« Derrière les fourneaux » : Dans les coulisses vivantes de la restauration

« Derrière les fourneaux » : Dans les coulisses vivantes de la restauration

Le livre « Derrière les fourneaux » de Joël Diconne et Stéphane Cholet (Les Presses du Midi, 2025) plonge de plain-pied le lecteur dans les coulisses du monde de la restauration.  Le récit en est ainsi vivant est structuré autour d’anecdotes authentiques, drôles ou émouvantes mais toujours savoureuses. Les auteurs montrent notamment la vie réelle des cuisines, l’engagement total qui est celui du personnel face à des chefs magnanimes ou tyranniques. On sent toute la tension du coup de feu qui oblige à être rapide, réactif et…interchangeable … quand le cuisinier aviné s’endort dans le bac à plonge et que le serveur doit le relever.

Le livre a été créé par des professionnels qui aiment leurs métiers, cuisinier ou sommelier, mais qui ont aussi du recul et de l’humour. La recherche d’excellence n’exclut pas les ratés magistraux : ce chariot de dessert qui s’écroule, le postiche du client qui se retrouve accroché à une veste de serveur, mais surtout les réussites d’un quotidien dédié à la satisfaction de clients qui savent reconnaître et récompenser un repas réussi. Ce livre n’est pas un simple manuel de cuisine, mais une fresque humaine, un hommage à des métiers de passion. Il nous fait rentrer pleinement dans les coulisses vivantes de la restauration, cet art de bouche exigeant.

Le secteur de la restauration, poids lourd de notre économie

Le livre souvre sur une présentation du secteur de la restauration en France qui permet de mesurer combien ce secteur est important à notre économie mais aussi à notre rayonnement à l’international : plus dun million dactifs, 300 000 saisonniers, des milliers de petites entreprises et de grandes maisons étoilées. Puis viennent des chapitres thématiques : la cuisine et ses excès de tension, le service et ses imprévus, la sommellerie et ses histoires de bouteilles mythiques, les plongeurs et leur rôle invisible, ou encore les animaux, les vols et les blessures du quotidien.

Derrière les fourneaux - Joël Diconne, Stéphane Cholet
"Derrière les fourneaux" - Joël Diconne, Stéphane Cholet

Chaque anecdote illustre à la fois la dureté et la beauté du métier, la camaraderie et les moments de grâce qui naissent dans ce microcosme unique. Le ton est direct, drôle et sincère, à mille lieues des clichés. C’est un témoignage sur la vie des hommes et des femmes qui font la restauration française.

Un savoir-faire international

Si « Derrière les fourneaux » (Les Presses du Midi, 2025) parle avant tout du quotidien des métiers de la restauration en France, il résonne également avec la dimension internationale de la cuisine française. Les anecdotes et les valeurs quil porte – exigence, rigueur, transmission, passion – se retrouvent dans les restaurants français aux quatre coins du monde. On évoque l’Angleterre, la Thaïlande, l’Écosse ou plus près de nous, la Belgique et Bruxelles. Les chefs et serveurs formés en France perpétuent un savoir-faire qui incarne (aussi) la diplomatie culturelle loin des chancelleries. Ces établissements sont à la fois des entreprises, des écoles de vie et des ambassades culinaires.

Chef cuisinier et gâteau
Chef cuisinier et gâteau - Illustration

Le livre de Diconne et Cholet rappelle cette universalité du métier : partout où il y a un restaurant français, on retrouve cette même alchimie de discipline, d’émotion et de service. La mot rigueur trouve son incarnation la plus parfaite dans ces chefs qui passent la serviette blanche pour détecter la moindre tache oubliée sur le matériel et exigent de tout reprendre en cas de micro-salissure.

On découvre les acteurs du cinéma français, Depardieu, Annie Girardot, Blier et tant d’autres, dans leurs grandeurs ou petitesses à table. Il y a ces princes saoudiens généreux, ces clients fantasques et leurs exigences étonnantes. Une galerie de portraits digne d’un roman.  Que ce soit quand il parle des grandes tables de haute gastronomie ou de plus modestes pizzérias de région, l’ouvrage à aussi une dimension égalitaire : La valeur travail est privilégiée et le souci de bien faire anime toute la chaine de cuisine et de salle face à des clients dont on cherche la satisfaction quoi qu’il en coûte.

La restauration après un ouvrage réussi sur le vin

Joël Diconne nous avait déjà livré avec « Boissons du monde » un impressionnant panorama international de tous les alcools avec leurs secrets de fabrication et les mille et une anecdotes qui peuvent les accompagner.

