Budget 2024 : «le gouvernement doit faire mieux !»

Budget 2024 : «le gouvernement doit faire mieux !»

L’Assemblée nationale, comme chaque année en automne, doit approuver, amender, ou rejeter, le volet « dépenses » du Budget 2024 de la Nation. Parmi les programmes qui sont étudiés, plusieurs concernent les Français de l’étranger (en particulier les 151 et 185). Les 90 représentants des Français de l’étranger réunis à l’occasion de la 39ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), la semaine dernière à Paris, ont eu l’occasion de se pencher sur les propositions de l’Etat. Après avoir désigné une commission transpartisane, ils se sont prononcés à l’unanimité sur le projet gouvernemental via un avis (téléchargeable en fin d’article).

Pour eux, le budget 2024 n’est pas en adéquation avec les ambitions annoncées. La rapporteuse de l’avis, Cécilia Gondard (Secrétaire générale de la fédération des Français de l’étranger du Parti socialiste et élu des Français de Bruxelles) résume ainsi le ressenti de nos élus : « le gouvernement doit faire mieux ! »

L’inflation

Si les fonds qui seront consacrés aux Français de l’étranger sont en augmentation de façon significative c’est avant tout à cause des hausses de contributions internationales et européennes conséquences des effets d’une inflation galopante. Les élus des Français de l’étranger l’ont bien compris.
Ils soulignent même dans leur avis, adopté à l’unanimité, que « l’inflation mondiale, qui impacte directement les Françaises et Français de l’étranger, implique que lignes budgétaires stables sont en réalité en baisse ».

Car s’il y a une augmentation globale du budget, il y a de nombreux parents pauvres. Et parmi ces derniers, beaucoup concernent le soutien et l’accompagnement des expatriés.

Le programme 151 : Français à l’étranger et affaires consulaires

Dans le projet du gouvernement pour le budget 2024, le montant global annoncé est de 21,5 millions d’euros. La ventilation des fonds est la suivante :

  • L’Action Sociale directe s’élève à 16,16 millions d’euros ;
  • L’Action Sociale indirecte est de 3,4 millions d’euros dont 1,4 million d’euros pour les OLES et 2 millions d’euros pour les associations à travers le STAFE ;
  • Les Centres Médicaux Sociaux (11) sont, eux, financés à hauteur de 250 000 euros,
  • La subvention qui finance la protection sociale de solidarité des Français de l’étranger affiliés à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) n’est que de 380 000 euros.
  • Le budget réservé pour les rapatriements (sanitaire et indigence) est lui de 800 000 euros.

118 millions d’euros pour les bourses scolaires

Le Ministère indique que les crédits consacrés à l’accès des élèves français au réseau scolaire de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à la langue française s’élèveront à 118 millions d’euros en 2024.

Si les crédits d’aide à la scolarité affichés dans le PLF passent de 106 millions d’euros à 121 millions d’euros, soit une hausse de 15 millions d’euros par rapport à 2023, malgré un contexte de restriction budgétaire, l’impact pour les familles sera bien limité.
L’enveloppe annoncée dans le PLF et par le Ministre Becht est répartie ainsi :

  • 118 millions d’euros pour les bourses scolaires des enfants scolarisés dans le réseau AEFE
  • 1,5 million d’euros pour les bourses AESH (assistance des enfants en situation de handicap)
  • 1 million d’euro pour le Pass éducation langue française (pour financer des cours de Français à ceux qui n’ont pas pu aller dans le réseau AEFE.

Ces sommes correspondent aux besoins constatés en 2023, soit 117 millions d’euros. Ainsi, le budget 2024 ne fait que s’aligner sur les dépenses réelles et non celles budgétées pour 2023.
Or le développement prévisible du réseau de l’AEFE, voulu par le Président de la République amènera à une augmentation du nombre des demandes de bourses. En sus, le système scolaire n’est pas hermétique à l’inflation, il faut donc s’attendre à une hausse des frais de scolarité. Dans leurs avis, les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger alertent sur le fait que « le budget risque de s’avérer insuffisant ce qui entraînera la réduction du montant individuel des bourses attribuées. ».

Une réalité que le ministre des Français de l’étranger, Olivier Becht, avait annoncée dès l’ouverture de la 39ème session en indiquant que le budget « ne pourra pas suivre le rythme de l’inflation mondiale ».

Sous-financement de l’action sociale de la CFE

Cette année, le rapport financier de la Caisse des Français de l’étranger pour 2022, a provoqué l’inquiétude générale. En effet, cette dernière affichait une large perte comptable due à une dépréciation d’actifs. Si la capacité financière de la sécurité sociale des expatriés n’est pas, à court terme, remise en cause, la baisse de ses réserves pourrait devenir un souci.

Car si globalement, l’institution est à l’équilibre, comme l’obligent les textes qui la régissent, le coût de son volet « aides sociales » n’est que faiblement compensé par l’Etat. Ainsi ce sont les affiliés qui supportent largement la solidarité nationale. Les 380 000 d’euros affectés dans le budget 2024 pour cette mission de service publique représentent qu’un tout petit tiers des sommes dépensées, dans ce cadre, par la CFE.

