Ce qu’il faut retenir du discours de politique générale de Michel Barnier

Ce qu’il faut retenir du discours de politique générale de Michel Barnier

Le Premier Ministre, Michel Barnier a prononcé son discours de politique générale devant les députés. Directement ou indirectement, les propos tenus par le chef du gouvernement à l’Assemblée nationale auront aussi un impact sur la vie des Français de l’étranger. Surtout que la situation financière est explosive, alors que le déficit risque d’atteindre 6% du PIB cette année.

Ce discours de politique générale était attendu. Pendant près d’une heure et demie, ce mardi 1er octobre, Michel Barnier a dévoilé devant l’Assemblée nationale les grandes orientations de la politique de son gouvernement, principalement composé de macronistes et de représentants des Républicains.

Dépenses publiques et recettes

Le Premier ministre a notamment évoqué la réduction des dépenses publiques, mais aussi sa volonté de maîtriser davantage l’immigration. Il a aussi, à plusieurs reprises, prôné la simplification des démarches administratives et des normes. Certaines de ces mesures dépasseront les frontières et auront donc des impacts sur les expatriés. Lesquelles ?  

Réduction des dépenses publiques pour les expatriés ?

Réduire les dépenses de l’Etat, c’est également diminuer les crédits accordés aux actions en faveur des expatriés. En effet, les programmes spécifiques appelés « 151 », pour ce qui concerne l’action consulaire et programme 185 qui lui, englobe tous les outils dédiés au rayonnement français à l’étranger, pourraient donc être touchés. Derrière ces numéros, ce sont par exemple le nombre d’agents dans les consulats, ou les ambassades qui peuvent être visés. Ce sont également le montant des bourses scolaires pour aider les enfants de nos compatriotes à intégrer le réseau des lycées français qui pourraient donc être aussi affectés.  Une possible réforme des critères d’attribution est-elle déjà enterrée ? 

Puisque Michel Barnier a aussi demandé à ce que des efforts de productivité soient inclus dans les services publics, les ambassades et les représentations de la France à l’étranger seront sans doute incluses dans cette volonté affichée par le Premier Ministre. C’est aussi en misant sur ce pari de la mutualisation que Business France (agence publique qui aide les entreprises françaises à s’exporter) et Atout France (agence de développement touristique de la France) ne feront, apparemment, plus qu’un prochainement.

Au niveau culturel, c’est également le réseau des Alliances françaises qui pourraient voir leurs fonds diminuer. Comment, dès lors, d’un côté souhaiter un service public de qualité et de l’autre baisser les crédits ? La réponse du Premier Ministre réside dans une amélioration de la dépense publique.

Effort fiscal pour les entreprises aux « profits importants » et « les Français les plus fortunés »

Michel Barnier s’est engagé pour la « réduction de notre double dette budgétaire et écologique ». « La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale, 3.228 milliards d’euros », a-t-il estimé. Le Premier ministre s’est donné pour objectif de « ramener le déficit de notre pays à 5% (du PIB, NDLR) en 2025 » et 3% en 2029.

Pour cela, le chef du gouvernement a promis de réduire les dépenses publiques, avec « une attention particulière aux plus fragiles » et « avec les collectivités locales » toutefois. Il veut aussi des dépenses publiques plus « efficaces », promettant par exemple une « chasse aux doublons » et aux « fraudes ». Michel Barnier a également annoncé « une participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants » et une « contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés ». On risque de voir ressurgir la chasse aux expatriés que l’imaginaire collectif perçoit comme forcément nanti.

Fiscalité : un appel à l’expatriation ?

Sur ce point, les Français de l’étranger sont donc également impliqués. « Mieux dépenser », c’est aussi lutter contre les fraudes fiscales ou sociales. L’ancien Premier Ministre Gabriel Attal avait lancé un plan d’action pour sécuriser l’utilisation de la carte Vitale. Michel Barnier poursuivra cette politique, à l’intérieur, et aussi à l’extérieur du territoire. Il sera donc impératif d’avoir un compte avec un IBAN FR pour percevoir toutes aides ou pensions venant de France.

La fiscalité fait aussi l’objet d’une attention du nouveau gouvernement. La hausse des impôts d’ores et déjà programmée pour les personnes les plus riches, et vivant en France, encouragera-t-elle l’expatriation ? Les premières semaines apporteront des réponses. 

Michel Barnier a déclaré vouloir accompagner les particuliers à faciliter la rénovation des bâtiments, et donc de leur logement. Mais les Français de l’étranger ayant une résidence en France, pourront-ils bénéficier de ces aides ? Le statut de la résidence de repli ou d’attache s’intégrera-t-il dans les prochains dispositifs ou sera-t-il encore parmi les oubliés ?

