Comment Ursula von der Leyen devra convaincre les eurodéputés de la soutenir

Comment Ursula von der Leyen devra convaincre les eurodéputés de la soutenir

Le discours d’Ursula von der Leyen devant le Parlement européen jeudi (18 juillet) sera crucial pour assurer la majorité dont elle a besoin pour être réélue à la tête de la Commission européenne, mais pour convaincre tous les eurodéputés de la coalition pro-UE, elle devra aborder certaines questions centrales relatives aux politiques de l’UE.

Pour être reconduite, la présidente sortante aura besoin d’une majorité simple (361 voix sur 720) d’eurodéputés. Elle peut vraisemblablement compter sur les voix de la coalition pro-UE composée du Parti populaire européen (PPE) de centre droit, des Socialistes et Démocrates européens (S&D) et des libéraux de Renew Europe, tandis que les écologistes (Verts/ALE) ont également exprimé leur volonté de se joindre à cette coalition sous certaines conditions.

Si les membres de ces groupes politiques votent pour elle, Ursula von der Leyen disposera d’une majorité sûre, mais le scrutin étant à bulletins secrets, des défections ne sont pas à exclure.

En outre, au sein de la coalition pro-UE, qui s’est politiquement engagée à rester unie face à la montée des blocs d’extrême droite, il existe toujours un manque de clarté, voire des divergences, sur certaines politiques.

Pour minimiser le risque de défections au sein de la coalition pro-UE, Ursula von der Leyen devra donc faire preuve d’une grande prudence lors de son discours qui aura lieu juste avant le vote.

L’interdiction des moteurs à combustion

La révision de l’interdiction de facto des moteurs à combustion dans l’UE en 2035 est apparue comme une pomme de discorde au sein de la coalition tripartite.

Le projet de « Plan en 5 points » du PPE indique que le groupe souhaite réviser l’interdiction, et le parti allemand CDU/CSU, membre du PPE, en a même fait un thème de sa campagne électorale.

En revanche, les Socialistes et Démocrates européens ont fait du maintien de l’interdiction une demande clé pour la prochaine Commission.

L’enjeu est également de taille pour Renew. Bien que les eurodéputés libéraux aient voté en faveur de l’interdiction et que le groupe n’y fasse pas référence dans son projet de priorités politiques pour la législature à venir (2024-2029), les membres du Parti libéral-démocrate allemand (FDP) se sont fait entendre à ce sujet.

En effet, la semaine dernière, le ministre allemand des Transports du FDP, Volker Wissing, a écrit sur X que tout refus de réviser l’interdiction constituerait « une gigantesque fraude électorale » de la part d’Ursula von der Leyen.

De son côté, l’industrie automobile européenne est divisée sur la question. Peu de constructeurs automobiles appellent explicitement à revenir sur l’interdiction, tandis que des entreprises telles que Volvo, Renault et d’autres marques ont plutôt demandé le maintien de l’interdiction.

Les règles seront réexaminées en 2026. Si Ursula von der Leyen décide d’édulcorer ou de reporter l’interdiction, ce sera l’occasion de le faire.

L’agriculture au cœur des préoccupations

Après les manifestations d’agriculteurs qui ont secoué l’UE au début de l’année, tous les groupes du Parlement européen ont fait remonter les questions agricoles dans leur liste de priorités politiques pour la prochaine législature.

Cependant, ces demandes ont des niveaux d’importance variables pour les différents groupes, ce qui influence leur soutien potentiel à Ursula von der Leyen.

Les socialistes, le centre droit et les libéraux plaident en faveur d’une rémunération équitable pour les agriculteurs et de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales.

Les Verts/ALE ont également confirmé à Euractiv qu’ils s’attendaient à ce que la présidente sortante mentionne ces questions dans son discours de jeudi.

Les socialistes sont restés vagues sur leurs exigences en matière de durabilité et de politiques environnementales dans l’agriculture, n’appelant pas à une législation spécifique à ce stade, selon des sources du groupe.

Renew, en revanche, est plus explicite dans ses priorités, prônant la relance de la proposition de règlement avorté sur un objectif de réduction de 50% de l’utilisation des pesticides et dévoilant de nouvelles règles européennes sur le bien-être animal, bien qu’il ne soit pas certain que le soutien des eurodéputés du groupe à Ursula von der Leyen dépende de ces questions.

Il reste à voir si l’absence d’engagements explicites de la présidente sortante sur les politiques d’agriculture durable sera un facteur de rupture pour les Verts/ALE, puisque les discussions sont toujours en cours, selon une source du groupe écologiste au fait des négociations.

« Il est important que la durabilité des pratiques agricoles et de nos systèmes alimentaires ne soit pas simplement oubliée », a ajouté la source.

Les casse-tête internationaux

Alors qu’Ursula von der Leyen devrait cocher les cases concernant le soutien à l’Ukraine, la lutte contre la puissance économique de la Chine et les progrès en matière d’élargissement de l’Union, on ne sait pas jusqu’où elle ira en ce qui concerne des questions plus controversées telles que la guerre à Gaza, ce qui pourrait lui coûter des voix à gauche et à droite, en fonction de la formulation qu’elle emploiera lors de son discours.

Si elle insiste trop sur la notion de « Commission géopolitique », cela pourrait déranger certains, d’autant plus qu’elle a été accusée d’aller trop loin dans sa position vis-à-vis d’Israël lors de son premier mandat.

L’Allemande devrait également plaider pour une augmentation des investissements dans la défense européenne au cours des cinq prochaines années, un point sur lequel le PPE, les socialistes et les libéraux peuvent se mettre d’accord.

Toutefois, elle devra faire preuve de nuances pour obtenir, ou conserver, le soutien de certains pays.

L’un des points clés pourrait être la référence aux récentes propositions visant à renforcer la sécurité à l’est de l’Europe, qui sont également utilisées pour faire pression sur la Coalition civique (PPE) de Donald Tusk en Pologne.

Ou encore la création d’un bouclier de défense aérienne financé par l’UE, que défendent également Donald Tusk et le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis.

Pour obtenir au moins une partie des voix du groupe d’extrême droite des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), Ursula von der Leyen devra répéter qu’elle est prête à renforcer la dimension extérieure de la politique migratoire de l’UE en envisageant l’externalisation des procédures d’asile et en développant des partenariats économiques avec les pays voisins.

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