Cinq ans après le Brexit où en est l’économie du Royaume-Uni ?

Cinq ans après le Brexit où en est l’économie du Royaume-Uni ?

Près de cinq ans après le référendum du 23 juin 2016 décidant la fin de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne et plus d’un an après son entrée en vigueur effective, en février 2020, ou encore quelques mois après la mise en place d’un accord commercial avec le Continent, quel est le premier bilan pour l’économique britannique ? 

Avant le référendum, le Royaume-Uni connaissait un taux de croissance supérieur à celui de la zone euro de près d’un point. En phase avec les États-Unis, le rebond après la crise des subprimes avait été plus marqué. Le pays a été, par ailleurs, moins touché que la zone euro par la crise des dettes souveraines provoquée par la Grèce. L’emploi y progressait plus rapidement. Le taux de chômage était de trois à quatre points inférieur à celui de la zone euro et le salaire réel y augmentait plus vite (deux points d’écart). 

À partir de 2017, la croissance tend néanmoins à se ralentir tout comme les créations d’emploi. Le référendum a pu avoir un effet psychologique mais d’autres facteurs ont également joué. Le Royaume-Uni était alors en situation de plein emploi, ce qui pesait sur la croissance de l’activité. Les augmentations salariales ont nui à la compétitivité. Le Royaume-Uni évolue plus en phase avec les Etats-Unis qu’avec le vieux continent, ce qui a pu expliquer le décalage de croissance. 

La crise sanitaire a été plus durement ressentie Outre-Manche que sur le Continent. Le PIB y a reculé de près de 10 % contre -8,2 % pour la France ou -5,3 % pour l’Allemagne. Cette contraction est la conséquence des tergiversations de Boris Johnson au début de l’épidémie, du long confinement qui en a suivi et également de la difficile négociation avec l’Union européenne à la fin de l’année dernière. 

L’investissement à la peine 

De 2010 à 2016, l’investissement des entreprises et en logements au Royaume-Uni augmentait plus vite qu’au sein de la zone euro. Le référendum a eu un effet immédiat. La baisse a été sensible entre 2017 et 2018 avant de se stabiliser. Les investisseurs ont différé leurs projets pendant la phase de négociation de sortie de l’Union européenne. En 2020, l’investissement, sous l’effet de la crise sanitaire, a reculé de 20 %, soit un taux plus élevé qu’en Europe continentale. Il est, en revanche, depuis la fin de l’année dernière en forte hausse mais le niveau reste inférieur de 10 % à celui d’avant crise. 

Cette hausse s’explique par la levée de certaines hypothèques après la signature de l’accord commercial avec l’Union européenne. 

Avant le Brexit, l’augmentation des mises en chantier de logements était plus forte au Royaume-Uni qu’au sein de la zone euro. L’écart de croissance a perduré après. Depuis la fin de l’année 2020, la reprise des mises en chantier est nettement plus prononcée en Grande Bretagne. 

Des échanges commerciaux bouleversés 

De 2016 à 2019, le commerce extérieur du Royaume-Uni n’a pas été affecté par le référendum, les règles de l’Union européenne ayant continué à s’appliquer. En 2020, la crise sanitaire et les tergiversations sur la signature de l’accord commercial avec l’Union européenne ont conduit à une contraction des échanges en particulier à destination de cette dernière. La baisse s’est accélérée à compter du mois de janvier. Le niveau des importations européennes a diminué d’un cinquième sur les deux premiers mois. Les procédures douanières expliquent en partie ce recul. 

En mars, un début de normalisation est constaté. Les exportations françaises vers le Royaume-Uni n’étaient inférieures que de 4 % de leur niveau du second semestre 2020, niveau néanmoins faible en raison de la pandémie. Les exportations allemandes vers le Royaume-Uni étaient inférieurs de 13 % en mars 2021 par rapport à celles du mois de mars 2002. 

Avec l’instauration de droits de douanes, les exportations britanniques vers le Continent sont pénalisées et enregistrent de fortes baisses. Les ventes britanniques de textiles et de produits agroalimentaires vers l’Union européenne ont ainsi baissé de respectivement 47 % et 30 %. 

De moindres entrées de capitaux étrangers 

Le Brexit s’est accompagné d’un affaiblissement modéré de l’investissement direct étrangers, mais pas des investissements de portefeuille. Certaines entreprises internationales ont pu reporter certaines opérations mais jusqu’à maintenant il n’y a pas eu une raréfaction des apports de capitaux d’origine étrangère. 

La livre sterling qui a perdu plus de 22 % de sa valeur à la suite du référendum en 2016 par rapport à l’euro a regagné une partie du terrain perdu. La dépréciation fin 2020 était de 10 %. Cette perte de valeur de la livre améliore, par ailleurs, le pouvoir d’achat des investisseurs étrangers. 

Les effets du Brexit sur l’industrie et les services financiers

Après l’adoption du référendum, plusieurs études avaient souligné le risque de destruction d’emplois au sein de secteurs fortement dépendants de l’Union européenne. L’emploi manufacturier a commencé à décliner à compter de 2018, en lien avec une production industrielle atone. 

Avant 2016, cette dernière tout comme l’emploi enregistrait des taux de croissance supérieurs à ceux de la zone euro. En revanche, même si certains transferts d’établissements vers l’Union européenne ont été médiatisés, l’emploi dans le secteur financier n’a pas été, jusqu’à maintenant, affecté par le Brexit. Il continue, entre 2017 et 2021, à augmenter plus vite qu’au sein de la zone euro. 

La croissance potentielle du Royaume-Uni devrait être entravée dans les prochaines années par une diminution, modeste mais réelle depuis 2016, des gains de productivité, et une immigration moins soutenue. Le Royaume-Uni attirait avant le Brexit de jeunes actifs qualifiés, employés notamment dans le secteur financier, et des actifs moins qualifiés qui contribuaient à abaisser le prix des services domestiques. Des déficits de main d’œuvre se font jour avec le début du déconfinement en particulier pour le personnel des restaurants et des hôtels. 

Il manquerait près d’un million d’actifs étrangers qui sont partis en raison du Brexit et de la crise sanitaire.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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