« Des aménagements raisonnables » de la réforme des retraites

Michel Barnier appelle à « reprendre le dialogue » sur la réforme des retraites, adoptée en 2023 malgré une vive opposition des syndicats. Le chef du gouvernement veut « réfléchir à des aménagements raisonnables et justes » de la réforme avec les partenaires sociaux.

« Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir », a-t-il déclaré devant l’Assemblée nationale.

La réforme de l’assurance chômage renvoyée aux partenaires sociaux

Le Premier ministre Michel Barnier a redonné mardi la main aux syndicats et au patronat pour négocier « sur notre système d’indemnisation du chômage » ainsi que sur « l’emploi des seniors », enterrant du même coup la réforme de l’assurance chômage prévue par le gouvernement Attal.

Les partenaires sociaux « sont les mieux placés pour apporter des solutions », a estimé le chef du gouvernement lors de son discours, demandant que cette négociation s’ouvre « dès les prochaines semaines », alors que les règles actuelles d’indemnisation des demandeurs d’emploi ont été prolongées par décret jusqu’au 31 octobre.

Michel Barnier a par ailleurs annoncé mardi une revalorisation du Smic de 2% « dès le 1er novembre par anticipation de la date du 1er janvier ». Il a aussi promis des « négociations rapides » dans les branches où les minima sont encore inférieurs au Smic.

Réconcilier les Français

Michel Barnier est un Premier ministre qui prend ses fonctions alors que le pays est divisé et que les incompréhensions sont nombreuses. Il a tenu à rassurer sur les positions sociétales et sur la volonté du gouvernement de faire évoluer notre façon de vivre ensemble en renforçant l’implication des citoyens.

Consultation annuelle ! Et les expatriés ?

Le Premier Ministre a appelé à organiser une fois par an une journée nationale de consultation citoyenne. Dans son discours il a donné la possibilité de voir s’ouvrir les mairies pour organiser des débats. Les consulats de France à l’étranger pourront-ils également accueillir les expatriés pour débattre et proposer au législateur et au gouvernement des mesures pour aider nos compatriotes hors de France ? Pourquoi nos expatriés seraient-ils exclus de ces consultations ?

« Une réflexion » à venir sur la proportionnelle

Dans un moment de grande tension politique, « nous avons besoin d’une nouvelle méthode », a estimé Michel Barnier, qui compte demander à son gouvernement de « s’appuyer sur le travail parlementaire ». Le Premier ministre a aussi promis « écoute » et « respect » à toutes les formations politiques de l’Assemblée nationale, alors que le Rassemblement national, dont les voix pourraient faire adopter une motion de censure, a placé le gouvernement « sous surveillance ».

Marine Le Pen au pupitre de l’Assemblée nationale après le discours de Michel Barnier, le 1er octobre 2024. ©JULIEN MUGUET/AFP
Marine Le Pen au pupitre de l’Assemblée nationale après le discours de Michel Barnier, le 1er octobre 2024. ©JULIEN MUGUET/AFP

Michel Barnier s’est aussi dit « prêt à une réflexion sans idéologie sur le scrutin proportionnel » pour les élections législatives, réclamé par une partie de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le Modem.

« J’ai bien entendu les appels à davantage de représentativités », a assuré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Sans entrer dans le détail, il a relevé que ce mode de scrutin était « déjà mis en œuvre au Sénat et dans les collectivités et pratiqué, à des degrés différents d’ailleurs, chez beaucoup de nos voisins ».

Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie

Michel Barnier a annoncé que les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie seront reportées « jusque fin 2025 » et que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, à l’origine des émeutes qui ont enflammé l’archipel, ne « sera pas soumis au Congrès ».

Le Premier ministre s’est dit désireux de s’impliquer « personnellement » dans ce dossier. « Une mission de concertation » conduite par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se rendra sur place « prochainement ». « Une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d’un consensus politique sur son avenir institutionnel », a-t-il encore dit.

 « Aucune remise en cause » à venir du droit à l’IVG ou du mariage pour tous

Le Premier ministre a également donné certaines de ses « lignes rouges »: « il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme », a-t-il promis. « Aucune tolérance » à l’égard des « violences faites aux femmes », du communautarisme, « aucun accommodement sur la défense de la laïcité » non plus.

Son gouvernement comporte des ministres qui s’étaient opposés à certaines avancées sociétales. C’est par exemple le cas de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, qui a mené la bataille contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution, ou de Laurence Garnier, secrétaire d’État à la Consommation qui s’était opposée au mariage pour tous.

Sur ces points, Michel Barnier a promis qu’il n’y aura « aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans », en listant notamment le droit à l’IVG, le mariage pour tous et la PMA pour toutes.