Les services publics consulaires

Avec près de 3 millions d’expatriés, l’administration consulaire a vu ses missions se densifier au fil des dernières années. Aujourd’hui, sur certains territoires, les Français expatriés attendent de leur consulat les mêmes services que ceux rencontrés dans une mairie. Depuis plusieurs années, elle procède donc à sa mutation. Pour cela, le gouvernement promet un renforcement des emplois.

Si 165 équivalents temps plein sont annoncés, les parlementaires comme les élus consulaires s’inquiètent de la répartition de ces derniers. En 2023, sur les 100 postes créés, seulement 18 ont été affectés au renforcement des services publics consulaires. Et parmi ces derniers, ils n’étaient que 11 à avoir rejoint les consulats (7 visas, 2 pour les affaires sociales, 2 pour l’état civil).

L’effort est donc porté majoritairement sur le déploiement des nouveaux services numériques comme France Consulaire. Des dispositifs qui sont de vraies innovations qui devraient faciliter la vie des Français de l’étranger. Cependant, de nombreux citoyens ne sont pas encore à l’aise avec ces outils. Beaucoup, parmi les élus, s’inquiète du renforcement de la fracture numérique qui se combinerait avec l’éloignement, créant potentiellement un sentiment d’abandon chez les citoyens concernés.

Le programme 185 : Rayonnement culturel français

C’est dans le programme 185 (dont une première mouture a été rejetée en commission des finances mercredi 25 octobre) qu’on retrouve le budget dédié au rayonnement culturel français dans le monde. C’est dans ce dernier que sont nichées les subventions liées aux coûts de fonctionnement à l’AEFE, aux Alliances françaises et aux Instituts français.

Pas d’indexation à l’inflation

Là aussi, l’inflation inquiète. Si la subvention à l’AEFE se chiffre à 455 millions d’euros dans le Projet de Loi de Finances pour l’année 2024 contre 447 millions d’euros pour celle de 2023, soit une hausse de 8 millions d’euros soit 1,8%, on est bien loin des taux d’inflation rencontrés dans le monde ou même en France.

Pour autant, la direction générale de l’AEFE, auditionnée les 25 et 26 octobre par l’AFE, considère que la situation de l’agence est toujours solide et se réjouit de la hausse du budget dans un contexte contraint. Un avis que ne partage pas la commission « Education » de l’AFE qui déclare s’interroger « sur la capacité de l’agence à faire face, à moyens constants, à l’inflation et aux besoins futurs liés à la politique d’expansion du réseau (plan 2030). »

Du côté des Alliances françaises, les subventions sont, donc, en augmentation passant de 7,2 millions d’euros en 2023 à 8,7 millions d’euros, soit une hausse de 1,5 million d’euros. Là aussi, l’augmentation est bien loin de l’impact de l’inflation sur leurs coûts de fonctionnement. Déjà frappées lourdement par la crise Covid, combien d’Alliances françaises pourront passer l’année à venir.

Enfin, les subventions de l’Institut français sont stabilisées à 28,3 millions d’euros ce qui de fait correspond à une chute de leurs réels moyens d’action. Là encore, les directrices et directeurs de ces institutions vont devoir inventer de nouvelles sources de revenus pour maintenir leur mission dans les pays où elles sont implantées.

Une loi de programmation ?

Dans leurs conclusions, les membres de la commission, suivis par l’ensemble des représentants des Français de l’étranger, proposent de changer de paradigme. Actuellement, les besoins sont gérés d’année en année. Pour ces derniers, il est temps d’avoir une vision pluriannuelle. Pour cela, ils ont, officiellement, proposé au gouvernement, à travers l’avis voté à l’unanimité par l’AFE, de mettre en place une loi de programmation pour l’Action Extérieure de l’Etat sur plusieurs années.

Cecilia Gondard avec Ramzi Sfeir VP de l Afe et Benoit Mayrand VP de la commission budget

S’ils expriment ce vœu à long terme, dans leurs conclusions, ils alertent sur les problèmes qui, pour eux, seront rencontrés avec le budget 2024. Car pour eux, « les crédits en 2024 se calent sur les dépenses réelles de 2023 mais ne prennent pas en compte l’inflation mondiale en 2024 ». Ils appellent donc à :

  • Revaloriser le budget des bourses
  • Mieux répartir les emplois créés
  • Renforcer le soutien à la CFE
  • Revaloriser les aides sociales destinées aux Français de l’étranger

Mais dans ce climat de tensions budgétaires, et avec la volonté affichée du gouvernement de reprendre la main sur le budget de la Nation qui s’est fortement dégradé au cours des 3 dernières années du fait de la COVID-19 et de la lutte contre l’impact sur le pouvoir d’achat de l’inflation, leurs voix seront-elles écoutées ?

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