour de nombreux secteurs. Les plus exposés sont ceux de l’énergie, des transports, de la sidérurgie, de la construction et de la plasturgie.
Les investissements à réaliser se chiffrent à plusieurs centaines de milliards d’euros. Ils doivent s’accompagner d’un effort en matière de formation. La crise ukrainienne constitue une réelle rupture sur le plan géopolitique avec un risque de fragmentation du monde ; elle marque aussi l’entrée dans un nouveau cycle énergétique susceptible de générer d’importantes tensions au sein des sociétés.
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