Comment la Belgique compte faire payer les étudiants français ?

Comment la Belgique compte faire payer les étudiants français ?

Il y a trop de Français étudiants en Belgique ! C’est ce constat que l’on entend de plus en plus outre-Quiévrain. Et au-delà des chiffres, des questions se posent. Prennent-ils la place des Belges ? Combien coûtent-ils à la solidarité nationale ? Comment faire payer davantage les étudiants français ? En ce début d’année 2025, le débat s’accélère sur cette présence et le financement. Et des idées germent. L’objectif est de faire payer davantage les frais d’université aux étudiants français que le montant demandé aux Belges. Mais au sein de l’Union européenne, comment dès lors trouver un équilibre entre libre circulation et taxe ciblée à la nationalité ? Et si un tel système se met en place, d’autres pays pourraient s’y engouffrer. Explications. 

20 000 étudiants français en fédération Wallonie-Bruxelles

En Fédération Wallonie-Bruxelles, 21% des étudiants sont étrangers, soit environ 40.000.  Parmi eux, la moitié vient de France. Ainsi, nos ressortissants seraient près de 20 000 à occuper une place dans l’enseignement supérieur de cette zone selon l’ARES (Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur belge). Et la tendance reste plutôt à la hausse, et plus uniquement dans le secteur de la santé. Dans un entretien accordé à nos confrères de la RTBF (Radio-télévision belge de la Communauté française), Annemie Schaus, rectrice de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), a constaté que « le nombre d’étudiants français augmente plus en Fédération Wallonie-Bruxelles qu’en France ».

Évolution des étudiants non-résidents dans les universités belges francophones
Évolution des étudiants non-résidents dans les universités belges francophones

Plusieurs raisons expliquent cette évolution et cette migration de nos jeunes Français en Belgique. La complexité de Parcoursup, la sélection des dossiers à l’entrée des écoles, la proximité géographique, … Mais la question que se posent aujourd’hui nos voisins est de savoir comment gérer ce flux ? Et surtout, comment trouver de nouvelles sources de financements.

Un étudiant français coûte (trop) cher au contribuable Belge

En effet, un étudiant coûte cher à la collectivité, le chiffre de 7000€ par an est le plus souvent avancé. Bien qu’il existe des frais d’inscription pour rejoindre l’enseignement supérieur au pays de Tintin, le minerval comme il est appelé, est cette année de 835€.

« On met en danger finalement notre enseignement supérieur.»

Ainsi, la différence entre la facture présentée à un étudiant français et la somme que doit supporter la Belgique fait débat et inquiète ! Pour Vincent Yzerbyt, professeur et doyen de la faculté de Psychologie de l’UCLouvain, « Je pense qu’ici on est devant une situation qui devient proprement intenable au niveau de l’encadrement, au niveau de la qualité de l’enseignement. On met en danger finalement notre enseignement supérieur. »

Université Catholique de Louvain
Université Catholique de Louvain @UCLouvain

Alors, en ces temps de contrainte budgétaire, la question du financement de ces étudiants non-résidents se fait de plus en plus pressante. D’autant plus qu’en Belgique, l’enseignement supérieur est tenu à une enveloppe budgétaire qui suit l’inflation, et pas le nombre d’étudiants.

« Il existe une certaine injustice pour le contribuable belge qui doit participer au subventionnement de tout l’enseignement supérieur. »

C’est pourquoi la situation ne peut rester en l’état. Dans les colonnes du Soir, (un quotidien belge), Vincent Vandenberghe, professeur d’économie à l’UCLouvain a d’ailleurs déclaré : « Il existe une certaine injustice, certes implicite, pour le contribuable belge qui doit participer au subventionnement de tout l’enseignement supérieur, et ce compris pour des jeunes qui, une fois diplômés, retournent travailler et payer des impôts dans leur pays. »

L’objectif partagé par de nombreuses personnes est donc aujourd’hui d’augmenter la contribution des étudiants étrangers. Mais comment faire pour éviter toute discrimination, notamment pour les étudiants issus de l’Union européenne ? Une proposition, qui date d’une dizaine d’années, refait surface et pourrait être très prochainement appliquée.

Une subvention déguisée en faveur des étudiants belges ?

Afin de faire payer davantage les étudiants étrangers, y compris ceux venant d’un des pays de l’Union européenne, l’idée mise sur la table est double :

  • Augmenter le prix du minerval pour le passer de 835 € à 2 835 €. Celui-ci sera donc payé par tous les étudiants, y compris les Belges
  • Mais, en contrepartie, la Belgique octroyait à ses nationaux résidents, un « droit individuel » de 2.000€ pour étudier où ils le souhaiteraient.
Une subvention déguisée en faveur des étudiants belges ?Une subvention déguisée en faveur des étudiants belges ? @adobestock
Une subvention déguisée en faveur des étudiants belges ? @adobestock

Cette prime – une sorte de subvention de 2.000 € – accordée aux jeunes belges viendrait donc compenser l’augmentation du minerval (c’est-à-dire des droits d’inscription dans l’enseignement supérieur) au détriment des étudiants français.  Pour ces derniers, la facture serait donc plus élevée puisqu’ils devront s’acquitter de la totalité du minerval ainsi augmenté.

« Cette prime – une sorte de subvention de 2.000 € - accordée aux jeunes belges viendrait donc compenser l’augmentation du minerval, au détriment des étudiants français ».

C’est une façon astucieuse d’éviter toute entrave à la liberté de circulation, concept fondateur de l’Union européenne. Et pour Vincent Yzerbyt, « il s’agit juste de se poser la question de savoir s’il est normal que ces étudiants ne contribuent pas à hauteur comparable […] des contribuables belges qui financent l’enseignement supérieur. » Sachant que, jusqu’à aujourd’hui, la France ne souhaite pas participer directement aux financements de ses propres étudiants en Belgique.

« Maintenir notre attractivité au niveau international et dans le respect des règles européennes »

Cette proposition est actuellement étudiée au cabinet de la présidente du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Elisabeth Degryse. L’objectif affiché est de permettre une « contribution plus juste des étudiants non-résidents, tout en veillant à maintenir notre attractivité au niveau international et dans le respect des règles européennes » a-t-on entendu. C’est tout le sens de cette proposition qui pourrait rapidement rapporter 50 millions d’euros. En ces temps de disette, qui s’en priverait ?

Une idée contagieuse à d’autres pays ?

Une telle mesure pourrait également être déclinable dans d’autres pays européens confrontés à des difficultés similaires. L’Autriche accueille ainsi de nombreux étudiants allemands. Ainsi, ce modèle pourrait faire « boule de neige » dans d’autres Etats et concerner les près de 110.000 Français qui étudient à l’étranger selon les statistiques publiées par Campus France. Quant aux étudiants étrangers qui se trouvent dans l’hexagone, ils sont environ 400 000, soit 13 % des effectifs de l’enseignement supérieur.

Et les Belges sont actuellement moins de 5.000 à poursuivre leurs cursus dans le supérieur en France. Rappelons que pour éviter toute entrave au droit européen, la prime de 2.000 € qui leur serait accordée pourrait également être utilisée pour poursuivre des études dans notre pays, et donc venir prochainement augmenter le chiffre de ce contingent.  Et de toute façon, comme nous l’entendons souvent, l’amitié Franco-Belge n’a pas de prix… Mais peut-être jusqu’à un certain point. À suivre,…

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.

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