Chine- USA : Un accord peut-il masquer des désaccords ?

L’accord commercial entre les États-Unis et la Chine a été bien perçu par les investisseurs. Il évite l’application de nouveaux droits de douane et l’enclenchement d’une nouvelle escalade qui aurait été préjudiciable au commerce international et à la croissance. L’accord lève des hypothèques concernant la croissance chinoise qui a nettement faibli en 2019 à 6%, soit son taux le plus faible depuis 1990.

La guerre commerciale s’atténue mais laissera des traces. Elle a entraîné le report d’investissements vers d’autres pays asiatiques qui n’ont pas subi les foudres américaines. Elle a rendu encore plus nécessaire la transition d’un modèle de développement axé sur les exportations vers un modèle plus centré sur la demande intérieure. En 2019, la baisse des exportations vers les États-Unis a entraîné une forte baisse de la croissance de l’investissement, +3,1 %, ce qui constitue un des plus mauvais résultats depuis la réouverture de la Chine au monde en 1978.

Pour les États-Unis, les annonces concernant un volume supplémentaire de 200 milliards de dollars d’importations américaines en Chine devraient satisfaire le monde agricole. Selon plusieurs études, dont celle réalisée par le conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, la guerre commerciale a eu des impacts négatifs sur la croissance : « Les industries manufacturières américaines, les plus exposées à la hausse des droits de douane, enregistrent une diminution relative de l’emploi, l’effet positif lié à la protection contre les importations étant compensé par des effets négatifs plus importants, dus à la hausse des coûts des intrants et à la mise en place de tarifs en représailles. Les hausses de droits de douane s’accompagnent également de l’augmentation relative des prix à la production via le renchérissement du coût des intrants ». La poursuite de la guerre commerciale n’était donc pas souhaitable pour l’économie américaine.

Un accord pour gagner du temps

Donald Trump et Xi Jinping avaient besoin de signer un accord commercial, le premier afin de conforter la croissance d’ici l’élection américaine au mois de novembre, le second pour empêcher un passage en-dessous de 6 % du taux de croissance. De nombreuses ambiguïtés demeurent cependant. Ainsi, l’engagement de la Chine à accroître ses achats de produits américains ne porte que sur les deux prochaines années, l’engagement au-delà n’étant pas très clair. Le vice-Premier ministre chinois aurait indiqué que les achats de la Chine seraient fondés sur la demande du marché.

Plusieurs chausse-trapes

Les États-Unis ont décidé de démanteler les majorations intervenues en septembre et de ne pas en apposer de nouvelles. En revanche, la suppression des anciennes est renvoyée à « l’accord de phase 2 » qui reste à dessiner.

Le Président Donald Trump a déclaré que la conclusion de la phase « 2 » avec la Chine pourrait être reportée après les élections de 2020, dans l’idée que cela lui permettrait de négocier un meilleur accord pour les États-Unis. Les pays non parties-prenantes à l’accord pourraient être les premiers perdants.

La Chine pourrait diminuer les importations en provenance de l’Europe et des autres pays émergents. En matière agricole, des pays comme la France ou le Brésil pourraient en souffrir. Donald Trump, heureux de son accord avec la Chine, est tenté d’appliquer la même méthode avec les pays dégageant de forts excédents commerciaux avec les États-Unis. La zone euro est évidemment dans le collimateur des Américains. Les exportations allemandes, les exportations aéronautiques de voitures ou celles liées à l’agriculture sont les premières concernées.

Donald Trump a indiqué également son souhait de lancer une réforme l’Organisation Mondiale du Commerce. L’accord commercial entre la Chine et les États-Unis marque la victoire du bilatéralisme sur le multilatéralisme et du rapport de force, soulevant plus de questions qu’il n’en résout.

Il traduit également la reconnaissance d’un duopole au niveau de l’économie mondiale, les pays tiers étant contraints d’accepter les décisions des deux grandes puissances. L’Europe paie chère ses divisions et sa faible capacité à s’imposer au niveau international.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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