Dubaï à l’heure du Covid-19 : entre incertitude et crise identitaire.

Depuis quelques jours, les autorités de Dubaï nous ont annoncé une période de confinement total. L’émirat est officiellement coupé du monde extérieur. Cette annonce a ravivé un sentiment d’anxiété chez les expatriés déjà bien présent depuis le début de la crise. Elle peut nous plonger dans l’incertitude et la peur du chaos. Tout le quotidien est bouleversé avec l’impossibilité de se projeter.  les projets sont en suspens et ils ne peuvent plus, pour le moment, regarder vers l’avenir pour nous rassurer. 

Un article publié sur le site de notre partenaire Dubai Madame et écrit par Vanessa Bokanowski, psychologue, exerçant au sein de la clinique The French Clinic (Dubai Healthcare city) 

L’expatriation

L’expatriation, que l’on soit seul(e) ou en famille, vient souvent bouleverser notre sentiment d’appartenance. Nous avons pour la plupart quitté notre famille d’origine, nos amis les plus proches, pour la promesse d’un avenir meilleur. Cet avenir est en soi porteur d’un sacrifice. Afin de pallier ce manque de repères, l’expatrié(e) cherche une reconnaissance plus importante dans le monde extérieur, une validation professionnelle et sociale qui doit compenser le manque laissé par le fait d’être loin des siens et de ses souvenirs.
Pour les familles, il est important que les enfants puissent évoluer dans un environnement propice. La perte de repères à Dubai est compensée par la possibilité de multiples activités extérieures dans un environnement serein et ensoleillé.
L’un des conjoints en profite souvent pour arrêter de travailler, passer plus de temps auprès de ses enfants et s’adonner à des activités laissées de côté par les contraintes de la vie d’avant.
La rencontre avec d’autres expatriés vient souvent achever ce processus d’adaptation, en nous rassurant sur notre capacité à créer du familier là où il en manque tant !
Petit à petit, la vie reprend ses droits et ce nouveau cocon, construit non sans effort, arriverait presque à nous faire oublier que nous sommes si loin de chez nous.

Le changement identitaire

Il ne fait aucun pas de doute que l’avènement du nouveau coronavirus est venu bouleverser cet équilibre si durement conquis. Loin de nos proches, nous vacillons entre inquiétude et mélancolie.
Privé(e)s de nos rôles professionnels et sociaux, nous voilà tous confinés, seul(e) ou en famille, sans ces ressources extérieures si chères à notre équilibre. L’inquiétude du lendemain s’est installée et s’accompagne souvent d’un manque de visibilité sur notre devenir. On s’alarme pour notre avenir professionnel ou celui de notre conjoint.
La crise étant devenue mondiale, la possibilité d’un retour au pays d’origine n’est pas forcément synonyme d’une vie meilleure. On se sent comme en suspens …
Face à nos angoisses, nous ne pouvons recourir à aucun subterfuge pour nous changer les idées que ce soit une balade au bord de la plage, un café avec un(e) ami(e) ou un tour à la salle de sport…Tous ces plaisirs simples nous apparaissent aujourd’hui comme faisant partie d’un paradis perdu.
L’anxiété devient alors la réponse à cette incertitude quant à l’avenir, nous enlevant ce sentiment de sécurité si nécessaire à notre équilibre.
Pour certain(e)s, il faut aussi rassurer les enfants dont la routine a été chamboulée. Au plaisir – d’avoir enfin leurs parents rien que pour eux en début de confinement – s’est substitué progressivement une forme d’ennui et une incompréhension face à la durée du processus.
Mais qui va nous rassurer ?