« Derrière les fourneaux » évoque également la sommellerie. On perçoit à quel point la France reste une référence symbolique, même dans les contextes internationaux. Qu’il s’agisse d’un client russe commandant un Château Haut-Brion ou d’un amateur coréen fasciné par les crus de Bourgogne, les scènes racontées dans le livre soulignent la force d’attraction du vin français. Le livre doit beaucoup à cet égard à Stéphane Cholet, co-auteur et maître sommelier.

Stéphane Cholet
Stéphane Cholet

Les auteurs rappellent plus largement que la formation française en hôtellerie-restauration est une référence mondiale. Des anciens élèves des lycées hôteliers français exercent aujourd’hui dans des établissements étoilés à Hong Kong, Genève, Montréal ou au Nord de la Norvège dans les meilleurs établissements du monde. L’ouvrage pourra donc fournir des idées à une jeunesse ouverte au monde et qui cherche un destin professionnel vers des métiers de passion et d’énergie où l’ardeur à la tâche et l’écoute des ainés sont des valeurs cardinales.

Le mot de la fin sera pour un des plus grands cuisiniers français : Alain Ducasse : « la cuisine c’est l’un des rares domaines où il est possible de s’émerveiller à chaque instant »

Ce livre est donc aussi, tout simplement, une invitation à vous émerveiller.

Joël Diconne
Joël Diconne

Rencontre avec Joël Diconne

« La restauration est avant tout un métier de passion »

Lesfrancais.press : « Joël Diconne, avec Stéphane Cholet, votre co-auteur, vous nous livrez un panorama complet de la restauration à travers une successions d’anecdotes et de réflexions parfaitement savoureuses. C’est la chronique d’années de métiers qui est ainsi faite, même si vous vous effacez devant ces serveurs ou cuisiniers anonymes qui témoignent pour vous, et que le livre est avant-tout un hommage au travail bien fait. A-t-il était difficile de faire un choix parmi ce qu’on imagine être votre mémoire remplie d’histoires de restauration ? »

 Joël Diconne : « Choisir les anecdotes n’est pas obligatoirement une chose difficile à faire. Avant tout, le but de ce livre est de transmettre la réalité, au grand public, tout en présentant les faits les plus valorisants, le côté humain avec toutes ses difficultés, trop souvent ignorées.  Il était hors de question de dégrader la restauration qui est avant tout un métier de passion. « On ne tue pas ce que l’on a aimé ». Même si personne n’est parfait. »

Lesfrancais.press : « Pouvez-vous nous raconter une de ces histoires qui aurait valeur pour vous de symbole de ce qu’est la restauration à la française ? »

Joël Diconne : « Pour l’histoire symbolique, deux anecdotes sont appropriées, tout dépend de quel côté on se positionne : Clients ou Employés.

*côté clients :  la dureté du métier, les horaires à rallonge, décalés, le nombre de pas : plusieurs kilomètres par jour, la tenue corporelle et vestimentaire quel que soit le moment de la journée ou de l’année rendent ce métier dur.

« Un ancien élève fait son premier stage.  Il en bave beaucoup physiquement et moralement. Cependant il a promis à son professeur, que quel que soient les difficultés, son stage se passerait très bien.  Il a tenu ses promesses en résistant au moins en façade et surtout en se lâchant le soir seul dans sa chambre. Après une expérience dans de grands établissements étoilés en France ou à l’étranger , aujourdhui, il est chef sommelier dun grand groupe dhôtellerie/restauration en Suisse. Page 96 »

*Cotés Employés : au-delà des célébrités, des pourboires et des mauvaises expériences ou rencontres ce qui reste et restera toujours dans la mémoire de chacun, sera le premier, comme en amour, le démoulage, la casse, l’accident , surtout en service, où l’on travaille sans pare-feu ni paravent. 

