Covid : la maladie partie, le mal est toujours là

Covid : la maladie partie, le mal est toujours là

Enterrée. La Covid ne fait plus la une, pas même les dernières pages. L’Université John Hopkins a renoncé à suivre les chiffres jour par jour. En France, les indicateurs ne sont plus actualisés depuis mars. Les Nations Unies aussi ont arrêté tout décompte. Le monde a vaincu la Covid. Joie ! Joie ! Victoire ! Vraiment ? 

De temps en temps, une alarme retentit. Les Chinois ont été les derniers à s’affoler, leur déconfinement a provoqué moins de ravages qu’attendu. Des dizaines d’études et de livres paraissent, avec plus ou moins de révélations, de crédibilité.

A observer le nombre de décès par pays et par habitant, quel bilan ? 

La crédibilité, voilà la question. A observer le nombre de décès par pays et par habitant, critère presque aussi certain que la mort, quel bilan ? 

Selon l’Université d’Oxford, la Covid aurait tué 6.7 millions de personnes sur la planète en trois ans, avec des écarts considérables entre les pays. Deux millions en Europe, un aux Etats-Unis.

Record mondial, le Pérou compte plus de 680 décès pour 100.000 habitants. Les autres pays les plus touchés sont tous en Europe de l’Est : Bulgarie (544 pour 100.000), Hongrie (500), Bosnie (489), Macédoine (463), Géorgie (454), Croatie (439), Tchéquie (400), Slovaquie (386), Roumanie (347), Lituanie (344), Slovénie (342), Moldavie (338), Lettonie (325), Pologne (313). Personne n’explique l’exception péruvienne, ni la concentration en Europe de l’Est. 

En Amérique latine, le Chili compte aussi un nombre élevé de décès : 343 (pour 100.000). Plus que le Brésil (333), et l’Argentine (293). L’Argentine, qui a confiné six mois, a un taux de décès supérieur à la Colombie, le Paraguay, le Mexique ou l’Uruguay (220). 

Les États-Unis comptent un nombre élevé de décès par rapport au nombre d’habitants : 343. Ils sont le douzième pays le plus touché. En Europe, en dehors des pays de l’est, le Royaume-Uni (331), la Grèce (324), l’Italie (311), la Belgique (295) ont été les plus meurtris.

Sur les trois années de pandémie, la Suède affiche le plus faible excès de surmortalité en Europe.   

La France, avec 246 décès pour 100.000 habitants, est à la trentième place. Mieux que l’Espagne, le Portugal ou l’Autriche, moins bien que la Suède (233). Cette Suède qui a refusé de confiner n’a donc pas un taux de mortalité plus élevé que les autres. Il est même plus bas. Sur les trois années de pandémie de Covid, elle affiche le plus faible excès de surmortalité en Europe. Le confinement, surtout absolu comme en France, a été une erreur du seul point de vue de la santé publique. Sans même parler de ses conséquences économiques. 

L’Allemagne a un taux de décès « bas » (203), comme l’Irlande, la Finlande ou le Danemark. Le pays le plus résistant est les Pays-Bas (137), où le confinement a été léger. Voilà pour les chiffres, contestés, contestables, puisqu’ils dépendent de la façon dont les gouvernements déclarent les « morts de la Covid ».

Première leçon : difficile de comprendre les écarts. L’ignorance est un progrès du savoir. Deuxième leçon : le confinement n’a pas assuré une protection supérieure, comme le montrent les comparaisons entre l’Argentine et ses voisins, la France et la Suède, les Pays-Bas et la Belgique. Trois mois après la fin de la stratégie « zéro Covid » en Chine, c’est-à-dire un confinement policier, la Covid a disparu, au lieu d’exploser.

Le confinement, surtout absolu, a été une erreur.

Troisième leçon : le système de soins n’a pas fait la différence. Les pays les moins touchés sont ceux dans lesquels la couverture sociale et médicale est la moins développée. L’Europe et les Etats-Unis, où les dépenses de santé sont les plus fortes au monde, ont été les plus frappés. 

Est-ce la part de jeunes dans la population ? Le virus a frappé des pays marqués par la forte proportion de personnes âgées. Aux Etats-Unis, l’âge moyen des décès dus à la Covid est supérieur à 80 ans. L’espérance de vie n’y est que de 76 ans. 200.000 personnes de plus de 80 ans y sont mortes de la Covid en 2022, mais aussi, comme chaque année, 44.000 par les armes à feu (des jeunes), et 50.000 par des surdoses d’opiacés.