La capacité d’un retour sur soi 

Il est certain que la crise actuelle vient réveiller nos peurs les plus primaires.  Nous avons démontré, en nous expatriant, que nous sommes capables de nous adapter à un environnement totalement nouveau. C’est cette aptitude à créer du sens que nous devons puiser au fond de nous !
Il est important en ce moment (plus que jamais) de ne pas trop nous écouter. Nos pensées déterminent la perception de notre environnement.
Il faut stopper ce flux d’idées qui risque de nous plonger dans une angoisse paralysante. Notre organisme en état d’alerte est à l’affût du moindre signe pour céder à la panique !
Il faut se poser et chercher ses ressources. Celles qui nous ont permis à plusieurs reprises dans notre vie, de faire face à des situations nouvelles sans nous effondrer.  Notre capacité à nous rassurer nous-mêmes est ici fondamentale. Elle est d’ailleurs présente depuis l’enfance. Petit(e)s, nous arrivions à nous endormir seul(e)s dans le noir, faisant appel à notre imaginaire et à des images rassurantes, qui nous faisaient tenir jusqu’au lendemain, avec la certitude que nous allions retrouver le monde et nos parents exactement comme nous les avions quittés la veille. …

Le nécessaire retour au calme

Notre faculté au retour au calme est essentielle aujourd’hui. Oui, nous traversons une forme de nuit, peuplée de quelques cauchemars, mais elle va prendre fin et nous allons retrouver notre monde, certes quelque peu transformé.
Il est tout d’abord important de protéger nos ressources et notre capacité de réassurance de tout intrus susceptible de réveiller l’anxiété. C’est une période où il ne faut surtout pas trop s’informer ! Lire et écouter les quelques informations du jour est amplement suffisant.  Un flux d’information continue est à éviter à tout prix pour ne pas réveiller notre système d’alerte, en quête de chaos.
Privé(e)s de toutes formes d’exercices physiques, il est impératif de se créer une routine pour bouger notre corps – ne serait-ce qu’une vingtaine de minutes par jour – en nous centrant sur notre intérieur. Il en va de même pour les enfants et les autres membres de la famille afin de vider la maison d’un trop plein d’énergie. Internet regorge de ce genre de cours et il y en a pour tous les goûts.
Il est important de créer une routine journalière alliant moments productifs puis de détente. Les enfants regarderont la télévision ou joueront parfois sur leur IPad plus que d’habitude, … Mais à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles !
Il est important que chaque membre de la famille puisse s’octroyer des moments de paix ou il n’est pas en contact avec les autres, comme une possibilité de s’enfuir dans un monde imaginaire. On peut simplement ne rien faire, laisser son esprit vagabonder ou bien méditer, lire, écrire, peindre, etc. Peu importe, pourvu que ce moment soit calme et ressourçant !
Il faut également éviter les conduites compulsives comme le ménage à outrance, une surexposition à Internet et aux réseaux sociaux ou tout  autres comportements addictifs. Elles sont des stratégies sans fin qui renforcent en réalité le vide intérieur.
Il est impossible en confinement d’être productif tous les jours. Des émotions inhérentes à la situation vont forcément surgir et il ne faut pas chercher à les supprimer. Elles sont normales et les effacer ne fera qu’alimenter l’anxiété.
Enfin il faut croire… Croire en des jours meilleurs, comprendre que cette situation n’est que temporaire, que l’humanité s’est relevée à plusieurs reprises de choses bien plus graves que ce virus. Il faut prendre ce temps pour ce qu’il nous offre, la possibilité d’un retour aux choses simples, d’un retour sur soi.
D’un moment de pause où nous pouvons réfléchir à nos vies, aux erreurs du passé et aux promesses du futur. C’est aujourd’hui que nous construisons notre lendemain, et si nous survivons à cette crise en faisant appel à nos ressources internes, nous en ressortirons plus fort(e)s et prêt(e)s à affronter avec confiance les nouveaux challenges que nous réservent le futur !
Vanessa Bokanowski

Psychologue, exerçant au sein de la clinique The French Clinic (Dubai Healthcare city), en cette période de confinement, elle consulte également à distance sur Zoom.

Contact : +971.4 429 8450 ou +971.56 948 7372

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