L’épidémie en cours se traduira par une baisse de 8% du niveau des émissions de C02 dans le monde, niveau équivalent à celui qui avait été enregistré il y a dix ans. Néanmoins, cette baisse ne devrait pas avoir d’effet notable sur le processus de réchauffement climatique en cours. Au niveau de la pollution, la crise sanitaire a permis une amélioration très ponctuelle qui a été vite effacée avec la reprise de l’économie.
Pour certains experts, la pollution de l’air, en particulier à l’intérieur des habitations, aurait accentué la létalité du virus. Plusieurs études ont montré qu’une faible augmentation de particules PM2,5 (particules inférieures à 2.5 µm) est liée à une hausse du taux de décès par COVID-19 allant de 8 à 16%. Par ailleurs, la pollution de l’air augmenterait très sensiblement la transmission du SARS-CoV-2 par les voies aériennes.
L’épidémie a provoqué de nombreux problèmes de gestion des déchets. Les États, les collectivités territoriales ont dû faire face à une augmentation des déchets médicaux. Le manque d’effectifs a accentué ce problème. De nombreux salariés des services en charge des déchets ont été atteints par la maladie ou ont fait valoir leur droit de retrait. La lutte contre la Covid-19 a eu comme conséquence un recours plus important aux matières plastiques (masques, protection, plateaux repas emballés, etc.).
Même si le phénomène n’est pas en soi nouveau, la pandémie a mis en évidence le problème de l’interférence croissante de l’homme sur la biodiversité. Cette interférence multiplie les possibilités de transmission de pathogènes de l’animal à l’homme. La déforestation, la dégradation et la fragmentation des habitats, l’intensification de l’agriculture, le commerce d’espèces sauvages et le changement climatique seraient autant de facteurs favorables à ce type de transmission.
Le nombre réduit d’épidémies à forte létalité constaté ces soixante-dix dernières années ne serait pas applicable pour les prochaines années si une modification des comportements n’intervenait pas.
La victoire contre la peste ou le choléra a été obtenue grâce à des progrès médicaux et à une amélioration de l’hygiène. Selon l’OCDE, une meilleure qualité d’air et d’eau, une gestion efficace des déchets et une protection renforcée de la biodiversité permettront réduire la vulnérabilité des communautés aux pandémies. L’organisation internationale rappelle la nécessité de développer les services d’assainissement et de distribution d’eau potable que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays avancés.
Depuis de nombreuses années, les investissements dans les réseaux diminuent conduisant à un risque de prolifération de bactéries et de virus potentiellement dangereux. La préservation de la biodiversité et son utilisation durable sont également des facteurs importants, dans la mesure où la biodiversité et les services écosystémiques procurent, selon l’OCDE, des avantages évalués à 125 à 140 000 milliards de dollars par an, soit plus que le PIB mondial.
Une relance sur fond de transition écologique
Selon une étude de l’OCDE du mois d’août 2020, au moins 30 pays membres de l’OCDE ont intégré dans leurs programmes ou stratégies de relance des mesures visant à soutenir la transition vers une économie plus verte. Les mesures les plus fréquemment mises en œuvre sont :
- des subventions, des prêts et des allégements fiscaux en faveur du transport vert, de l’économie circulaire et de la recherche, du développement et du déploiement d’énergies propres ;
- une aide financière aux ménages et aux entreprises pour l’amélioration de la performance énergétique et les installations d’énergies renouvelables ;
- de nouveaux types de financement et de programmes de création d’emplois et de stimulation de l’activité économique par la restauration de l’écosystème ;
- le contrôle des espèces étrangères invasives et la préservation des forêts.
L’OCDE souligne que les gouvernements sont plus timides vis-à-vis de l’industrie et de l’agriculture. Cette prudence est liée à la volonté de ne pas pénaliser des secteurs en difficulté ou politiquement sensible en période de crise économique. Par ailleurs, peu de mesures concernent l’acquisition de compétences nécessaires pour accélérer la transition énergétique.
Dans le cas du transport urbain, par exemple, certains pays ont choisi d’intensifier les efforts et les financements pour rendre l’espace habituellement réservé aux voitures à des modes de transport doux (piétons, vélos, micromobilité, transport public) ou lui donner d’autres fonctions urbaines. Paris qui était en retard par rapport aux autres grandes métropoles a lancé, en lien avec la crise sanitaire, un des plus vastes plans de réalisation de pistes cyclables urbaines.
