Jeudi dernier, quel jeudi faste pour Les Français de l’étranger, Karim Ben Cheïkh, le député des Français de la IXème circonscription, membre de la commission Finances de l’Assemblée nationale, a fait adopter par celle-ci un amendement signant le retour de la solidarité nationale pour la sécurité sociale des expatriés, la Caisse des Français de l’étranger.
Une initiative transpartisane
Tout commence, il y a près d’un an quand Karim Ben Cheick et Eleonore Caroit coorganisent une réunion entre le bureau de la CFE et des parlementaires des deux Assemblées.
L’objectif de cette rencontre était de sensibiliser les députés et sénateurs au statut de la CFE, ses missions et son mode de financement. En effet, on entend ici et là que la Caisse des Français de l’étranger est une entreprise privée, qu’elle est richement subventionnée. Mais qu’en est-il ?
Comme bon nombre de nos acteurs sociaux, en effet, la CFE est une entreprise de droit privé. Mais elle n’a pas d’actionnaire, elle est pilotée par un conseil d’administration composé d’élus locaux et nationaux, de représentants des affilés et bien sûr de son administration de tutelle soit la Sécurité sociale. Alors pourquoi un statut différent ? La principale raison, c’est l’autonomie de la CFE. En effet, cette dernière, à la différence de la branche maladie nationale, ne peut être en déficit et ne peut puiser dans les fonds publics pour se financer comme elle ne peut faire appel à l’endettement public.
Et pourtant, comme les Caisses départementales (CPAM), la Caisse des Français de l’étranger à des paradigmes identiques au service public. En effet, la CFE ne filtre pas ses affiliés, à la différence des assurances privées, il n’y a pas de questionnaire et quel que soit la maladie, un Français sera accepté sans condition. Et même mieux, si le foyer français ne dispose pas de revenus suffisants, les affiliés sont pris en charge dans la catégorie aidée.
"Notre ADN, c'est d'accepter tout le monde tout en veillant à notre équilibre financier".
Isabelle Frej – Président de la Caisse des Français de l’étranger
Après cette rencontre, les démarches ont été mises en pause pour cause de la dissolution. Depuis la prise en fonction des nouveaux élus, la présidente de la CFE, Isabelle Frej, a réactivé ce réseau avec la simple ambition de faire parler du cas de la Caisse des Français de l’étranger.
La CFE en danger ?
Autre bruit de couloir, nourri un peu plus par le chiffre important attaché à l’amendement soit 25 millions d’euros de financement pour de la CFE, celle-ci serait danger immédiat. Et contactée par notre rédaction, Isabelle Frej est affirmatif « Non, mais on ne peut pas continuer à augmenter les cotisations et/ou baisser les prestations pour pérenniser l’équilibre de la caisse ».
Car, on l’a vu plus haut, la CFE ne peut finir dans le rouge. Alors comment fait-elle ? Dotée par une caisse de prévoyance publique d’un large capital lors de sa création, la direction financière de la sécu des expats jongle entre les placements autorisés, le niveau de tarification et de remboursement et les services externalisés comme internalisés. Une situation qui ne peut être pérenne.
"La solidarité nationale doit être mieux partagée"
Isabelle Frej – Président de la Caisse des Français de l’étranger
Surtout que des dépenses liées à ses missions de services publics sont mal compensées par l’Etat jusqu’à présent. Pour exemple, la catégorie aidée est prise en charge à hauteur de 700 000 euros (380K€ de crédits votés et le delta sur les reliquats des autres budgets sociaux dédiés aux Français de l’étranger) en 2024 pour un coût de 4 300 000 euros. C’est donc ces injustices qui font porter le poids de la solidarité nationale aux seuls affiliés de la CFE que l’amendement défendu par Karim Ben Cheïkh veut corriger.
Pérenniser l’autonomie de la CFE
Mais donner un cadre pérenne à la Caisse des Français de l’étranger, la direction ne veut pas simplement faire appel à la solidarité nationale. Car elle a les moyens de prospérer seule si son cadre réglementaire lui est adapté. Pour permettre de penser cette réforme sereinement, le financement exceptionnel, voté jeudi 31 octobre, viendrait compléter les efforts de l’entreprise pour commercialiser ses offres.
Car si elle n’est pas une administration, elle en subit, en partie, les règles. Alors que la CFE dispose de larges réserves, qui la préservent donc d’un défaut rapide que les mauvaises langues anticipent, qu’elle pourrait placer dans une gamme de produits financiers sécurisés mais plus rémunérateurs que ceux actuellement autorisés par les règles administratives
Autre point qui grève l’avenir financier de la CFE, la gestion des contrats contractés avant 2019. En effet, la loi prévoit qu’à ces derniers ne pourront pas être réévalués dès 2025 écoulée. Mais comment financer la couverture de contrats qui ne sont plus indexés sur le barème de la sécurité sociale et qui ne prend pas en compte l’explosion des coûts de santé dans le monde.
Pour ces deux points, il faudra mobiliser les parlementaires, un défi qu’Isabelle Frej est prête à relever avec l’équipe de la CFE. Mais déjà, avec les députés concernés, la Caisse des Français de l’étranger va continuer son travail de sensibilisation afin d’accompagner cet amendement tout au long du parcours législatif qui l’attend. Car si elle a été adopté en commission, il doit l’être aussi en séance plénière de l’Assemblée nationale (le 12 novembre), au Sénat et survivre à un éventuel 49.3 en étant repris par le gouvernement. Mais comme nous le précise, Isabelle Frej, « quel que soit le résultat, la CFE a été entendue cette année ». Espérons qu’elle soit plus qu’entendue.