La France a sa propre solution miracle, la Communauté politique européenne, pour stabiliser le voisinage de l’UE, et ce n’est pas nécessairement celle de l’élargissement.
Le Président français Emmanuel Macron a profité d’une rencontre entre les dirigeants européens pour défendre sa proposition de « communauté politique européenne », présentée en mai au Parlement européen lors d’un débat sur la candidature de l’Ukraine.
L’idée serait de renforcer les relations de l’Union avec les pays non européens des Balkans occidentaux, ou les pays candidats tels que l’Ukraine et la Moldavie, mais aussi avec ceux qui sont considérés comme n’appartenant pas au noyau dur de l’Union, comme la Suisse et la Norvège, et peut-être même avec l’ancien membre du bloc, le Royaume-Uni.
Dans les semaines qui ont suivi cette déclaration, le souhait général a été d’obtenir plus de détails de la part de la France avant de se prononcer.
La discussion du sommet de jeudi (23 juin) sur l’idée en question est présentée comme une session de « brainstorming » qui donnerait le coup d’envoi d’un débat entre les États membres et qui s’étendrait sur tout l’été.
La présidence française de l’UE a déclaré qu’elle examinerait la question « étape par étape », l’objectif étant d’organiser une réunion inaugurale au cours du second semestre de cette année.
« L’objectif est d’offrir une plateforme de coordination politique pour les pays européens à travers le continent », ont déclaré les dirigeants de l’UE dans le communiqué du sommet après la discussion préliminaire, ajoutant que cela « pourrait concerner tous les pays européens avec lesquels nous avons des relations étroites ».
« L’objectif serait de favoriser le dialogue politique et la coopération pour traiter les questions d’intérêt commun afin de renforcer la sécurité, la stabilité et la prospérité du continent européen », peut-on lire.
Un espace de discussions
Le format consisterait en des réunions régulières au niveau des dirigeants, qui « créeraient un espace pour les discussions politiques et contribueraient ainsi à la compréhension mutuelle et à une culture stratégique commune », a déclaré un fonctionnaire européen.
La proposition a suscité des réactions diverses, entre intérêt et méfiance.
La plupart des pays candidats à l’adhésion, et en particulier l’Ukraine, ont mis en garde contre le fait qu’il ne devait pas s’agir d’une alternative à l’élargissement ou d’un moyen de maintenir les pays indéfiniment dans la salle d’attente plutôt que de les accueillir au sein du bloc. Ces pays ont ensuite été rassurés que ce ne sera pas le cas.
Le Premier ministre de Macédoine du Nord, Dimitar Kovacevski, s’exprimant à Bruxelles après la réunion UE-Balkans occidentaux qui s’est tenue plus tôt dans la journée de jeudi, a salué l’initiative mais a lui aussi déclaré qu’elle « ne devrait pas et ne doit pas se substituer à une pleine adhésion à l’UE ».
« Un tel cadre ne remplacera pas les politiques et instruments existants de l’UE, notamment l’élargissement, et respectera pleinement l’autonomie décisionnelle de l’UE », ont ajouté les dirigeants européens dans leur déclaration du sommet.
« Ce n’est pas un substitut, mais vous ne pouvez pas discuter de l’un sans l’autre et des obstacles à l’élargissement », a expliqué un diplomate européen aux journalistes avant la discussion des dirigeants jeudi.
« De même, nous devrions aussi être clairs sur le fait que tous ceux qui partagent des valeurs et des intérêts communs devraient être présents », a ajouté le diplomate européen.
L’Allemagne et d’autres pays insistent sur le fait qu’il ne devrait pas y avoir de chevauchement avec les travaux de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la plus grande organisation intergouvernementale régionale axée sur la sécurité, dont la plupart des 57 membres proviennent de l’Europe au sens large, qui est aujourd’hui mise à l’écart en raison de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
De nombreux États membres reconnaissent qu’une sorte de forum où les pays européens peuvent se réunir pour discuter des questions stratégiques auxquelles ils sont tous confrontés pourrait être utile.
Un fonctionnaire de l’Élysée a indiqué aux journalistes, avec optimisme, que l’idée était « accueillie de plus en plus positivement ».
Triomphe et prudence
Si le nombre de pays candidats augmente, il n’y a pas eu de véritable élargissement depuis que la Croatie a rejoint l’UE il y a près de dix ans.
Au-delà de la rhétorique triomphante sur l’octroi du statut de candidat à l’UE à l’Ukraine et à la Moldavie, les dirigeants de l’UE à Bruxelles ont également dû faire face à leurs homologues des Balkans occidentaux furieux, très frustrés par le peu de progrès réalisés de leur côté ainsi que par le long retard pris dans le traitement de leurs demandes d’adhésion.
Le veto opposé de longue date par la Bulgarie à la Macédoine du Nord a particulièrement suscité le mécontentement.
Les propos de M. Macron, jeudi soir, sur la « perspective européenne » de l’Ukraine et de la Moldavie, après l’octroi du statut de candidat à l’UE à ces deux pays, ont également sonné, en partie, comme une mise en garde contre le concept d’élargissement de l’UE en général.
M. Macron a salué cette décision comme le signe d’une « Europe forte et unie » face à l’agression de la Russie contre son voisin.
Il a ajouté que l’UE devait « tendre une main secourable » à l’Ukraine, estimant que cette mesure était la bonne réponse à apporter dans un contexte de guerre.
Toutefois, il a ajouté que « nous n’avons pas à vivre tous dans la même maison, mais nous habitons la même rue », notant que « l’intimité stratégique » de l’Europe ne doit pas être mise à mal.
« La réponse géopolitique à apporter dans le contexte de la guerre est en effet de continuer à offrir cette perspective. Est-ce qu’avec le temps, c’est la bonne perspective géopolitique ? Je vous le dis franchement, comme je l’ai déjà fait il y a trois ans — non », a déclaré M. Macron lorsqu’il a été interrogé par les journalistes sur sa position concernant l’élargissement.
« Parce que cela prendra du temps et parce que nous voyons un phénomène d’une sorte de lassitude de l’élargissement parmi les pays qui l’ont rejoint », a-t-il ajouté, suggérant qu’une structure plus large comme la « communauté politique européenne » pourrait être « la bonne réponse » en attendant « de stabiliser le voisinage ».
L’initiative proposée par la France trouve ses racines à l’époque où François Mitterrand, alors président de la France, et Jacques Delors, président de la Commission, plaidaient en faveur d’une « confédération européenne ».
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