Certains pays ont aussi conditionné au respect de principes et critères environnementaux le versement d’aides publiques à des entreprises de secteurs clés, comme le transport aérien, et subordonné l’aide à l’industrie automobile à la promotion de technologies plus propres. Air France doit ainsi réduire son offre pour des liaisons qui peuvent être desservies par le train en moins de 2 heures 30. Le secteur aérien est dans le collimateur des pouvoirs publics et des associations écologiques même si sa contribution aux émissions de CO2 reste modeste. Il est un symbole d’un certain mode de consommation qui est de plus en plus contesté.
L’Europe se veut pro-active en matière de lutte contre les émissions de CO2 notamment à travers le pacte vert de la Commission proposé fin 2019. L’objectif fixé est la neutralité carbone en 2050. Ce pacte vert pour l’Europe sera au cœur du plan de relance décidé afin de contrer la récession liée au COVID-19. Pour atteindre cet objectif, les États membres sont appelés à :
· décarboner le secteur de l’énergie au moyen de projets valorisant les énergies renouvelables, en particulier l’éolien et le solaire, et donner le coup d’envoi de l’hydrogène vert ;
· investir dans des technologies respectueuses de l’environnement ;
· soutenir l’innovation dans l’industrie ;
· déployer des moyens de transport privé et public plus propres, plus abordables et plus sains ;
· améliorer l’isolation thermique des bâtiments et promouvoir l’économie circulaire ;
· travailler avec des partenaires internationaux pour améliorer les normes environnementales mondiales.
L’Union européenne est censée fournir un soutien financier et une assistance technique pour aider ceux qui sont les plus touchés par la transition vers une économie verte. Les différents gouvernements européens intègrent dans le cadre de leur plan de relance des considérations environnementales.
En Corée du Sud, le gouvernement a également adopté un pacte vert au mois de juillet 2020, visant à créer 659 000 emplois et à aider le pays à surmonter la crise tout en répondant aux enjeux climatiques et environnementaux. Le pays devrait consacrer plus de 60 millions de dollars sur cinq ans (2020-25) pour accroître la production énergétique renouvelable (de 12,7 GW en 2019 à 42,7 GW en 2025) et pour renforcer la mobilité verte en atteignant 1,33 million de véhicules électriques ou à hydrogène. Le plan prévoit également la rénovation du parc locatif social et des écoles publiques pour en faire des bâtiments à énergie zéro, ainsi que la transformation de zones urbaines en villes vertes et connectées.
L’OCDE note néanmoins que 24 gouvernements nationaux ont annoncé des mesures susceptibles d’avoir un impact négatif direct ou indirect sur les résultats environnementaux. Certains gouvernements ont ainsi pris des mesures assouplissant les règlementations environnementales existantes (notamment concernant la qualité de l’eau, l’émission de polluants atmosphériques et les plastiques à usage unique), réduisant ou supprimant des taxes, des redevances et droits environnementaux.
Plusieurs gouvernements ont mis en œuvre des plans de sauvetage inconditionnel d’industries ou entreprises produisant des émissions de CO2. Les associations environnementales pointent du doigt les compagnies aériennes ou les industries impliquées dans l’extraction de combustibles fossiles. De même, certains pays ont décidé de venir en aide aux transporteurs routiers.
En ce qui concerne les consommateurs, beaucoup de pays ont pris des mesures de soutien aux ménages en assouplissant les conditions de paiement (allongement du délai de grâce, absence d’interruption du service, etc.) et en réduisant ou en subventionnant directement les factures d’électricité.
La conciliation entre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux est délicate à réaliser en France comme au sein des autres pays de l’OCDE. La crise sanitaire a révélé qu’une part non négligeable des opinions est favorable à une réelle décroissance avec une remise en cause de nombreuses activités, sans pour autant que cela s’accompagne d’une diminution de leur niveau de vie….
L’OCDE indique dans son étude que, dans le cas du secteur énergétique, les pays du G20, que 47 % des aides sont destinés aux combustibles fossiles contre 39 % aux énergies propres. Dans le cadre des plans de relance actuellement en élaboration, la proportion des aides en faveur de la transition énergétique serait de 15 à 20 %, l’Europe étant dans le haut de la fourchette.
L’organisation internationale invite les États membres à mettre en œuvre une tarification du carbone afin de compenser les prix peu élevés des énergies fossiles. Les recettes ainsi générées devraient être affectées à la recherche sur les énergies renouvelables et les puits de carbone. Elle préconise également une taxation accrue des biens et services nuisibles à l’environnement avec en contrepartie des diminutions des impôts sur les investissements et les revenus. Elle souhaite une remise à plat des subventions aux énergies qui, au niveau des États membres, représentaient, en 2019, plus de 580 milliards de dollars.
