Fondateur d’Axa en 1985, Claude Bébéar a transformé son entreprise en la « première compagnie française d’assurances », comme l’a rappelé ce 04 novembre, l’Élysée. La présidence de la République met par ailleurs en lumière ses « engagements sociaux », notamment la « Fondation du mécénat humanitaire » qu’il avait créée il y a près de quarante ans. Mais l’homme d’affaire s’était taillé une réputation qui lui a valu le surnom de « Crocodile Claude ». On revient pour les Français de l’étranger sur le parcours de cette figure du patronat français qui régna sur la place de Paris pendant 40 ans.
De la Normandie à Paris
A partir d’une petite mutuelle normande, 25e assureur français en 1975 lorsqu’il en prend les commandes à 40 ans, ce bâtisseur d’empire a créé une entreprise multinationale, AXA, cotée, un temps, à New York. Le champion français est devenu l’un des tout premiers assureurs mondiaux.
Davantage encore qu’un visionnaire de l’assurance, Claude Bébéar s’est affirmé comme l’un des rénovateurs du capitalisme français. C’est en 1958 qu’il est recruté par André Sahut d’Izarn, le patron de l’Ancienne Mutuelle de Belbeuf, près de Rouen, dont le fils était l’un de ses camarades de promo. Depuis cette base normande, il construit son groupe à coups de rapprochements et d’OPA.
Drouot, Présence, Midi, Equitable, UAP : autant de batailles mémorables, qui lui permettent de bousculer l’establishment financier avant d’en devenir l’un des piliers les plus puissants. Malgré son tempérament, ce fonceur a su faire preuve de patience.
Le capitalisme à la française
Au tournant des années 2000, face à la montée en puissance de l’assureur allemand Allianz, qui a acheté les AGF en France, il a voulu jouer un rôle de premier plan dans la recomposition de l’échiquier bancaire français. D’abord en tentant de marier BNP et Paribas, deux banques dont il est actionnaire, pour partir à l’assaut du Crédit Lyonnais. Ensuite en étant mêlé à l’intense bataille boursière, médiatique et politique entre BNP, Société Générale et Paribas. Il fut aussi actionnaire de Vivendi où il mena la vie dure à Jean-Marie Messier et à son projet finalement avorté.
Cependant, avant de s’affirmer comme un chasseur redoutable – cela lui vaut d’être appelé « Crocodile Claude » par le magazine américain « Fortune », un surnom qui le faisait plutôt sourire -, Claude Bébéar acquiert une réputation de patron social, doté d’une bonne vision des évolutions lourdes de la société. A la suite d’une grève, il prend la tête de l’Ancienne Mutuelle, au début de 1975. Il a 39 ans. Il se lance alors dans une démarche d’innovations sociales : horaires mobiles mis en œuvre tout de suite et semaine de 37 heures en 1983.
Le patron d’AXA s’est risqué à la transparence quand la société française cultivait encore les vertus du secret. Son catholicisme affiché suscitait parfois des grincements de dents, car il n’a jamais cherché à se faire passer pour un saint. Il sera l’un des premiers patrons français à dévoiler son salaire et ses stock-options. Le public saura même qu’il a subi un pontage coronarien, à la fin de 1989, en pleine OPA sur Farmer’s. Dès 1995, Il se vantera de pratiquer la semaine de quatre jours. Le père de famille ne mettra cependant pas sa vie privée sur la place publique.
Un patron de gauche ?
Parallèlement, Claude Bébéar a développé sa conception du patron engagé. Son expérience de la guerre d’Algérie l’avait fortement marqué. Un temps, il hésite à se lancer en politique, à Rouen, comme successeur de Jean Lecanuet. Finalement, il milite en faveur de la participation de l’entreprise à la vie de la cité. Il fonda d’ailleurs l’Institut Montaigne, un think tank de gauche bien connu. Sans complexe, car l’entreprise « citoyenne » agit dans son intérêt bien compris. Il est à l’origine de la création d’IMH (Institut du mécénat humanitaire) en 1986. Il soutient la Fondation Agir contre l’exclusion de Martine Aubry. Sa dernière prise de position publique remonte à 2017, lorsqu’il annonce son soutien à Emmanuel Macron à quelques jours de l’élection présidentielle, dans « Les Echos ».
Favorable à des syndicats forts, et au traité de Maastricht, Claude Bébéar a régulièrement défrayé la chronique avec ses propositions de réforme de la protection sociale, jugées par ses détracteurs bien trop favorables aux assureurs privés. Lui se disait partisan d’un rêve européen, qui serait le rêve américain moins la brutalité de la société américaine.
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