Alors que l’accès aux écoles publiques en France est gratuit, ce n’est pas le cas pour scolariser un élève dans un des établissements de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français l’étranger). C’est pour cela que certaines familles demandent une aide pour couvrir les frais, via une bourse scolaire. Celle-ci est alors attribuée sur la base de différents critères. Jusqu’à ce jour, c’est au sein du Consulat de France présent dans le pays d’accueil que les démarches s’effectuent par les demandeurs. Mais pour la prochaine campagne en 2025, un unique portail internet devrait être créé par l’AEFE. L’administration française tend ainsi vers la digitalisation concernant le dépôt des dossiers de bourses scolaires. C’est au cours de la dernière Commission nationale des Bourses scolaires (CNB) que cela a été annoncé. Bien sûr, lors de cette réunion, les aides allouées aux familles ont aussi fait l’objet de discussion, dans un contexte économique tendu.
Demande de bourses scolaires : un dossier digitalisé pour les familles en 2025
C’est la nouveauté pour 2025. Les familles qui demanderont une bourse scolaire ne seront plus obligées de se rendre physiquement au Consulat de France présent dans leurs pays de résidence. Parfois, les distances sont longues entre le domicile des parents d’élèves et le bâtiment administratif. Et les plages de rendez-vous serrés. C’est pourquoi, un portail de saisie en ligne devrait être ouvert par l’AEFE pour la campagne 2025. Le passage par le numérique ne sera toutefois pas obligatoire – pour le moment – pour les demandeurs.
Les agents des consulats seront aussi toujours joignables, et les familles pourront, si elles le souhaitent, se rendre encore dans les consulats pour déposer leurs documents. Mais le passage vers la digitalisation sera plus que conseillé.
Comment est accueillie cette nouveauté ? Du côté des parents d’élèves, la FAPEE (fédération des parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger) a indiqué que « la mise en place du nouveau logiciel de gestion des bourses scolaires doit permettre plus de fluidité entre les postes et l’agence et inclure les familles qui pourront saisir et suivre leur dossier. » Toutefois, ajoute cette même fédération « nous serons vigilants au maintien des moyens locaux et humains pour maintenir un accompagnement de qualité. » Et les moyens disponibles, c’est aussi ce sujet qui a animé les discussions de la dernière CNB, la Commission nationale des bourses.
Qu’est-ce que la CNB ?
Pour rappel, l’AEFE accueille aujourd’hui plus de 398.000 élèves. 600 établissements sont inclus dans ce réseau mondial de l’enseignement français à l’étranger, avec une présence dans 138 pays. Pour aider les familles à accéder à ces écoles françaises, une bourse scolaire peut donc être demandée, sur la base de critères définis en amont. L’ensemble de ces dossiers est ensuite examiné au cours d’un processus dans lequel est notamment inclus la Commission nationale des Bourses scolaires (CNB).
La CNB est une instance consultative. Elle étudie notamment l’ensemble des dossiers de bourses scolaires qui sont examinés en amont, dans chaque consulat, par les représentants des Français de l’étranger, les associations et le personnel éducatif. Le Code de l’éducation précise ainsi que la CNB « examine les critères d’attribution et donne son avis sur les propositions de bourses des commissions locales. Elle propose à l’agence la répartition entre ces dernières de l’enveloppe annuelle des crédits alloués. ». La CNB donne également son avis sur le budget global. Charge ensuite à l’AEFE de tirer les conclusions des recommandations émises par cette instance.
La CNB est composée de façon collégiale. Elle est présidée actuellement par la directrice de l’AEFE. Des membres représentants le ministère des affaires européennes et de l’éducation nationale y siègent également, ainsi que la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE). Les syndicats du personnel composent aussi cette CNB, ainsi que deux élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), les associations de parents d’élèves et aussi deux associations représentatives des expatriés, Français du Monde-ADFE et l’UFE. Enfin, la CNB se réunit deux fois par an, en juin et en décembre.
La CNB deviendrait-elle uniquement une chambre d’enregistrement ?
Alors que les montants distribués dans le cadre des bourses scolaires pour 2024 ne sont pas encore connus officiellement, rappelons que l’an dernier, plus de 24.000 bourses scolaires avaient été accordées. Soit plus de 21 % des élèves français du réseau, pour un montant de près de 115 millions d’euros.
