Censure du gouvernement ! Et maintenant ?

Censure du gouvernement ! Et maintenant ?

L’Assemblée nationale a démis le gouvernement de ses fonctions. Une majorité de députés devraient voter la motion de censure du gouvernement qui sera examinée mercredi. En conséquence, le budget de la sécurité sociale, loi de finance sur laquelle Michel Barnier a décidé d’engager sa responsabilité, sera rejeté. Mais, cette situation, que le pays n’avait pas connue depuis 1962, entraînera de nombreux blocages. On les détaille pour les Français de l’étranger qui seront eux aussi frappés par ces conséquences.

49.3, Mention de censure, Kezako ?

Pour ceux qui ne souviennent plus de notre constitution, on fait un petit point rapide de droit constitutionnel. En France, le pouvoir est incarné par le Président de la République mais si ce dernier préside, c’est, comme la Vème constitution le précise, le Premier ministre qui gouverne. Nommé par le premier des Français, le locataire de Matignon est cependant responsable devant les élus de la Nation.

Ainsi, le gouvernement ne peut exercer pleinement ses fonctions sans la confiance d’une majorité de députés. Et vous le savez, les Français ont décidé d’envoyer une assemblée divisée au Palais Bourbon en juillet dernier. En pleine crise budgétaire, alors que les députés ne semblaient pas enclins à suivre la proposition de loi de Finances sur la Sécurité sociale, Michel Barnier a décidé de dégainer l’article 49.3 de la constitution.

Ce mécanisme permet au gouvernement de faire passer une loi sans vote à la condition qu’aucune motion de censure ne soit adoptée par une majorité de députés. Et c’est donc ce pari que le Premier ministre issu du groupe Les Républicains a pris ce lundi 02 décembre. Un pari qui s’annonce perdu, le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national ayant annoncé leur décision de la voter.

Un Shut Down à l’américaine ?

La France n’aura donc plus de Premier ministre, à partir de mercredi, et pas de budget pour l’année 2025. Beaucoup, marqués par les « Shut Down » vécus par le gouvernement fédéral américain a plusieurs reprises, imagine le pire.

Mais non, la France n’est pas les USA. En effet, dans un tel cas, l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances permet au nouveau Premier ministre, ou à l’actuel, M. Barnier alors démissionnaire (au titre de la gestion des affaires courantes), comme G. Pompidou à l’automne 1962, de déposer, avant le 19 décembre, un projet de loi de finances spécial permettant de percevoir les impôts existants, les dépenses étant ouvertes par décrets du Premier ministre, sur la base des crédits votés (reconduction des crédits de paiement de l’exercice 2024). Évidemment, un tel projet devrait être adopté, en l’espace de quelques jours, comme ce fut le cas en décembre 1979, dans des circonstances totalement différentes, par le Parlement, afin de permettre la continuité de la vie nationale.

Si, au soir du 31 décembre, malgré ces diverses possibilités, aucun projet de loi de finances n’était adopté, il ne resterait plus que deux portes de sortie : soit ressusciter, avec l’accord du Conseil constitutionnel, le vieux système des douzièmes provisoires, que ni la Constitution, ni la LOLF ne prévoient, soit réactiver une disposition constitutionnelle endormie depuis plus de 60 ans : l’article 16 de la Constitution, car la situation internationale, notre défense, et le fonctionnement de l’État l’exigeraient. Le recours à l’article 16 de la Constitution serait la solution la plus extrême et demeure une hypothèse sans garantie d’acceptabilité juridique.

Quant à la démission du Chef de l’État, que certains prônent depuis les plateaux des chaînes d’informations en continu, bien que sa portée politique soit évidente à la lumière de la crise du 6 février 1934, elle ne résoudrait en aucun cas l’équation financière.

Mais des conséquences concrètes pour tous

Si la situation amène à reconduire le budget 2024, mécaniquement 380 000 foyers français supplémentaires seront assujettis dans l’impôt sur le revenu, parce que le barème n’aura pas suivi l’inflation, et 17 millions de Français paieront plus également. Parmi les foyers potentiellement impactés, il y a tous les Français de l’étranger qui ont choisi de ne pas activer, pour leurs revenus imposables en France, l’option fiscale du prélèvement forfaire au profit d’un alignement sur les barèmes des résidents.

Parmi les autres conséquences avancées par les ministres au fil de ces derniers jours, on notera l’annulation de d’augmentation des budgets des ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Armées ou des moyens alloués à la direction des Français de l’étranger.

Aussi, il n’y aura pas de nouvelles mesures en faveur des agriculteurs non plus. Exit aussi les nouvelles mesures fiscales comme la contribution des grandes entreprises et des très hauts revenus. 

Cependant, les conséquences du rejet du budget de la Sécurité sociale sont plus incertaines. En effet, il n’y a rien dans les textes, ni dans la Constitution, ni dans la loi organique pour encadrer cette situation. En tout état de cause, un rejet aurait une conséquence directe : les nouvelles mesures, celles qui sont prévues dans son édition 2025, comme la revalorisation des retraites et la baisse des exonérations patronales, ne pourraient pas s’appliquer.

Interrogé par LCP, le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, Yannick Neuder (Droite républicaine), met lui aussi en garde contre les conséquences de cette impossibilité d’emprunter sur les marchés financiers : « Sans PLFSS, il n’y a pas d’article 13, et sans cet article 13, il n’y a pas de budget pour les hôpitaux, plus de financement pour les retraites, plus de remboursement des soins pour les patients. » Et le député de prévenir que sans nouvel emprunt, l’Acoss et la CNRACL ne disposeraient que de deux ou trois mois de trésorerie. Il faut aussi oublier les amendements sur la CFE et pour les bourses scolaires… Enfin, Sophie Primas devra elle aussi quitter ses fonctions de Ministre déléguée aux Français de l’étranger, sauf surprise. Elle n’aura pas eu le temps de déployer son programme.

Auteur/Autrice

  • Américain par accident (sa mère accoucha de façon prématurée lors d'un voyage professionnel), Eric Victorien décida d'aller rejoindre ce pays qu'il ne connaissait pas à sa majorité. Il participa même à des émissions de télé-réalité. Aujourd'hui, il anime un programme radio à Los Angeles et est correspondant du site Lesfrancais.press.

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