« Mon premier démoulage à 15 ans. Je portais un plat sur lequel se trouvait un brasero et un carré d’agneau. Emporté par la chaleur insoutenable, pour mon âge, du plat, j’ai lâché prise en arrivant à la table. Le plat a terminé sa course sous la table des clients en embrasant la nappe. Le chef de rang a géré la problématique en salle et m’a soigné ma main avant de repartir avec le plat en essayant de vaincre ma gène. On m’a appris à ne rien lâcher. Tout ce qui ne tue pas rend plus fort »

Page 25

« Le plus Grand Chef de la Cuisine Française est Fer-nand Point » Joël Diconne

Lesfrancais.press : « On voit apparaitre dans le livre des grands noms de la cuisine, Paul Bocuse ou Joël Robuchon. C’est une question difficile peut-être mais qui est, d’après-vous, le plus grand maître français en matière de gastronomie et pourquoi ? »

Joël Diconne : « Le Premier plus Grand Chef de la Cuisine Française est Fernand Point. C’est le premier chef qui a donné ses lettres de noblesse à la Gastronomie Française (On en reparlera). Il a été le premier chef trois étoiles au guide Michelin à Vienne 38. Il a été célèbre en France. Paul Bocuse, son apprenti, a rendu la gastronomie française célèbre à l’internationale. Il est devenu le premier ambassadeur. »

Lesfrancais.press : Le livre nous fait voyager également à l’étranger, témoignant de la capacité intacte de la cuisine française à s’exporter et à faire rayonner notre culture dans le monde. On évoque Glasgow ou Bruxelles dans votre livre. Entre un restaurant très sélect qui n’hésite pas à virer manu militari ses clients célèbres mais goujats, et celui qui impose le port de la cravate aux clients l’étiquette semble faire partie des règles de savoir-vivre de ces tables.  Vous avez vous-même exercé en Angleterre je crois. Je serais un peu provocateur : Pour réussir en matière de restauration française à l’étranger faut-il être sélectif ? 

Joël Diconne : « Pour réussir à l’étranger, il n’est pas nécessaire d’élaborer de mets sophistiqués, la qualité des produits et du travail bien fait sont les bases reconnues de la tradition française. À voir les retours d’anciens élèves ou collègues installés à l’étranger, la confection des grands classiques de la gastronomie française garantit le bon fonctionnement des restaurants français à l’étranger.

« Quand on rentre de l’étranger, on a comme un manque, on veut retrouver les plats traditionnels fran-çais » Joël Diconne

Sans oublier, un élément majeur, le service en salle qui permet la valorisation des mets. Paul Bocuse : « Un bon restaurant c’est 40 % de cuisine et 60 % de service. »

Lesfrancais.press : « Pour les Français de l’étranger qui rentrent en France après avoir subi  (parfois) des années de mal bouffe dans leurs pays de résidence, avez-vous des conseils pour choisir une bonne table dans une de nos capitales régionales à un prix accessible ? »

Joël Diconne : « Quand on rentre de l’étranger, on a comme un manque, on veut retrouver les plats traditionnels français suivant la période de l’année : choucroute, potée, pot-au-feu, cassoulet, petit salé, bouillabaisse, soupe de poissons, fruits de mer, daube, bœuf bourguignon, blanquette, charcuteries, pâté en croûte, pâtés. »

Lesfrancais.press : « Cet ouvrage est le premier et appelle une suite. Pouvez-vous nous indiquer quel en sera le sujet ? »

Joël Diconne : « Pour être complet et clore ce chapitre « Derrière les Fourneaux Tome 2 », au travers de présentations, mettra en avant la formation et la promotion sociale. Mais pas que. Au-delà des restaurants étoilés, plus de 600, il y a des milliers de restaurants plus de 170 000, mais aussi les restaurants d’entreprises et des administrations pourvoyeurs de nombreux emplois. Les anecdotes les plus extraordinaires, décalées et inattendues seront toujours présentes. »

 Lesfrancais.press : « Avez-vous voulu faire la promotion des métiers de cuisine et de service ? »

Joël Diconne : « Le but a été de faire beaucoup de pédagogie auprès du  grand public en abordant tous les thèmes sans tabou autour de la Restauration en valorisant le personnel, trop souvent ignoré.  Quand on voit les 200 000 emplois non pourvus en France malgré tous les centres de Formation, allons-nous vers une crise de la vocation pour ces métiers ? »

Auteur/Autrice

  • Boris Faure est l'ex 1er Secrétaire de la fédération des expatriés du Parti socialiste, mais c'est surtout un expert de la culture française à l'étranger. Il travaille depuis 20 ans dans le réseau des Instituts Français, et a été secrétaire général de celui de l'île Maurice, avant de travailler auprès des Instituts de Pologne et d'Ukraine. Il a été la plume d'une ministre de la Francophonie. Aujourd'hui, il collabore avec Sud Radio et Lesfrancais.press, tout en étant auteur et représentant syndical dans le réseau des Lycées français à l'étranger.

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