Emmanuel Macron dévoile sa vision de l'Europe

Emmanuel Macron dévoile sa vision de l'Europe

Notre partenaire, Euractiv, le média qui couvre de Bruxelles à Strasbourg, l’actualité des institutions européennes, a publié hier une série d’articles sur l’intervention d’Emmanuel Macron à la Sorbonne. On a sélectionné les points clés mais n’hésitez pas à découvrir les publications originales. Institutions, Défense, accords commerciaux, sécurité alimentaire, le Président de la République a dévoilé sa vision de l’Europe.

À l’approche des élections européennes des 6 et 9 juin, le président français Emmanuel Macron a tenu un discours-fleuve au ton particulièrement grave sur l’avenir de l’Union européenne. On fait le point pour les Français de l’étranger.

Ne plus déléguer la sécurité européenne aux États-Unis

Au niveau sécuritaire, le président français a proposé de bâtir un « concept stratégique d’une défense européenne crédible » face aux menaces extérieures, russes et iraniennes, et alors que les États-Unis ont le regard tourné vers Pékin et le Pacifique.

Pour Washington, « l’Europe n’est plus prioritaire », a-t-il mis en garde, invitant l’UE à poursuivre son effort de réarmement, pour mettre fin à la « délégation de sécurité » de certains pays du continent aux États-Unis.

Il a réitéré son soutien au développement rapide d’une industrie de la défense à l’échelle du continent, rappelant au passage les capacités françaises en la matière, et les derniers succès commerciaux de l’avion de combat Rafale. Les industries de l’Hexagone pourraient ainsi bénéficier de la mise en place d’une « préférence européenne » pour les achats militaires des États membres de l’Union, financée par un emprunt commun.

Emmanuel Macron a aussi appelé à une meilleure « intimité stratégique » entre les armées du continent, sans pour autant évoquer la création d’une force européenne — véritable serpent de mer fustigé par la droite et l’extrême droite au Parlement européen — et à la création d’une académie militaire commune, dans le but que l’Europe devienne une « puissance d’équilibre » dans un monde tourmenté.

Assumer la maîtrise des frontières

Désireux de mettre en exergue le sérieux de sa politique migratoire, et alors que le sujet est au centre de la campagne des Européennes, il a aussi détaillé les mesures du pacte européen sur la migration et l’asile, adopté dans la douleur par le Parlement européen il y a deux semaines. L’UE doit « retrouver la maîtrise de [ses] frontières » et « l’assumer », a-t-il martelé.

S’il a dénoncé la délégation de la gestion des demandeurs d’asile à des pays tiers, comme le Royaume-Uni tente de le faire avec le Rwanda, ou l’Italie avec l’Albanie, le président français est resté dans la droite ligne de la Commission européenne, qui s’est engagée à signer des accords avec certains États pour limiter les départs et faciliter les renvois.

Emmanuel Macron n’a cessé de rappeler la nécessité de défendre les frontières européennes, mais il est en revanche passé très rapidement sur les perspectives d’élargissement de l’Union, se bornant à rappeler que la Moldavie, l’Ukraine, et surtout les pays des Balkans occidentaux avaient « vocation » à rejoindre l’UE, utilisant exactement le même terme que le Conseil européen de Thessalonique de 2003, il y a plus de 20 ans. Une référence qui ne devrait pas rassurer les pays candidats à l’intégration.

Contrairement à son discours de 2017 et à celui de mai 2022 lors de la Conférence pour l’avenir de l’UE, il n’est pas revenu sur une révision des traités européens, se bornant à reconnaître que « nous n’avons pas tout réussi ».

Emmanuel Macron à la Sorbonne ce jeudi 25 avril 2024 ©AFP

Défense des agriculteurs européens

Mais pour Emmanuel Macron, la conquête de la souveraineté passe aussi par la défense des agriculteurs européens, notamment contre les pratiques déloyales des producteurs des pays tiers.

« Il est insensé […] que l’agriculture soit à chaque fois la variable d’ajustement des contrats commerciaux » a ajouté le président, dénonçant les discours de « tellement de collègues ».

Durant la présidence française de l’UE au printemps 2022, la France avait fait de la réciprocité des normes dans le cadre des accords de commerce – les clauses miroir – son cheval de bataille afin de protéger les filières européennes des produits importés à bas coûts.

Cette volonté affichée s’était heurtée aux États membres, comme l’Allemagne dont l’agriculture souffre moins des importations tout en bénéficiant des exportations de produits industriels. Ce conflit s’est illustré de l’accord avec les pays du Mercosur.

Reconnaissant l’existence d’une « géopolitique de l’agriculture », Emmanuel Macron appelle donc à « réajuster la politique commerciale » de l’UE, en imposant « des clauses miroirs fortes » et en protégeant le secteur de façon « homogène au niveau européen ».

Il demande également une autorité sanitaire et de contrôle européenne, ainsi qu’une force douanière européenne, afin que les produits arrivant sur le marché européen « aient bien les mêmes règles de production » que dans l’UE.

Mais pas question selon lui de « tomber dans le rejet de tout accord commercial », prévient-il. « La fermeture serait décroissante pour les producteurs européens », en particulier pour l’agriculture exportatrice française – fromage, vin et spiritueux notamment.

Raison pour laquelle il défend l’accord controversé avec le Canada (CETA), un « accord gagnant », car cet « accord de nouvelle génération » contient des « clauses miroirs », a-t-il insisté, prenant l’exemple de la viande, qui ne rentre pas en Europe en raison des divergences de normes sanitaires avec l’UE — alors même que l’accord est en vigueur de façon temporaire depuis 7 ans.

Emmanuel Macron a enfin ajouté que l’UE avait « commencé à réparer » certains problèmes de dépendance étrangères qui remontaient à l’après-guerre, comme pour les protéines animales. La priorité porte maintenant sur les protéines végétales.

« Nous n’avons pas le droit d’installer des dépendances alimentaires », a-t-il prévenu.

Électrifier plus, en assumant le nucléaire

Dorénavant, l’UE doit aller plus loin : « l’Europe doit être une puissance électrique, c’est ça la clé », déclare-t-il. En d’autres termes, devenir un marché de « la libre circulation des électrons décarbonés ».

Pour cela, l’UE doit investir dans les interconnexions, corollaire de la visibilité de long terme dans l’investissement et de la sécurité de la fourniture, avance-t-il.

« Nous aurons un marché européen de l’énergie qui fonctionne mieux si nous développons
enfin de manière accélérée ces interconnexions », expliquait-il déjà en 2017, lors de son premier discours à la Sorbonne.

L’UE doit aussi assurer le développement de toutes les sources de production d’électricité décarbonée. À cette fin, « nous devons assumer de construire l’Europe de l’atome », avance-t-il.

Selon lui, l’atteinte des objectifs climatiques n’est possible qu’en développant les énergies renouvelables, en poursuivant les politiques visant à l’efficacité énergétique, et en s’appuyant sur le nucléaire. À cette fin, M. Macron rappelle les quelques avancées en la matière et notamment l’ « alliance du nucléaire » qu’il faudrait, selon lui, « consolider ».

Initiée par la France en février 2023, l’alliance vise à réunir les États membres qui ont des intérêts communs dans le nucléaire (développement de capacités, R&D, démantèlement, etc.). Ils sont aujourd’hui une quinzaine, dont une bonne majorité demande à revoir les objectifs européens en matière de développement des moyens de production d’électricité bas carbone.

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