Dégel entre Paris et Varsovie

Dégel entre Paris et Varsovie

Au terme de sa visite en Pologne, Emmanuel Macron a relancé la coopération entre les deux pays, tout en mettant en garde contre la négation des principes européens. Un article de notre partenaire, Euractiv.

Il aura fallu près de quatre ans, à l’époque Emmanuel Macron n’était pas président, pas même candidat, pour que la relation franco-polonaise retrouve une respiration plus convenable aux intérêts des deux pays. L’arrivée au pouvoir du parti Droit et Justice, fin 2015, marqua un tournant. Vite exprimé lorsque Varsovie, en 2016, suspendit une commande d’hélicoptères militaires, jetant un froid entre les deux pays.

L’élection d’un nouveau président français ne changeait rien à l’affaire en 2017, loin de là. Puisque les tentatives du pouvoir polonais de régler ses vieux comptes politiques en muselant notamment l’indépendance de la justice offraient un second sujet de contentieux : l’état de droit. Aggravé de surcroît par les relents racistes justifiant bien souvent la fermeture totale à toute solidarité en matière d’accueil de réfugiés.

Les petites phrases fusèrent à Paris, aussi blessantes pour les Polonais que probablement inutiles, au fond, pour débloquer la situation. À l’époque, Emmanuel Macron misait encore sur un élan allemand à ses propositions de réforme de l’Europe. Depuis, le tableau européen a évolué. Berlin n’a pas vraiment répondu et se distingue par une absence criante de projet collectif pour l’UE. Les Britanniques ont mené à terme leur procédure de divorce. De nouvelles échéances communautaires approchent. Il fallait donc bouger.

C’est ce qu’a fait le président français depuis quelques mois en réorientant son approche des pays d’Europe centrale, et durant les deux jours qu’il vient de passer en Pologne. On partait de loin, les pièges à déminer étaient nombreux. Au nom d’un certain réalisme dicté par les circonstances. Le Brexit modifie les équilibres européens, et tend à déplacer le barycentre de l’UE un peu plus à l’Est. Les grands dossiers en négociation à Bruxelles (climat, budget, défense) exigent de forger des alliances, notamment avec cette zone de l’Europe longtemps négligée par le pouvoir français.

Défense des valeurs

Un point demeure central, dans le cas de la Pologne. 94 % des Polonais sont attachés au maintien de leur pays dans l’UE. Record absolu parmi les Vingt-sept. L’antagonisme avec la Russie structure, bien sûr, cet attachement. Mais la mobilité des Polonais au cours des trente dernières années (vers la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou l’Italie) a diffusé dans les familles polonaises l’évidence absolue qu’il serait absurde de se couper de l’Europe. Ce qui est en contradiction avec le désir de repli et d’affirmation identitaire.

Cette contradiction traverse toute l’Europe et toutes nos sociétés. Tout le monde perçoit simultanément deux phénomènes contradictoires : un besoin de relocalisation pour rompre avec certaines absurdités de la mondialisation, et une crainte d’enclencher un mécanisme de repli portant en soi un germe profondément réactionnaire, qui risque de miner nos valeurs.

Devant les étudiants de Cracovie, Emmanuel Macron a tenté de jouer sur la corde d’une identité européenne permettant justement de transcender cette contradiction. Il est difficile de dire s’il a convaincu les jeunes Polonais. Mais peu importe. Il appartient aux dirigeants politiques de faire vivre le débat politique dans cet espace que nous partageons, sans laisser ce rôle à l’administration bruxelloise. À l’heure du Brexit, le silence des autres dirigeants européens sur un tel registre paneuropéen est consternant. Le Brexit a pourtant démontré que la convenance ou la rationalité économique ne compense pas le besoin de politique. C’est-à-dire le besoin d’élaborer un récit commun.

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