Lors de son discours devant l’Assemblée nationale mardi, le Premier ministre a révélé que des brigades d’enquêteurs allaient travailler à l’identification des personnes ayant été en contact avec les malades du coronavirus et accompagner celles-ci jusqu’au dépistage.
L’heure du dépistage massif de la population, permettant de se faire une meilleure idée de la pénétration du coronavirus au sein de celle-ci et d’isoler et traiter au plus vite les malades, approche. Mais le Premier ministre, qui l’a annoncé mardi devant l’Assemblée nationale en présentant son plan de déconfinement à compter du 11 mai, a aussi expliqué qu’il faudrait encore aller plus loin pour briser les chaînes de transmission et prendre de vitesse la maladie.
« Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent bien lieu à l’application correcte de la doctrine nationale », a posé Edouard Philippe sous le Perchoir.
Transmissible deux jours avant que l’individu infecté ait manifesté le moindre signe suspect, puis plusieurs jours après l’extinction de ces symptômes, le très volatile coronavirus se taille en effet, au sein de ces « cas contacts », une armée de réserve: chacune des personnes croisées par le patient peut à son tour propager la maladie autour d’elle, bien sûr inconsciente du danger qu’elle représente.
Traçage et explications
Les occupations assignées par le chef du gouvernement et les circonstances à ces « brigades » sont donc de quatre ordres: retracer les personnes ayant interagi avec le patient dont la contamination est désormais avérée, les contacter, leur expliquer la situation, les accompagner vers le test puis une éventuelle quarantaine stricte au sein de leur logement ou d’un hôtel réquisitionné à cet effet.
Dans son avis du 20 avril dernier, le Conseil scientifique appelait déjà à la création d’un « service professionnalisé de santé publique » qui a visiblement fourni son patron au dispositif décrit par Edouard Philippe. Le texte en définissait ainsi les contours: « Un système efficace s’appuyant sur la médecine de ville, des plateformes numériques, et des équipes mobiles pour identifier les cas suspects et les orienter vers des structures de test. »
Quant aux profils impliqués, le Conseil scientifique précisait que ces équipes « pourront être constituées par la mobilisation de médecins, de personnels paramédicaux, de volontaires et de personnels à recruter ». Se penchant sur cet organisme dont la gestation arrive à terme, Le Figaro a encore affiné l’échographie, listant, à côté des soignants libéraux, des personnels de l’Assurance Maladie, des agents des départements, des centres communaux d’action sociale ou encore des employés dépendant des mairies.
COVISAN
A vrai dire, l’initiative pourra déjà s’ajuster sur un mètre-étalon. Si, dans les premiers jours de la crise, l’agence Santé Publique France missionnait déjà des épidémiologistes, leur demandant de contacter les malades pour les conduire à se souvenir de leurs trajets, activités et discussions jusqu’aux jours précédant l’apparition du mal, le plus vieux quotidien de France note qu’un projet d’une autre ampleur est mené depuis quinze jours en Île-de-France: le projet COVISAN.
Celui-ci a été mis sur les rails par l’AP-HP et associe des médecins, des infirmiers, des pharmaciens, biologistes de ville, collectivités territoriales, Croix rouge et entreprises. Les équipes de COVISAN enquêtent sur les fréquentations du contaminé, les identifient et les joignent. Le cas échéant, ils peuvent se déplacer, par deux, pour se porter au domicile concerné afin d’encourager le dépistage et l’isolement des personnes infectées ou encore distribuer du matériel de protection.
Jusqu’à 30.000 personnes
Un tel dispositif n’est pas un cas isolé dans le monde ni une fulgurance française: en Corée du sud, par exemple, 20.000 personnes s’échinent à mettre au propre parcours et emplois du temps des malades et à contacter les potentiels contaminés. Les effectifs engagés varient cependant selon les pays appliquant cette politique. Jean-François Delfraissy, qui pilote le Conseil Scientifique, avait glissé mi-avril lors d’une audition devant le sénateurs, relayée ici par La Croix, que le système d’une brigade d’enquête pourrait mobiliser jusqu’à « 30.000 personnes ».