Dissuasion nucléaire : Macron livre sa vision et des propositions à l’Europe

Dissuasion nucléaire : Macron livre sa vision et des propositions à l’Europe

Ce vendredi, le président Emmanuel Macron a présenté sa stratégie de défense et de dissuasion nucléaire, des sujets qu’il compte aborder avec l’Europe pour que le Vieux Continent ne demeure pas « spectateur » d’un environnement international de plus en plus instable.

Dans un discours très attendu par le monde militaire, prononcé devant un parterre d’officiers à l’École de Guerre à Paris, le chef de l’État français compte « décrire l’état du monde tel qu’il est, et donner son ambition, les moyens de sursaut » en matière de défense, afin de « ne pas rester un spectateur passif dans un environnement dominé par la Russie, les États-Unis et la Chine », explique-t-on à l’Élysée.

Ce discours d’environ une heure est un exercice imposé pour chaque président français, chef des armées et maître de la doctrine de dissuasion nucléaire, considérée par la France comme « la clé de voûte » de sa stratégie de défense et la garantie ultime de ses « intérêts vitaux ».

Dans la continuité de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron a déjà exprimé son attachement à l’arsenal nucléaire français, et promis d’engager sa coûteuse modernisation — Paris va consacrer quelque 37 milliards d’euros à la dissuasion entre 2019 et 2025, soit 12,5 % de l’enveloppe globale accordée à la défense sur sept ans.

Vendredi, le président « va endosser l’héritage de ses prédécesseurs en l’adaptant à l’état du monde d’aujourd’hui », a indiqué l’Élysée. Un monde marqué par la « fin du cycle post-Guerre froide » et de « nouveaux rapports de force entre puissances nucléaires » dans des zones de friction comme la Syrie, la Libye ou la mer de Chine.

Parallèlement se désintègre l’architecture de contrôle des armements en Europe, avec la dénonciation du traité russo-américain sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF), qui interdisait les missiles d’une portée de 500 à 5 500 kilomètres. Washington menace en outre de ne pas renouveler le traité New Start sur les armements stratégiques nucléaires, conclu en 2010, après son expiration en 2021.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron va proposer « une offre de dialogue » et « de service » aux Européens pour affirmer une autonomie européenne « en matière de défense et de maîtrise des armements », affirme l’Élysée.

Réflexion éthique

Fervent avocat d’une autonomie stratégique accrue de l’Europe, le président français a promis lundi à Varsovie de « prendre en compte les intérêts des autres pays européens », alors que nombre d’alliés de l’OTAN, dépendants du parapluie nucléaire américain, s’inquiètent de la politique de désengagement de la scène multilatérale menée par Donald Trump.

« Il y a une vraie ouverture européenne, que d’aucuns jugeront prudente. La question ne peut pas se poser en termes de parapluie » nucléaire français, prévient un expert proche du dossier. « Il s’agit d’intégrer davantage la dimension européenne de la dissuasion française d’une part, et de susciter l’émergence d’une culture de dissuasion nucléaire commune en Europe, sans l’ami américain au bout de la table », décrypte-t-il pour l’AFP.

Le discours d’Emmanuel Macron promet d’être attentivement suivi par les partenaires européens. Un responsable des conservateurs allemands d’Angela Merkel a plaidé lundi pour que l’UE dispose à l’avenir de sa propre force de dissuasion nucléaire, suggérant une mise en commun de l’arsenal atomique français.

Dans son discours, Emmanuel Macron devrait également défendre la justification de la possession de l’arme atomique par Paris, quelques jours avant le 60e anniversaire du premier essai nucléaire français et avant la tenue au printemps à New York de la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération (TNP), entré en vigueur il y a 50 ans.

Le président français compte ainsi mettre en avant une « réflexion juridico-éthique » sur la dissuasion française, en réaction notamment à la prise de position du pape François, qui, en novembre, avait qualifié de « crime » l’usage de l’atome à des fins militaires et avait démonté la logique de la dissuasion nucléaire, au cours d’une visite à Nagasaki puis Hiroshima, les villes japonaises dévastées par la bombe atomique.

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