Bruxelles envisagerait une taxe sur le kérosène

Si le kérosène ne bénéficiait pas d’une dérogation fiscale dans l’UE, l’empreinte carbone de l’aviation chuterait de 11 %, soit de 16,4 millions de tonnes de CO2.

Imposer une taxe de 330 euros par millier de litres de kérosène contribuerait à la lutte contre le réchauffement climatique, réduirait la pollution sonore et permettrait de lever 27 milliards d’euros par an, selon une étude du bureau de consultant CE Delft pour la Commission européenne.

Le document, censé être confidentiel, mais obtenu par la presse, indique que le prix des billets augmenterait d’une moyenne de 10 % par an et que l’emploi dans le secteur diminuerait de 11 %.

Sur le total de 194 millions d’emplois dans l’UE, l’aviation en représente 3,2 millions. « Son impact sur l’emploi dans chaque État membre […] est proche de zéro », estiment les auteurs de l’étude.

La particularité de cette étude est qu’elle tient compte des dépenses étatiques que permettrait une taxe sur le kérosène. « Toute modification de régime fiscal doit être analysée avec soin, surtout parce que le rôle l’aviation, qui est une industrie prioritaire, varie d’un pays à l’autre », soulignent ses auteurs.

Le groupe parlementaire Verts/ALE a inclus une taxe sur le kérosène dans son manifeste de campagne et souhaite que les revenus ainsi générés reviennent aux réseaux ferroviaires, afin de renforcer les services, d’augmenter le transport de marchandises et de remettre les trains de nuit à l’ordre du jour.

« Pour le secteur de l’aviation, toute l’Europe est une sorte de paradis fiscal », souligne l’eurodéputé Bart Staes. « L’idée selon laquelle une taxe sur le transport aérien nuirait à l’économie est clairement un mythe. »

L’association européenne du rail CER estime que tous les types de transport doivent être tenus responsables de  la pollution qu’ils émettent. Libor Lochman, directeur exécutif de l’association, trouve que les taxes sur l’aviation devraient être utilisées pour des initiatives de mobilité durable et de santé publique ».

L’aviation est actuellement soumise à différentes formes de taxes en Europe, de la TVA sur les vols intérieurs aux taxes d’aéroport, mais le carburant en est exempté, conformément à un accord international datant de 1944. Ailleurs dans le monde, des taxes sur le carburant existent pour les vols intérieurs. C’est notamment le cas en Arabie saoudite, au Canada, aux États-Unis et au Japon.

L’ONG de mobilité propre Transport & Environment estime que les pays européens auraient dû imposer une taxe sur le kérosène il y a longtemps. Elle souligne par ailleurs que le texte de 1944 ne prévoit en réalité d’exemption de taxe que pour le carburant restant dans les réservoirs après un trajet.

L’étude s’est également penchée sur le scénario inverse : l’élimination de toutes les taxes appliquée au secteur dans l’UE. Une telle mesure génèrerait une hausse de 4 % du nombre d’emplois dans le secteur et de 0,2 % du PIB.

En parallèle, le nombre de passagers et d’émissions de gaz à effet de serre augmenteraient aussi de 4 %. Étant donné les engagements de l’UE par rapport à l’accord de Paris et à la lutte contre le changement climatique, de nouvelles exemptions de taxe semblent donc impossibles. Le transport est à ce jour le seul secteur économique où les émissions continuent d’augmenter.  Selon les données d’Eurostat, les Européens effectuent un trajet sur six en avion. Seuls 18 % de ces 218 millions de trajets sont professionnels.

Le 30 avril, la Commission a enregistré une pétition lui demandant d’établir une taxe sur le kérosène. La collecte de signatures devrait commencer cette semaine.

Si l’initiative citoyenne récolte un million de signatures d’au moins sept États membres dans les 12 mois à venir, l’exécutif européen devra y répondre. Les appels pour une meilleure taxation de l’aviation ont pris de l’ampleur ces derniers temps. Plus tôt dans l’année, la Belgique et les Pays-Bas se sont tous deux prononcés en faveur de la taxation, sans préciser s’ils recommandaient la taxation du carburant ou des billets.

Les pactes bilatéraux entre États membres semblent actuellement être la mesure la plus plausible pour une réduction du trafic aérien, car la fiscalité reste un domaine dans lequel l’UE a les mains liées, bien que la Commission ait récemment proposé de modifier la manière dont les taxes environnementales sont gérées, afin d’éliminer la nécessité de l’unanimité.

Sam Morgan

Un article publié sur le site de notre partenaire

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