Bras de fer franco-américain sur le conflit israélo-palestinien

Bras de fer franco-américain sur le conflit israélo-palestinien

La France et les États-Unis ont engagé à l’ONU un bras de fer sur le conflit israélo-palestinien, première crise ouverte entre les deux alliés depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden qui avait promis un réengagement américain dans la diplomatie multilatérale. 

Après huit jours de blocage au Conseil de sécurité des États-Unis à l’adoption d’une déclaration condamnant les violences au Proche-Orient, la France, avec le concours de l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, a dégainé mardi (18 mai) un projet de résolution appelant à une « cessation des hostilités » et à « un accès humanitaire » notamment à Gaza.

Un isolement croissant des États-Unis

Sans proposer de date de vote. Bluff ? Pression accrue sur les États-Unis pour qu’ils durcissent leur position à l’égard d’Israël ? Le président américain a réclamé mercredi (19 mai) une désescalade immédiate.

Et la réponse sèche à la France des États-Unis, qui ont été un des rares membres sur les 15 du Conseil de sécurité à bénéficier d’un accès au texte, selon un diplomate, ne s’est pas fait attendre, avec une menace de veto pure et simple. « Nous avons été clairs et cohérents sur le fait que nous nous concentrons sur les efforts diplomatiques intensifs en cours pour mettre fin à la violence et que nous ne soutiendrons pas les actions qui, selon nous, sapent les efforts en faveur d’une désescalade », a dit à l’AFP une porte-parole de la mission américaine à l’ONU.

« La position américaine sera tout à fait déterminante […] C’est vrai qu’on a constaté des États-Unis un peu en retrait de tout cela », a déclaré à Paris le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

« La prolongation des actions ne sert personne. Il faut absolument éviter une offensive terrestre israélienne qui ouvrirait une phase vraiment incontrôlable », a-t-il ajouté, en soulignant que « la première action à mener, c’est la cessation des hostilités le plus vite possible ».« Nous souhaitons vraiment qu’il puisse y avoir des mesures humanitaires très rapidement », a précisé le ministre.

La politique de Washington, premier allié d’Israël, depuis dix jours à l’ONU n’a pas varié malgré son isolement croissant. Les États-Unis ont rejeté trois propositions de déclarations présentées par la Chine, la Tunisie (représentant le monde arabe au Conseil) et la Norvège. Et ils ont aussi rechigné à l’organisation de réunions du Conseil, quatre depuis le 10 mai, provoquant même le report de l’une d’entre elles finalement tenue dimanche et en public.

« Une responsabilité collective »

Du côté des alliés européens traditionnels des États-Unis et même au-delà, c’est l’incompréhension. « Les membres du Conseil ont une responsabilité collective pour la paix et la sécurité internationales. Il est grand temps que le Conseil intervienne, brise son silence et s’exprime », s’est agacée mardi l’ambassadrice d’Irlande, membre non permanent, Géraldine Byrne Nason.

« Nous demandons simplement aux États-Unis de soutenir une déclaration du Conseil de sécurité qui dirait des choses similaires à celles qui sont dites bilatéralement par Washington », relevait récemment un de ses homologues européens, sous couvert de l’anonymat.

« C’est un peu étrange si l’on pense à l’attente que nous avions tous d’un retour des Américains dans la diplomatie multilatérale », indique à l’AFP un autre ambassadeur, également sous couvert d’anonymat. « Nous avions pensé aussi que les États-Unis seraient désireux de montrer la pertinence du Conseil de sécurité dans des situations comme celle-ci », ajoute-t-il.

Des tensions palpables

Les tensions palpables entre la France et les États-Unis pourraient laisser des traces et affecter d’autres dossiers.

À l’ONU, les deux pays ont affiché, également mardi, un sérieux désaccord sur l’aide à apporter à la force anti-djihadiste G5 Sahel.

Paris, très engagé politiquement et militairement dans la région, milite depuis des années pour un soutien financier, logistique et opérationnel de l’ONU à cette force de 5 000 militaires sous-équipés, fournis par le Niger, le Tchad, la Mauritanie, le Mali et le Burkina Faso, et qui peine à convaincre de son efficacité depuis sa création en 2017.

Sous l’administration républicaine de Donald Trump, cela avait été un refus catégorique et la France espérait bien qu’avec son successeur démocrate Joe Biden, un revirement allait s’opérer. Négatif à nouveau, a fait savoir en début de semaine Washington qui préfère comme sous la précédente administration privilégier l’aide bilatérale plutôt que s’engager dans un financement onusien qui pourrait être sans fin.

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