Mais dans un contexte budgétaire complexe, le montant alloué aux familles a fait l’objet de débats au sein de la CNB. Entre les demandes potentielles de bourses et la somme disponible, la différence semble importante. Aussi, la FAPEE (fédération des parents d’élèves de l’enseignement français à l’étranger) par la voix d’une de ses représentantes, Catherine Babillon, « s’inquiète du delta entre les enveloppes de besoins et les enveloppes limitatives ». Cela a des conséquences sur le terrain. Les conseils consulaires qui se réunissent dans les pays d’accueil n’ont quasi plus de marges de manœuvre pour adapter les montants aux besoins des familles expatriées. De plus en plus, ces instances locales se transforment alors « en chambres d’enregistrement » indique la FAPEE. Or, ce n’est pas la vocation de ces réunions appelées CCB (Conseil consulaire des bourses scolaires), dont l’objectif est de pouvoir proposer des ajustements en fonction des réalités vécues par les parents d’élèves dans leurs pays de résidence.
Pour Moulay Driss El Alaoui, le représentant de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) à la Commission nationale des bourses, cette même question se pose pour la CNB. « Pour les familles du réseau, les années se suivent et se ressemblent », rappelle-t-il, et le risque est que les « réunions », à tous les niveaux, ne soient plus qu’une « chambre d’enregistrement ». Sans moyen approprié, et sans une enveloppe budgétaire ajustable au quotidien des parents d’élèves, comment discuter et adapter ? D’autant plus qu’il n’existe pas de budget pluriannuel. Cette absence de perspective est également mise en avant par la FCPE qui regrette « le manque d’une vraie visibilité sincère sur l’avenir de l’enseignement Français à l’étranger ».
Bourses scolaires et mixité sociale
Alors que de nombreuses familles expatriées ont toujours besoin d’aide pour payer les frais de scolarité, la FAPEE partage aussi son « inquiétude sur la précarité financière du système des bourses ». Et si les parents sont moins soutenus pour scolariser leurs enfants dans le réseau des établissements de l’AEFE, la conséquence est celle de voir se dégrader la mixité des élèves. La FCPE le souligne d’ailleurs, « certains établissements de l’AEFE s’apparentent de plus en plus à des établissements ouverts aux élites financières qui laissent de côté les valeurs auxquelles (nous) sommes attachés : mixité sociale, mixité économique et mixité de nationalité. »
Du côté des élu(e)s membre de cette CNB, et représentant les Français de l’étranger, le questionnement va aussi dans le même sens. « Plutôt que faire entrer les besoins au forceps dans une enveloppe budgétaire contrainte, nous demandons une enveloppe qui permette de pourvoir aux besoins des familles, incluant les familles moyennes ». Et une autre question active également le débat au sein de des représentants politiques : « pourquoi le nombre de boursiers diminue-t-il, alors que les coûts ne cessent d’augmenter ? ».
Dans cette situation, certaines familles ne peuvent d’ailleurs plus supporter les factures annuelles, et sortent ainsi leurs enfants du système scolaire de l’AEFE. Or, « que deviennent les élèves français qui sortent du réseau ? » est aussi une question soulevée par certains représentants politiques. Mais, au-delà des montants totaux des bourses scolaires, n’est-ce pas aussi les critères d’attribution qui devraient alors évoluer ?
En attendant une éventuelle discussion sur les modifications des critères de versement, c’est donc un nouveau système de dépôt de demandes de bourses scolaires qui va être mis en place par l’AEFE. Il vise à fluidifier la gestion du système, tant au niveau administratif que pour les parents d’élèves. Mais dans un contexte financier dégradé, le nombre de demandeurs pourrait chuter. En effet, l’absence de budget de la nation pour 2025 va de facto diminuer le montant disponible pour les familles. Une somme identique à 2024 serait disponible. Mais, l’inflation qui galope dans certaines parties du monde, et/ou les frais de scolarité qui augmentent dans de nombreux établissements de l’AEFE vont venir grever l’enveloppe globale. Déjà que les marges de manœuvre étaient réduites… À suivre!
Auteur/Autrice
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Jérémy Michel est rédacteur en chef adjoint du média Lesfrancais.press. Il est également coach en développement personnel et formateur en communication. Jérémy a auparavant travaillé au sein de diverses institutions politiques françaises et européennes. Il a aussi été en charge des affaires publiques d’un grand groupe spécialisé dans la santé.
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