Alors que la scène politique française demeure instable, certains dossiers continuent à avancer. C’est ainsi le cas des Assises de la protection sociale des Français de l’étranger. Parmi les priorités examinées dans le cadre de cette réflexion, figure l’avenir de la Caisse des Français de l’étranger (CFE). Un webinaire consacré à l’évaluation du modèle économique de cet organisme s’est tenu cette semaine. En voici les principaux enseignements.
CFE : le rapport de l’IGAS-IGF
Depuis plusieurs mois le futur de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) est au cœur de nombreux débats. La situation budgétaire inquiète, et le modèle de sécurité sociale des expatriés évolue, sans avoir, pour l’heure, trouvé son point d’équilibre. Plusieurs initiatives ont été prises pour faire des propositions. L’une d’entre elles a été de missionner l’IGAS (Inspection générale des Affaires sociales) conjointement à l’IGF (Inspection générale des Finances) pour une analyse de situation financière couplée la présentation d’axes de réformes.
« Malgré la période politique compliquée (…) nous sommes motivés pour faire aboutir ces travaux »
Florian Bohème, Président commission des Affaires sociales, AFE
C’est donc ce rapport qui a été présenté cette semaine lors d’un webinaire organisé dans le cadre des Assises de la protection sociale de nos compatriotes établis hors de France. Alors ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, Laurent Saint‑Martin était présent. Il transmettra sans aucun doute les éléments d’information à la personne qui lui succédera. Anticipant les mouvements gouvernementaux, Hélène Degryse, présidente de l’AFE (Assemblée des Français de l’étranger), et Florian Bohème, président de la Commission des Affaires sociales de cette assemblée, tous deux coordonnant ces Assises, avaient déclaré à l’unisson, en ouverture de la réunion, que « malgré la période politique compliquée (…) nous sommes motivés pour faire aboutir ces travaux. »
CFE : des tarifs qui ne couvent pas le déséquilibre financier
Après avoir partagé un bilan des activités des dernières années, notamment depuis la réforme de 2018, les représentants de l’IGAS et de l’IGF ont mis l’accent sur le futur. Parmi les éléments à retenir sur les actions passées, entre 2010 et 2024, la CFE est passée d’une logique de souscriptions d’entreprises à des adhésions individuelles. La part des contrats collectifs représente ainsi un tiers du portefeuille en 2024, contre 50 % en 2010. Sur la même période, la proportion d’assurés de plus de 60 ans est passée de 13 % à 19 %, alors même que l’un des objectifs affichés était le rajeunissement de la population assurée. Rappelons toutefois que la CFE n’opère ni sélection médicale ni critère d’âge à l’adhésion.
Aujourd’hui, pour résumer la situation, notamment financière, telle que publiée dans le rapport IGAS‑IGF, « le déséquilibre structurel des contrats individuels en santé ne permet pas de couvrir les frais de gestion » et « le niveau des tarifs fixé par le conseil d’administration n’a pas permis de résorber ce déséquilibre au cours des années récentes, malgré les revalorisations décidées pour 2024 et 2025 ». Le constat est alors le suivant : « les fonds propres de la CFE ont baissé de 20 % entre 2018 et 2023. » Mais, la Caisse des Français de l’étranger dispose d’atouts pour son futur et ses affiliés, comme le souligne ce même rapport « La CFE dispose d’un positionnement unique au sein d’un marché concurrentiel, avec une offre sans équivalent ». Alors que faire pour garantir l’avenir de la sécurité sociale des expatriés ?
Quelles réformes pour la Caisse des Français de l’étranger ?
Outre ce constat, la mission confiée à l’IGAS-IGF demandait à ces inspecteurs d’émettre des hypothèses d’évolution de la CFE. Pour les services de l’État, « une réforme paramétrique construite autour du triple objectif de rentabilité, d’équité et de performance » est nécessaire, tout en maintenant « les principes fondamentaux de la CFE : absence de sélection médicale ou liée à l’âge, continuité avec la sécurité sociale française », qui conserverait ainsi son principe de solidarité.
« La CFE dispose d’un positionnement unique au sein d’un marché concurrentiel, avec une offre sans équivalent »
Rapport de l’IGAS-IGF
Ainsi, ce rapport plaide pour une « convergence tarifaire progressive entre 2026 et 2028 vers la cible de cotisation des nouveaux contrats », avec également la mise « en place un plafond annuel de prise en charge de dépenses de santé la première année, voire les deux premières années d’adhésion, sauf pour les adhérents en continuité avec le régime général. » L’organisation de la CGE est aussi visée, avec la proposition d’une nouvelle dynamique et « renforcer la place des employeurs dans la gouvernance, en accordant plus de sièges aux entreprises au sein du Conseil d’Administration et inclure le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) parmi les tutelles. »
« La CFE accuse un retard dans la numérisation des outils et procédures »
Rapport de l’IGAS-IGF
Enfin, parmi les évolutions envisagées, celui de la relation avec l’assuré. « Le renforcement du service rendu au client est également un élément clé pour rester compétitif sur le marché des contrats collectifs et fidéliser le portefeuille de clients » indiquent les rapporteurs. Dans ce cadre, la mission de l’IGAS-IGF propose aussi de « développer une culture de service aux adhérents, et en particulier mettre en place des interlocuteurs et des contacts téléphoniques dédiés aux entreprises. »
Or, le rapport souligne qu’aujourd’hui « dans un contexte de hausse des coûts de santé, le marché de l’assurance santé internationale est de plus en plus concurrentiel », et « alors qu’il devient difficile de proposer des prix bas, la compétitivité se joue sur la qualité du service client et la transformation numérique : la CFE accuse un retard sur ces deux dimensions. »
D’autres pistes ont été mises sur la table lors de cette réunion webinaire consacrée à l’avenir de la CFE. Les Assises de la protection sociale des Français de l’étranger doivent présenter, à la mi‑octobre, des recommandations sur le futur de la sécurité sociale des expatriés. Ils s’inspireront de ce rapport de l’IGAS-IGF, et également d’autres contributions reçues. Malgré une conjoncture politique française toujours complexe et des clivages existants, un point fait consensus : la CFE est en danger et a besoin de changements pour survivre, puis se développer.
Télécharger ou consulter le rapport
Auteur/Autrice
-
Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.
Voir toutes les publications