Alors que le 2ème tour de l’élection présidentielle se rapproche, chaque candidat essaie de gagner des voix. Du côté d’Emmanuel Macron, on drague notamment l’électorat écolo du côté d’EELV et de LFI. Avec une posture frôlant parfois le greenwashing.
Le candidat-président Emmanuel Macron est attendu au Havre aujourd’hui (14 avril), sur les terres de son ancien Premier ministre Edouard Philippe, pour visiter notamment l’usine Siemens Gamesa, qui développe la production d’éoliennes en mer. Les rumeurs d’une prise de parole autour de la transition écologique vont bon train, et le choix de cette usine n’est donc pas anodin.
Lors d’une prise de parole lundi 11 avril à Denain (Nord), Emmanuel Macron avait reconnu que son projet devait « être enrichi », ajoutant : « et si nous voulons une méthode nouvelle, il faut pouvoir, sur des sujets comme l’écologie, entendre les voix qui ont été portées avec beaucoup de clarté ». Le président-candidat semble avoir entendu, notamment, les aspirations déçues des électeurs écologistes ; qu’il va falloir, à présent, convaincre de rallier son camp.
Mais le chef de l’Etat fait face à trois reproches, qui sont comme des épines dans le pied pour qui veut gagner une élection : à propos d’écologie, son bilan serait insatisfaisant, son programme insuffisant, et son gouvernement peu exemplaire.
“L’affaire” Castex
Son premier ministre, Jean Castex, s’est en effet illustré dimanche 10 avril en effectuant un rapide aller/retour en jet pour aller voter, au premier tour, dans son bureau de Prades, dans les Pyrénées-Orientales. Pour les déçus du quinquennat Macron, c’est la goutte d’eau de trop.
Parmi leurs relais médiatiques, « Bon Pote » a ainsi insisté, sur Twitter, sur la déconnexion du gouvernement avec les électeurs : « Jusqu’au bout ce gouvernement ne comprend pas pourquoi ils sont complètement hors-sol ».
De son côté, le média Vert a mis en avant une pétition citoyenne demandant au premier ministre de faire une procuration pour voter au second tour puis aux législatives.
Interrogé à propos de cette “affaire” lors d’un échange avec la presse le 13 avril, l’équipe de campagne semble au départ ne pas comprendre la polémique. « Je ne fais pas de l’écologie du symbole », peut-on entendre. Un propos en décalage avec ce qui ressort de l’opinion publique. Or, c’est bien cette opinion qu’Emmanuel Macron doit convaincre s’il souhaite remporter l’élection.
Un mandat en deux temps
Pour cet autre responsable de l’équipe de campagne, “l’affaire” Jean Castex n’est « pas représentative de toute l’action qui a été mise en place ». Le camp Macron revendique en effet un bilan satisfaisant, estimant que « depuis 2017, on n’avait jamais autant fait pour l’environnement sous un quinquennat ». Et de mentionner les incitations à l’achat de véhicules moins polluants, l’amélioration du tri des déchets, ou encore la stratégie pour lutter contre le plastique à usage unique.
Pourtant, en octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a condamné l’Etat pour non-respect des engagements de la France dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, plus précisément des objectifs 2015-2018 fixés dans la stratégie nationale bas-carbone. Ce jugement est la preuve d’une insuffisance des moyens climatiques sous le quinquennat Macron, du moins de 2017 à 2018.
Mais depuis 2018 les choses se sont accélérées, assure l’équipe de campagne du candidat. Cet avis n’est pas partagé par tous les acteurs écologistes, à commencer par Greenpeace France. Dans un dossier analysant le quinquennat du président, l’association estime que « à l’issue du quinquennat d’Emmanuel Macron, la France ne respecte pas ses engagements climatiques ».
Mesurer la crédibilité des programmes
Patience, glisse-t-on du côté de l’équipe de campagne. Sous ce quinquennat, de nombreux projets ont été lancés, des déploiements sont encore en cours, et les efforts vont se poursuivre grâce au budget qu’Emmanuel Macron souhaite consacrer à la transition écologique s’il est réélu. Le président-candidat a en effet annoncé 50 milliards d’euros sur 5 ans. Une somme qui devrait permettre, selon le camp Macron, « de tenir au niveau national les engagements pris vis-à-vis de l’Europe », à savoir la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Pour y parvenir, Emmanuel Macron souhaite investir dans le nucléaire et les énergies renouvelables. « Ce programme, ces propositions, ces objectifs trouvent leur légitimité dans le rapport du GIEC » et « dans les scénarios présentés par RTE », appuie l’équipe de campagne.
Certains, comme les Shifters – des bénévoles du think tank The Shift Project – jugent néanmoins, dans leur analyse, que le programme d’Emmanuel Macron reste « éloigné » des objectifs climatiques de la France.
Du point de vue de l’équipe de campagne, leur analyse est erronée. D’après elle, certains « programmes des candidats de gauche » ne sont « pas réalistes » et les Shifters ne mesurent pas « la crédibilité des mesures à mettre en place ». « Quand les programmes de Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot prônent la sortie du nucléaire dès que possible, ils ne sont pas compatibles et cohérents avec la réindustrialisation du pays, qui est pourtant la condition nécessaire pour la réduction de notre empreinte carbone » plaide-t-on du côté d’Emmanuel Macron.
Cohérence. Le mot est lâché. C’est bien un manque de cohérence qui est reproché au chef de l’Etat. D’une part, entre les incantations – la neutralité carbone en 2050 -, et les moyens alloués pour y parvenir – jugés insuffisants par certains. D’autre part, entre son programme – destiné notamment à « aider chacun à changer ses habitudes de consommation » pour plus de sobriété et moins de gaspillage – et le comportement de son Premier ministre, aux antipodes de la sobriété. Selon les calculs du média Vert, Jean Castex aurait « ainsi rejeté 4,46 tonnes de CO2 pour ce seul aller-retour, soit autant que ce qu’un·e Français·e émet en six mois ».
Ce manque de cohérence pourrait coûter l’élection au chef de l’Etat. Alors au Havre aujourd’hui, il devrait jouer son va-tout : renforcer son programme par des mesures écologiques fortes. Dans la veine des programmes des partis EELV et LFI ?
Après le premier tour, « il faut être capable d’accuser réception du message envoyé, en particulier dans le vote qui s’est porté sur Jean-Luc Mélenchon et sur Yannick Jadot », souligne l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, ajoutant que le président-candidat « a dit lui même qu’il souhaitait dialoguer avec l’ensemble des candidats pour voir comment enrichir son programme ». Mais la tâche risque d’être ardue. Pour rappel, LFI et EELV sont favorables à une sortie du nucléaire ; un positionnement aux antipodes du programme d’Emmanuel Macron.
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