« Des peines de prison courtes » pour certains délits

Le Premier ministre a dit sa volonté de « réduire les délais de jugement ». Il a aussi promis de « construire réellement des places de prison », alors que la densité carcérale globale s’établit à 127,3% dans les maisons d’arrêt, selon des chiffres du ministère de la Justice publiés lundi. Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record au 1er septembre, avec 78.969 personnes incarcérées contre 78.397 le mois précédent.

Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale durant le discours de politique générale de Michel Barnier, le 1er octobre 2024. JULIEN MUGUET
Bruno Retailleau à l’Assemblée nationale durant le discours de politique générale de Michel Barnier, le 1er octobre 2024. ©JULIEN MUGUET/AFP

Une construction d’autant plus nécessaire que Michel Barnier souhaite proposer « des peines de prison courtes » pour certains délits et une « limitation » des « possibilités » d’aménagement de peines. Le Premier ministre entend également « stopper la violence des mineurs », avec une réflexion sur des « atténuations » de l’excuse de minorité ou encore sur une procédure de comparution immédiate pour les plus de 16 ans « déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes ».

Il a néanmoins rappelé la nécessité du « respect de l’État de droit », alors que son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a suscité de nombreuses critiques au sein du camp présidentiel et à gauche après avoir déclaré que l’État de droit n’était « pas intangible, ni sacré ».

La santé mentale, « grande cause nationale » de 2025

Michel Barnier veut faire de la santé mentale « la grande cause nationale de l’année 2025 ». « Les problèmes de santé mentale touchent un Français sur cinq, particulièrement les jeunes », insiste le Premier ministre. « Les maladies psychiques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie. »

Or « ces maladies se soignent et la prévention est essentielle », rappelle le chef du gouvernement. Si Michel Barnier évoque les progrès de la recherche en la matière, il estime qu’il y a encore beaucoup à faire « dans les modes d’accompagnement des malades et des aidants ».

La France dans le monde

Évidemment, Michel Barnier a aussi évoqué la situation internationale. Il en a profité pour annoncer la relance de la guerre des visas pourtant mise en pause grâce, en partie, au combat du député des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, Karim Ben Cheikh.

Des restrictions de visas plus importantes pour certains pays

Les politiques migratoires et d’intégration ne sont plus maîtrisées de « manière satisfaisante », a estimé le Premier ministre devant l’Assemblée nationale. Alors que la faible exécution des obligations de quitter le territoire français est revenue dans l’actualité avec l’affaire du meurtre de Philippine, Michel Barnier a déclaré envisager de restreindre « davantage » les visas pour les pays qui se montrent réticents à accueillir leurs ressortissants expulsés.

Dans ce cadre, le Premier ministre veut également « faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière ».

Karim Ben Cheïkh
Karim Ben Cheïkh

La France doit tenir son rang en Europe

C’est le message que Michel Barnier a martelé lorsqu’il a évoqué l’Union européenne.

Ainsi pour le Premier ministre, les « grands chantiers » qu’il vient de développer devant l’Assemblée nationale « doivent nous permettre de répondre sincèrement, sérieusement à une partie des défis de notre pays ». «Une méthode le dialogue et le respect. Cinq chantiers. Je sais qu’il y en a d’autres », a-t-il reconnu, sur la fin de son discours, avant que l’ancien négociateur en chef pour l’Union européenne sur le Brexit évoque « l’influence française ».

« Cette influence se construit patiemment en défendant nos intérêts, sans arrogance et en prêtant de l’attention à tous nos partenaires », a-t-il estimé. Pour M. Barnier, « l’influence de la France en Europe, dépend aussi de vous, députés de la Nation ». « Il faut que vous soyez précisément informés de ce qui se fait à Bruxelles », a-t-il mis en garde.

Appel à la paix et maintien de l’effort militaire

Au sujet de la situation au Proche-Orient, Michel Barnier a de nouveau appelé « à un cessez-le-feu à Gaza ». « Nous pensons à tous les otages dont nous exigeons la libération et parmi eux, nos compatriotes. Mais nous pensons aussi à toutes les victimes civiles palestiniennes », a-t-il déclaré. Pour le premier ministre « la clé de la paix et de la stabilité durable dans cette région repose sur une solution à deux Etats ».

Concernant la situation au Liban, M. Barnier souhaite « faire cesser au plus vite les hostilités qui menacent gravement la stabilité de toute cette région ».

« Face à ces conflits, face à l’instabilité persistante et grave tout autour de nous, face à toutes les menaces hybrides, l’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi », a-t-il déclaré, faisant ainsi référence à la loi de programmation militaire pour les années 2024-2030.

Auteurs/autrices

  • L'AFP est, avec l'Associated Press et Reuters, une des trois agences de presse qui se partagent un quasi-monopole de l'information dans le monde. Elles ont en commun, à la différence de son prédécesseur Havas, de ne pas avoir d'actionnaire mais un conseil d'administration composé majoritairement d'éditeurs de presse.

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  • Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press

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  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

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