Économie, il ne faut pas toujours imiter les Américains 

Économie, il ne faut pas toujours imiter les Américains 

De part et d’autre de l’Atlantique, une course de vitesse s’est engagée pour réussir la transition énergétique à coups de subventions et de mesures plus ou moins protectionnistes. Tout en critiquant les États-Unis, les Européens adoptent des mesures identiques à celles que ces derniers ont prises ces derniers mois. 

Première puissance économique et industrielle de la zone euro, l’Allemagne craint que son industrie automobile perde des parts de marché au profit des constructeurs de voitures électriques chinois ou américains subventionnés par leurs États respectifs. Au-delà de l’Allemagne, ce sont tous les pays européens qui ont peur d’un décrochage économique par rapport à leur allié américain.

La croissance de la zone euro ne devrait pas dépasser 0,7 %, trois fois moins que celle des États-Unis

Les économies du vieux continent sont, depuis une dizaine d’années, en difficulté avec une croissance faible et un vieillissement rapide de leur population. Selon le FMI, la croissance de la zone euro ne devrait pas dépasser 0,7 % en 2023, soit trois fois moins que celle des États-Unis. 

En une décennie, l’écart de croissance devient conséquent avec une divergence des niveaux de vie. Longtemps, les Européens ont masqué leur déficit relatif de croissance par rapport aux États-Unis en pointant les inégalités réelles qui caractérisent ce pays. 

Aujourd’hui, les salaires moyens aux États-Unis sont supérieurs de plus de 30 % à ceux de la zone euro (80 000 euros aux États-Unis et 50 000 euros en France). Pour rattraper leur retard, les Européens considèrent qu’ils doivent aligner leur politique industrielle sur celle de l’administration de Joe Biden. L’Union européenne (UE) a assoupli les règles en matière d’aides d’États. Les investissements visant à favoriser la transition énergétique peuvent être dorénavant subventionnés. L’électricité verte peut également faire l’objet d’aides. Cela concerne également le nucléaire, les Allemands ayant accepté, après une longue négociation, de classer cette énergie parmi celles considérées comme propres. 

Au Royaume-Uni, le parti travailliste qui pourrait emporter les élections législatives de 2024 prévoit un grand programme d’aides en faveur de l’industrie, programme qui tournerait le dos à la politique initiée par Margaret Thatcher en 1979.

Les entreprises chassent les subventions en lieu et place des clients

Dans les années 1980, les gouvernements occidentaux avaient cessé de subventionner leurs entreprises considérant que cette politique générait des effets d’aubaine et aboutissait à un gaspillage des deniers publics. Les entreprises chassent les subventions en lieu et place des clients. Elles ont tendance à négliger leur rentabilité et prendre des risques. Les subventions accordées aux entreprises disposant des meilleurs relais dans les pouvoirs publics ne favorisent pas l’émergence de concurrents et donc l’innovation. Elles génèrent une bureaucratisation de la vie des affaires. La France qui a toujours eu une politique plus dirigiste que ses partenaires est réputée pour la lourdeur de ses procédures administratives. 

L’économie de marché a prouvé sa capacité d’adaptation. En 2022, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, les Européens ont craint de manquer de gaz et d’électricité en trouvant des solutions pour palier à l’arrêt des importations russes d’énergie. La Russie fournissait, en 2021, 58% du gaz, 45% du charbon et 27% du pétrole à l’Union européenne. Certains étaient dans une situation de dépendance totale. La substitution s’est opérée essentiellement par le recours de système de marché même si une supervision a été assurée par la Commission de Bruxelles.

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La multiplication des subventions nationales risque de fragiliser l’Union européenne

L’Europe est en avance avec la création d’un marché unique du carbone

Au niveau de la lutte pour la transition énergétique, l’Europe est en avance avec la création d’un marché unique du carbone, marché qui n’existe pas aux États-Unis. Après des débuts difficiles dans les années 2000, le système d’échange de droits d’émission (ETS) est devenu ces dernières années la référence en matière de tarification du carbone, incitant le secteur privé à trouver les moyens les plus efficaces de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. 

La multiplication des subventions nationales risque de fragiliser l’Union européenne, chaque État essayant d’attirer sur son territoire des usines. Les grands pays comme la France ou l’Allemagne sont avantagés en raison de leur plus grande surface financière. Il n’y a pas de création de valeurs mais des distorsions de concurrence coûteuses. L’argent ainsi gaspillé pourrait être utilisé pour financer des recherches sur la décarbonation. La multiplication des sites de batteries ou de microprocesseurs risque d’aboutir à un excès de production non rentable. Il serait plus utile de moderniser les réseaux. L’Allemagne devrait mettre à niveau son système ferroviaire. La France devrait cesser de bloquer les interconnexions en matière de réseaux électriques afin de favoriser son énergie nucléaire.

Le protectionnisme est une tentation facile et populaire

Les gouvernements français successifs, pour des motifs écologiques, empêchent l’Espagne d’exporter son énergie solaire vers l’Allemagne. Le protectionnisme est une tentation facile et populaire. Il reçoit l’assentiment d’une grande partie des populations européennes au nom d’un nationalisme grégaire et au nom de la défense de l’emploi. Comme les États-Unis et la Chine le pratiquent, l’Europe doit faire de même. Si les États-Unis demeurent la première puissance économique mondiale, ils le doivent avant tout à la prééminence du marché. La résurgence du protectionnisme depuis quelques années dans ce pays n’est pas un signe de bonne santé. L’Europe aurait tout à gagner, pour une fois, à ne pas imiter l’Amérique.

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