Au Royaume-Uni depuis quelques semaines les rayons des supermarchés sont vides. Des milliers de cochons sont abattus à cause du manque de bouchers, le secteur de la volaille craint de ne pas pouvoir répondre à la demande à Noël . Certains fast-foods et les stations-service sont les derniers touchés par les pénuries. Ce qui occasionne une certaine panique chez les automobilistes. Et les rayons se vident au fur et à mesure, ce qui oblige les restaurants à modifier les menus.
La situation s’explique en partie par une pénurie de chauffeurs routiers principalement à cause du Brexit, qui a fermé les portes du pays à de nombreux travailleurs européens.
Ce qui a incité Londres à réagir dimanche dernier en promettant la délivrance de visas temporaires pour 5 000 camionneurs étrangers et 5 500 employés des abattoirs de volailles. Mais certains conducteurs ont jugé trop courte la durée de résidence accordée.
Selon Elvire Fabry, chercheuse senior spécialiste des politiques commerciales à l’Institut Jacques Delors, la sortie du pays de l’Union européenne a engendré “une perte d’attractivité pour les chauffeurs puisque l’activité est devenue plus coûteuse et moins fluide ». L’application du Brexit dur, avec la fin du marché unique et de la liberté de circulation, a rendu les itinéraires vers le Royaume-Uni beaucoup moins rentables.
Visas
Au début, le Royaume-Uni avait choisi de restreindre les octrois de visas. C’est pourquoi la main d’œuvre partie du pays pendant les confinements n’a pas pu revenir parce qu’elle est souvent étrangère, ce qui donne lieu à une perte d’activité. Mais face à ce blocage, le gouvernement de Boris Johnson a dû assouplir au moins temporairement sa ligne en matière d’immigration.
Par conséquent le gouvernement de Boris Johnson a précisé qu’il accorderait aux chauffeurs de camion-citerne 300 visas immédiatement, valables jusqu’à fin mars 2022. Les 4 700 autres seront valables de la fin octobre à la fin février. Un revirement politique complet pour le Premier ministre, qui refusait jusqu’alors catégoriquement de se tourner vers l’immigration.
Selon Antoine Aurélien, directeur de l’Observatoire du Brexit, la politique migratoire a été manipulée pour aboutir au Brexit, sans penser aux conséquences.
Impression de vide
Sara, une Londonienne, ne parlerait pas de pénuries, “mais il y a moins de stock donc ça donne une impression de vide. Dans mon supermarché, des vitrines frigorifiques sont vides, car ils ont regroupé les produits dans moins d’espaces. J’ai remarqué aussi qu’ils remplissent les rayons à des heures inhabituelles, comme si les livraisons étaient irrégulières.”
Dans une cantine scolaire
Gilles travaille dans une cantine dans un lycée ( high school) et dans un hôtel et “dans les deux cas il y a énormément de produits qui ne sont pas disponibles ou en rupture de stock. Pour le lycée j’ai passé des commandes fin juillet pour des croissants et pains au chocolat et je ne les ai toujours pas reçus.”
Il y a plus d’hostilité envers les étrangers depuis le Brexit
Renée-Jeanne qui est aussi à Londres explique qu’elle a souffert l’humiliation de faire sa demande de Settled Status en Angleterre, « alors que je suis résidente depuis 46 ans. Fière d’être française, je n’ai jamais voulu obtenir de l’Etat d’être britannique, car il faut devenir un sujet de la Reine ! Venant d’un pays républicain je n’accepterai jamais cela par principe. Les Anglais ont toujours été insulaires, mais il y a depuis le Brexit plus d’animosité et d’hostilité envers les étrangers. La presse de droite est aussi très antagoniste. Je suis installé ici depuis si longtemps, à la retraite maintenant, une partie de ma famille ici, y compris mes petits-enfants qui ont la double nationalité, j’ai ma maison, mes amis, je ne pense pas rentrer en France définitivement, bien que j’ai beaucoup de famille en Bourgogne, Paris et dans le sud de la France, Auch et Toulouse. Cela m’a fait très mal au cœur que tant de Brits aient voté pour le Brexit. Je pense qu’ils commencent déjà à le regretter.”
Même constat chez Emmanuelle qui habite en Angleterre depuis 23 ans et “c‘est la première fois que je ne me sens pas la bienvenue ici. Oui, un regard différent sur les étrangers, alors que j’étais si fière d’avoir fait ma vie ici en tant que Française scientifique au Royaume-Uni. Et maintenant amenés à justifier notre présence ici, dépenser £4,000 et faire des tests pour les dossiers de naturalisation britannique (mon mari et moi). Et aussi, une France qui ne sait plus comment nous considérer en tant que Français vivant à l’étranger. Que va-t-il se passer pour nos retraites si on veut rentrer plus tard? Bientôt ma sœur et ses enfants ne pourront plus venir nous voir sans payer des frais supplémentaires de passeports et remplir des formulaires« .
Mes enfants qui se sentent partagés entre 2 pays, seront-ils libres de faire leurs études ou des stages en France ? Très triste cette situation, surtout qu’on ne nous a même pas demandé notre avis, à nous, ceux qui sont probablement le plus affectés par ces décisions.”
Le Brexit divise notre famille
Pour Chris qui habite à Cambridge depuis 20 ans, le Brexit fait une énorme différence : « On a changé de pays ! Je peux vous en parler, mais après 20 ans ici (j’ai une famille franco brits) et le fait que je me suis sentie chez moi ici pendant aussi longtemps, je peux vous dire que je suis assez remontée ! Pour moi, le pays que j’aimais s’est effondré… ma famille a été victime de racisme, même à Cambridge, tellement de choses ont changé, l’ambiance et la confiance particulièrement… Pour moi, nous n’avons rien vu du Brexit… c’est maintenant que cela va vraiment commencer et je suis assez inquiète effectivement !”
Les expatriés au Royaume-Uni commencent maintenant à voir les effets du Brexit, mais combien de temps ces pénuries vont-elles durer ?
Si le Brexit devait avoir un sens, ce serait d’entraîner un changement dans le modèle économique. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Ce Brexit met à rude épreuve le flegme britannique !
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