Décryptage : les dépenses que prévoit la loi de programmation militaire

Décryptage : les dépenses que prévoit la loi de programmation militaire

Le budget des Armées françaises pour les années à venir est examiné par l’Assemblée nationale depuis lundi 22 mai. D’un montant inédit de plus de 400 milliards d’euros sur 7 ans, la loi de programmation militaire prévoit les dépenses et investissements des différentes armées françaises.

L’Assemblée nationale se penche, depuis lundi, sur le projet de loi de programmation militaire présenté par le gouvernement français pour la période 2024-2030, soit une prévision des budgets militaires des sept années à venir. Le gouvernement prévoit ainsi d’augmenter le budget de 3 à 4 milliards par an, passant des 43,9 milliards d’euros de 2023 à 68,9 milliards d’euros en 2030 – pour un total de 400 milliards d’euros.

Ainsi, le budget de la défense française devrait atteindre 2 % du PIB en 2025, selon les estimations du gouvernement, conformément aux objectifs de l’OTAN.

Alors que la loi de programmation militaire précédente (2019-2025) s’élevait à 295 milliards d’euros, celle actuellement examinée par le parlement (2024-2030) représente 413 milliards d’euros de dépenses, dont 13 milliards financés par des ressources extrabudgétaires.

Auditionné par le Sénat en avril dernier, le premier président de la Cour des comptes et président du Haut conseil des finances publiques Pierre Moscovici a émis un doute sur la possibilité de financer de cette dernière enveloppe, dès lors que la somme n’était pas incluse dans la loi de programmation des finances publiques. Face à ses « incertitudes », il a indiqué ne pas avoir de réponse.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, défend le projet de loi de programmation militaire devant les députés à partir du 22 mai. [EPA-EFE/LUDOVIC MARIN / POOL MAXPPP OUT]

Modernisation des équipements

Près des deux tiers des dépenses, 268 milliards d’euros, sont consacrés à l’équipement : de l’entretien du matériel existant (49 milliards) aux grands programmes d’armement (100 milliards).

2 300 nouveaux blindés seront livrés à l’armée, un chiffre en baisse d’environ 30 % par rapport aux prévisions précédentes. Lors des auditions devant les commissions parlementaires en avril, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a justifié ce choix : « On a trop souvent eu, dans le passé, des équipements disponibles sur le papier, mais non opérationnels dans la réalité », indiquant préférer « que l’on raisonne en parc, en matériels livrés, plutôt qu’en commandes ».

Une dizaine de milliards seront alloués à la construction d’un porte-avions de nouvelle génération, tandis que plus de 50 milliards auront pour but de renforcer et moderniser la dissuasion nucléaire, par la rénovation ou la construction de matériels navals, aéronavals et aériens. Pour rappel, la France est, avec le Royaume-Uni, une des deux puissances nucléaires présentes sur le continent européen. La dissuasion nucléaire « reste le cœur de notre défense », peut-on lire dans le projet de loi.

Bien que la programmation en question « n’inclut pas les moyens dédiés au soutien militaire à l’Ukraine qui seront financés par ailleurs sans effet d’éviction », selon le projet de loi, des dépenses sont prévues pour compenser les efforts consentis au profit de l’Ukraine. Ainsi, la France prévoit de dépenser 16 milliards d’euros en munitions.

Augmentation des effectifs et des rémunérations

D’abord, une centaine de milliards servira pour les besoins de ressources humaines. D’une part, le nombre des effectifs du ministère des Armées sera augmenté, entre 700 et 1 200 équivalents temps plein par an (6 300 au total), pour atteindre 275 000 équivalents temps plein en 2030. L’objectif ne varie pas par rapport à la précédente programmation.

D’autre part, les montants qui progressent (de 87 à 98 milliards d’euros sur la période 2024-2030) visent notamment à revaloriser les rémunérations et à augmenter les effectifs des réservistes, à 105 000 « au plus tard en 2035 », soit « un militaire de réserve pour deux militaires d’active », selon le projet de loi.

Concrètement, la cible du ministère des Armées pour 2030 est de 290 000 militaires, dont 210 000 militaires d’active et 80 000 réservistes, auxquels s’ajoutent quelque 65 000 civils.

De nouvelles dépenses visent aussi à une amélioration des conditions de vie des militaires, à une meilleure prise en charge des blessures des soldats et des familles de ceux qui meurent sur le terrain.

« Nouveaux champs de conflictualité »

La programmation militaire a aussi pour objectif de préparer « les armées du futur » : 10 milliards seront investis dans l’innovation.

Face aux « nouveaux champs de la conflictualité », les dépenses progressent également dans le domaine spatial (6 milliards), pour renforcer les moyens de communication, de surveillance ou de sécurité de l’espace en tant que tel. De même, la réponse aux besoins en drones, en robots, en munitions téléopérées, doit être accélérée grâce à 5 milliards d’euros sur la période. L’enveloppe inclut le développement du futur système de lutte antimine marine.

5 autres milliards auront pour objectif de moderniser la défense surface-air (DSA), pour moderniser les systèmes de missiles antiaériens.

Le renseignement bénéficiera d’une enveloppe de 5 milliards d’euros, notamment pour faire face à la « concurrence exacerbée avec le secteur privé » en ce qui concerne les compétences qui sont très recherchées.

Cela concerne la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD), qui dépendent du ministère des Armées. Ainsi, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou encore Tracfin, les services de renseignement économique et financier, rentrent dans le cadre d’autres crédits.

Le cyber connaît une hausse de 300 % des budgets qui lui sont dédiés, atteignant près de 4 milliards d’euros. Les évolutions technologiques et la nécessité d’accompagner les entreprises les plus sensibles justifient cette augmentation, selon le projet de loi, qui compte notamment renforcer la position de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

Programmes de coopération

Sans qu’ils fassent forcément l’objet d’une dépense budgétée, les programmes de coopération sont mentionnés par le projet de loi, de manière à mutualiser les financements nécessaires, et afin de « renforcer l’autonomie stratégique européenne ».

Il en va ainsi du partenariat Capacité motorisée développé avec la Belgique, du programme SCAF, pour préfigurer l’aviation de combat à horizon 2040 en Europe, en partenariat avec l’Espagne et l’Allemagne, ou encore du projet MGCS, mené avec l’Allemagne, qui concerne « l’avenir du combat terrestre ».

La France ne s’interdit pas, ajoute le projet de loi, d’ouvrir des partenariats « hors d’Europe », « autant qu’il sera nécessaire, pertinent et utile ».

Après l’examen de l’Assemblée nationale, le texte sera débattu par le Sénat mi-juin.

Le gouvernement ayant choisi la procédure accélérée, une seule lecture sera effectuée dans chaque chambre. Une commission mixte paritaire (CMP) sera convoquée au cas où les deux chambres ne votent pas le texte dans les mêmes termes. La promulgation est donc à attendre pendant le mois de juillet.

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