La vaccination aurait sauvé des millions de personnes. Elle a démontré les progrès extraordinaires de la science et la capacité de recherche des laboratoires. En deux ans et quelques milliards, plusieurs vaccins ont été élaborés, avec des techniques révolutionnaires. 

Tout ce qui diminue les risques est utile. L’obligation et le contrôle policier sont-ils pour autant légitimes ?

Curieusement, la carte mondiale de la vaccination reproduit la carte des pays les plus touchés, non celles des pays qui ont le mieux résisté. Au 1er janvier 2022, 10 % de la population africaine était vacciné, contre plus de 60 % aux États-Unis et en Europe. Sur deux milliards de doses, 800 millions ont été données en Europe. Aux dénonciations d’égoïsme répondirent des protestations de solidarité. La France s’était d’ailleurs placée en première ligne pour activer un fonds de solidarité pour les pays les plus pauvres. 

En fait, ce n’est pas le vaccin, mais le variant Omicron, plus contagieux, moins tueur, qui a répandu l’immunité collective. Il y eut mille polémiques sur les dangers de la vaccination : avec deux milliards de doses, on sait que les effets indésirables sont négligeables et que sa protection n’est pas absolue. Tout ce qui diminue les risques est utile. L’obligation et le contrôle policier sont-ils pour autant légitimes ?

Sans vaccins, les pays les plus pauvres, aux systèmes de santé plus fragiles, auraient dû être touchés de plein fouet. Il n’en a rien été. A moins que les défaillances statistiques masquent les décès. Mais, comme en Russie, on se serait aperçu des pics de surmortalité : le gouvernement a fini par reconnaître 329.443 décès dus à la Covid ; l’agence officielle Rosstat en dénombre par la surmortalité 660.000 en 2020 et en 2021, le double. 

En prenant en compte cette surmortalité l’OMS évalue à 14,83 millions le bilan de l’épidémie. Plus du double des 6.9 millions recensés. Sont-ils dus à la Covid, aux retards de traitement des autres maladies, aux regains de la malnutrition, aux défauts statistiques ? The Lancet publie une étude de 28 chercheurs qui évaluent à 17.5 millions les morts de la Covid. The Lancet en conclut que le monde a été « incapable d’y faire face ». À l’automne 2019 pourtant, l’OMS mettait en garde contre un risque de pandémie capable de tuer « jusqu’à 80 millions » de personnes.

Dispositif anti-Covid à Hubei en Chine en 2020 ©AFP

Les pays les plus pauvres ont plus été touchés par la panne de l’économie mondiale que par la Covid.

Ces prévisions et évaluations disent notre ignorance. Seule certitude : les pays les plus pauvres ont plus été touchés par la panne de l’économie mondiale que par la Covid. Les pays développés aussi, mais ils avaient la capacité de s’endetter. Les conséquences psychologiques de l’épidémie et des confinements, la désorganisation hospitalière, le report des actes médicaux, les retards dans la scolarisation sont trop peu étudiés. 

Si l’on s’en tient, pour une population mondiale de 8 milliards d’habitants, à 7 millions de décès en trois ans, dont 90% avaient plus de 80 ans, principalement dans les pays riches, a-t-on eu raison de mettre à l’arrêt l’économie de la planète, de bloquer l’éducation et les échanges ? 

Au-delà des coûts, reste la question la plus importante : celle des restrictions, des régimes policiers mis en place, y compris dans les pays démocratiques. Jamais on ne vécut cet enfermement.

Plus on a parlé de Covid, plus on y a succombé.  

La planète vit déjà dans un monde virtuel, ultra dépendant de l’information : les pays les plus touchés sont ceux où les systèmes d’information sont les plus performants, perforants.  Plus on a parlé de Covid, plus on y a succombé. Comme si la télé et les réseaux sociaux répandaient le virus, frappant non seulement les esprits, mais aussi les corps. C’est pourquoi le fait de ne plus en parler est une excellente nouvelle.

Par peur ou discipline, chacun renonce aux principes élémentaires. 

Pardonnez donc d’avoir brisé ce silence. Il faut bien y revenir pour conjurer la malédiction diffusée : ni la rapidité de son expansion, ni la panique des pouvoirs publics, ni les polémiques scientifiques. Le mal le plus profond : la facilité avec laquelle la suspension des libertés publiques a été acceptée.

Par peur ou discipline, chacun renonce aux principes élémentaires, comme celui d’aller et de venir. 

La vie est une maladie mortelle. L’accepter est difficile. Les puissances en jouent, échangent la vie contre l’obéissance. Le principe même de l’esclavage. La liberté, même la plus élémentaire, est fragile. La liberté est un combat. Comment oser le mener si on ne le sait pas ?

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati 

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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