L’OCDE demande que la réalisation des infrastructures de transports prévues dans les différents plans de relance prenne en compte les impératifs écologiques. L’OCDE estime qu’un effort important devrait être consenti pour transformer l’agriculture. Le secteur agricole et alimentaire, parmi les plus vulnérables au changement climatique, est un important producteur d’émissions de gaz à effet de serre et consommateur d’eau. Chaque année, ce secteur bénéficie, au sein de l’OCDE, de plus de 355 milliards de dollars d’aides. Plus de la moitié de ses aides auraient un effet négatif sur l’environnement.
Les fonds publics devraient être réorientés vers des investissements dans l’innovation, l’utilisation durable des sols, de l’eau et des ressources de la biodiversité, l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ses effets et l’amélioration de la résilience des ménages agricoles.
L’OCDE invite les États membres à accroître leur effort de recherche dans les domaines des énergies renouvelables, du stockage de l’énergie, du confort thermique des bâtiments, des véhicules électriques, hybrides et économes en carburant, ou encore des technologies de la séquestration, le stockage et utilisation du carbone. Elle dénonce le manque de moyens de la recherche, les atteintes à la concurrence de certains secteurs et la mauvaise diffusion des innovations.
Même s’il faut se méfier des prévisions, la transition énergétique pourrait générer de nouveaux emplois, sachant qu’elle en supprimera dans de nombreux secteurs. Pour l’Agence Internationale de l’Energie, cette transition pourrait générer 2,5 millions nouveaux emplois par an. La restauration de l’écosystème aux États-Unis devrait déboucher sur la création de 126 000 emplois directs et représenter un apport annuel de 9,5 milliards de dollars à la production économique.
La mobilisation du secteur financier
La transition énergétique décidée par les pouvoirs publics suppose un effort important en matière de compétences. Dans plusieurs secteurs, des pénuries de personnel qualifié sont clairement identifiées. Cela concerne notamment les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et l’utilisation efficace des ressources, la rénovation des bâtiments, la construction, les services environnementaux et la production.
La pénurie de compétences liée à la transition vers une économie sobre en carbone est particulièrement prononcée dans les pays en développement. La mobilisation du secteur financier
La transition énergétique devrait mobiliser au minimum plus de 310 milliards de dollars au titre des financements publics auxquels s’ajouteront ceux issus du secteur privé. Au total, plus de 1 000 milliards de dollars seraient en jeu. Ces sommes sont insuffisantes pour l’OCDE pour respecter les engagements pris dans le cadre des accords de Paris. Les besoins de financement au niveau mondial se chiffrent à plus de 6 300 milliards de dollars annuels pour réaliser les investissements nécessaires à la transition énergétique et à l’amélioration des conditions de vie d’ici 2030 (infrastructures d’énergie, de transport, d’eau et de télécommunications).
Ces dernières années, des milliers de milliards de dollars de capital ont été dédiés à des investissements évalués sur la base de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les marchés ESG comptent aujourd’hui une grande variété (et parfois des divergences) de méthodologies, d’indicateurs de performance et de structures de produits.
Une étude de l’OCDE sur ces notations conclut qu’une notation élevée au sein du pilier « Environnement » des critères ESG ne se traduit pas nécessairement par une réduction des émissions de carbone. De plus en plus d’entreprises et d’États recourent à des émissions obligataires pour financer des projets d’infrastructures faiblement émettrices de carbone. Ce recours s’explique par les faibles taux d’intérêt demandés. 800 milliards de dollars d’obligations auraient été souscrites dans cet esprit ces sept dernières années. Si en 2020, un recul de plus de 13% est attendu, près de 78 milliards de dollars d’obligations devraient être émises pour financer des infrastructures favorisant la transition énergétique.
En peu de temps, l’économie mondiale doit faire face à un double défi : un arrêt volontaire sur image au nom de la sauvegarde de la vie et une transition énergétique imposée afin d’endiguer le réchauffement climatique. Par le passé, les changements énergétiques obéissaient à des considérations d’ordre économique et technologique. Ils n’étaient pas le résultat de décisions publiques. Progressivement, les économies sont passées du bois au charbon puis du charbon au pétrole. Ce dernier offrait l’avantage d’être tout à la fois abondant, facilement transportable et fortement calorifique. En outre, son craquage aboutit à la production d’une très large gamme de produits devenus incontournables dans les process de production. La décarbonisation des économies constitue donc un défi sans précédent qui, en outre, pour avoir quelques effets, doit être mondial. Jusqu’à présent, les énergies, bois, charbon, pétrole, nucléaire, cohabitaient dans des proportions variables selon les États. Le principe de la réduction des émissions des gaz à effet de serre suppose que l’ensemble des nations convergent vers un système de production décarbonée, ce qui nécessite un minimum ou plutôt un maximum de coopération
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