Où qu’on soit à l’étranger, chaque expatrié a pu constater que son nom représentait la France.
Un homme à multiples facettes
On l’oublie souvent mais Pierre Cardin était un fils d’immigrés italiens devenu un homme d’affaires au nom mondialement connu.
Le premier Immortel reconnu par l’Académie française pour la Haute-Couture est mort ce mardi 29 décembre, à l’âge de 98 ans. Loin d’être oublié, le couturier faisait encore beaucoup parler de lui, à propos d’un bâtiment énorme qu’il voulait construire à Venise, mélange de château d’eau et de tour de contrôle pour film de science-fiction. Ce fantasme mégalomane rappelait les années 1960, sa décennie triomphale où il imposa ses tenues façon astronautes.
Porté par le modernisme de cette décennie, fasciné par les innovations, soucieux de démocratiser la mode, le célèbre couturier a accompagné l’énergie pop des sixties. Avant de s’isoler à la tête d’un empire commercial qui, dans les années 80, prit le pas sur la création.
« C’est une très grande perte pour nous »
le secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, Laurent Petigirard.
Un fils d’immigrés italiens
Né à Sant’Andrea di Barbarana, près de Trévise, Pietro Costante Cardin est le fils d’agriculteurs italiens qui émigrent en France dans les années 1920, après la Première guerre mondiale. Après avoir appris son métier chez un tailleur à Saint-Etienne, il monte à Paris. En 1946, il devient Premier tailleur de la maison Dior à sa création. Il la quitte trois ans plus tard pour créer sa propre maison. Son style novateur détonne, tout comme sa volonté de développer une marque de prêt-à-porter en parallèle de son travail de Haute-Couture, ce qui était mal vu à l’époque.
Pierre Cardin connaît le succès dès le début grâce à ses robes bulles. Il est également le premier à créer une collection pour les hommes. Matières innovantes, formes géométriques, il puise son inspiration dans l’Op Art et dans la conquête spatiale, qui le fascine et lui inspire des combinaisons qui préfigurent la monde unisexe actuelle. En 2019, le Brooklyn Museum de New York lui avait consacré sa première rétrospective depuis 30 ans…
Un héritage immense
« Jour de grande tristesse pour toute notre famille, Pierre Cardin n’est plus. Le grand couturier qu’il fut a traversé le siècle, laissant à la France et au monde un héritage artistique unique dans la mode mais pas seulement », écrit sa famille dans un communiqué. « Nous sommes tous fiers de son ambition tenace et de l’audace dont il a fait preuve tout au long de sa vie. Homme moderne aux multiples talents et à l’énergie inépuisable, il s’est inscrit très tôt dans les flux de la mondialisation des biens et des échanges »
Communiqué de la famille de Pierre Cardin
Le système des licences, contrats confiant la fabrication de produits à une entreprise tierce en échange de royalties pour l’utilisation du nom, a fait sa fortune (il en détenait environ 350, contre 900 au plus fort de son succès, dans une centaine de pays). Ce système lui a assuré une diffusion dans le monde entier, apposant son nom sur des produits aussi divers que des cravates, des cigarettes, des parfums ou de l’eau minérale. Cette diversification à l’extrême a eu pour effet de populariser son nom mais aussi de dévaloriser la marque et lui a attiré le mépris de certains de ses pairs.
Autre héritage, offert à tous : l’espace Cardin.
La construction du café des Ambassadeurs avait été autorisée à l’emplacement de l’actuel espace Pierre-Cardin, en 1772, par l’abbé Terray, contrôleur général des finances. Ce café devait son nom aux hôtels édifiés par l’architecte Ange-Jacques Gabriel en bordure de la place de la Concorde, hôtels qui étaient censés servir de logements à des ambassadeurs étrangers. En 1970, la mairie de Paris, propriétaire des murs, accorde la concession du théâtre au couturier Pierre Cardin. Le lieu est rebaptisé espace Cardin.
L’Espace Cardin a accueilli de nombreuses expositions dont pour la première fois les gouaches de Fernand Léger, ou les sculptures de Miguel Berrocal. En 1973, Depardieu est de retour avec la pièce Home, dans une adaptation de Marguerite Duras, avec Michaël Lonsdale. Ces dernières années, l’aura de l’Espace Cardin s’était ternie et la programmation était épisodique.
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