Dans ses conclusions de la mission 2024 sur la France, le Fonds Monétaire International, exhorte les pouvoirs publics à réaliser d’importantes économies afin d’éviter un emballement budgétaire. Selon les services de l’organisation internationale, à politique inchangée, le déficit public serait de 5,3 % du PIB en 2024, proche de celui de l’année dernière. Ce dernier serait de 4,5 % en 2027, loin du niveau de 2,9 % prévu par les autorités dans le Programme de Stabilité transmis à la Commission européenne.
Ce dérapage est la conséquence d’une moindre croissance et d’une propension à la hausse des dépenses publiques. Sans réaction de la part du gouvernement, la dette publique atteindrait 112 % du PIB en 2024 et augmenterait d’environ 1,5 point par an à moyen terme. Ce niveau d’endettement est jugé comme une source potentielle de risques pour la France en l’exposant à une augmentation inattendue des coûts de financement et en la privant de marges de manœuvre en cas de survenue d’une nouvelle crise.
Ces conclusions ne sont pas, en soi, une surprise. L’incapacité de la France à gérer convenablement les deniers publics est une tradition multiséculaire. De nombreux rois ont eu recours à des expédients pour financer leurs dépenses. En 1788, à la veille de la Révolution française, la dette absorbait la moitié du budget. Les périodes d’excédents budgétaires sont, en France, rarissimes. La dernière date des années 1958/1966.
Sans croissance, le pays peine à financer ses dépenses publiques. Son ralentissement depuis les années 1980 a conduit à la hausse quasi continue de sa dette publique. Ce goût prononcé pour une gestion lâche des finances publiques trouve ses origines dans l’organisation même du pouvoir. Pour affirmer la monarchie absolue, Louis XIII et surtout Louis XIV ont bâti une administration centrale puissante visant à réduire le poids politique des grands féodaux locaux sans pour autant diminuer les privilèges de ces derniers. La magnificence de la cour à Versailles était tout à la fois un symbole de puissance du Roi et un outil d’asservissement des nobles. La révolution, en supprimant les corps intermédiaires, a parachevé le travail des rois avec comme conséquence une remontée au sommet de tous les problèmes.
Face aux contestations, le pouvoir n’a comme échappatoire que d’accroître les dépenses.
Face aux contestations de la population qui sont légion, le pouvoir n’a comme échappatoire que d’accroître les dépenses. Ce dernier est ainsi fort de sa faiblesse. Exposé en première ligne, il n’a comme solution que de desserrer les cordons de la bourse. Face aux guerres multiples que la France a connu depuis le XVIIe siècle et aux crises tout aussi nombreuses, le principe de « l’intendance suivra » s’est imposé dans l’inconscient collectif.
Récemment, avec l’épidémie de covid, cette formule a été remplacée par le slogan « du quoi qu’il en coûte ». L’idée qu’il n’y a pas de limite à l’endettement public est assez largement admise en France. La faillite, la banqueroute, le défaut de paiement sont des mots abstraits pour de nombreux citoyens ou des mots destinés à imposer une rigueur par nature injuste.
Dans ses conclusions, le FMI recommande au gouvernement de privilégier les économies compte tenu du montant déjà élevé des prélèvements. Il suggère de rationaliser les dépenses des collectivités locales en supprimant les doublons. Quarante ans de décentralisation ont prouvé que ce vœu était pieux, celle-ci s’étant accompagnée d’une amplification des dépenses.
Le FMI demande également une réduction des emplois publics en ayant recours au numérique et en particulier à l’intelligence artificielle. Or, les élus ont toujours tendance à accroître les effectifs face à la multiplication des demandes. Nul n’entend réduire le nombre de professeurs, de policiers, de juges, de militaires, etc.
Les économistes du FMI mentionnent la possibilité de réduire les niches fiscales, une spécialité française pour diminuer de manière ciblée la pression fiscale en faveur de certaines catégories de contribuables. Ces niches génèrent des inégalités et des effets d’aubaine. Leur suppression est en revanche un sacerdoce.
De même, afin d’accélérer la transition écologique et d’augmenter les recettes, le FMI propose la disparition des avantages fiscaux qui s’appliquent aux énergies fossiles. Or, c’est justement leur remise en cause qui a contribué au mouvement des « gilets jaunes ».
Un retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB d’ici 2027 est-il possible sans un big bang organisationnel ?
La réalisation de 20 milliards d’euros d’économies en 2025 sera pour le gouvernement un véritable défi surtout en l’absence de consensus. Un retour du déficit public en dessous de 3 % du PIB d’ici 2027 est-il possible sans un big bang organisationnel ?
Il ne faut pas oublier que les dépenses sociales représentent à elles seules près de 60 % des dépenses publiques. En raison du vieillissement démographique, la tendance est à leur hausse, que ce soit en matière de retraite, de santé ou de dépendance. Une responsabilisation de tous les acteurs, ménages compris, est sans nul doute nécessaire.
Faut-il accepter plus de concurrence et introduire une dégressivité des prestations en fonction des revenus ? Ce sont des questions qu’il conviendra sans nul doute de trancher un jour ou l’autre.
Après la Seconde guerre mondiale, la France a fait le choix d’un système de couverture générale et uniforme qui bute avec l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom. Le développement de l’épargne retraite apparaît comme une ardente obligation pour pallier les insuffisances de la répartition en période de faible croissance. La capitalisation offre, en outre, l’avantage de contribuer au financement des entreprises au moment où celles-ci sont appelées à augmenter leurs investissements pour se digitaliser et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
La responsabilisation souhaitable des acteurs nécessite-t-elle une révolution copernicienne du système institutionnel avec une régénération des corps intermédiaires ? À cette fin, ne faudrait-il pas instituer un régime fédéral sur le modèle allemand ou régional à la mode espagnole ? Une telle solution suppose néanmoins une attrition réelle de l’administration centrale !
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