Bourses scolaires et inflation : quelle solution ? 

Bourses scolaires et inflation : quelle solution ? 

Les bourses scolaires 2024 risquent bien d’être victimes du coup de rabot budgétaire. On en parlait déjà le 20 aout 2023 lors de la rentrée, en effet, les premières bourses de l’année 2024 dépendaient du budget 2023. Et on anticipait déjà que les difficultés se prolongeraient au-delà de l’année scolaire 2023/2024… et c’est bien le cas. On fait le point pour les Français de l’étranger à quelques semaines des grandes vacances estivales pour le réseau AEFE 

Des bourses mais pourquoi ?

Il nous est apparu bon de rappeler l’importance des bourses scolaires pour les familles françaises qui résident hors de France.  

On l’oublie, souvent, mais les écoles, même gérées directement par l’Agence pour l’Éducation Française à l’Étranger (AEFE) sont payantes. Et la participation est plus que symbolique puisque les frais d’écolage annuels s’établissent entre 3000 et 15 000 euros selon le pays et l’opérateur qui gère l’établissement. Une situation qui sanctionne finalement le jeune Français, privé de son droit constitutionnel à l’éducation car ses parents se sont expatriés. Une argumentation parfois entendue, qui avait conduit Nicolas Sarkozy a rendre gratuit le Lycée (de la seconde à la terminale) mais qui fut supprimée par François Hollande en 2012.  

Ainsi, Le système des bourses scolaires destiné aux élèves français est en ce sens le garant d’une cohésion sociale des communautés françaises à l’étranger et un facteur de réussite pour les enfants.  

Le dispositif se matérialise par une participation partielle ou totale aux paiements des frais de scolarité, attribuée sous conditions de ressources, qui permet aux élèves français à l’étranger de poursuivre leur cursus dans un établissement d’enseignement français homologué AEFE. Cependant, faut-il pouvoir en bénéficier, car là aussi, il y a débat sur les critères retenus par l’administration. 

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Qui peut percevoir une bourse pour l’année 2024-2025 ?

Pour pouvoir bénéficier d’une bourse pour l’année scolaire 2024/2025, votre enfant doit atteindre ses 3 ans au plus tard le 31 décembre 2024. 

Vous devez : 

  • Être inscrit au registre consulaire : L’inscription consulaire (transferts, certificats, radiation…) 
  • Ne plus percevoir de prestations familiales de la part de la CAF (un certificat de radiation est requis pour les familles dont les enfants ont résidé en France). 
  • Correspondre aux critères de revenus et de capitaux détenus (ces derniers sont propres à chaque pays, vous pouvez les consulter sur les sites des consulats et des établissements concernés)  

L’enfant doit : 

  • Être français et inscrit à votre livret de famille français (ou a minima disposer d’un acte de naissance français) ; 
  • Être âgé d’au moins 3 ans au 31 décembre 2024 ; 
  • Résider avec sa famille (père, mère, tuteur légal) ; 
  • Être inscrit au registre consulaire avec au moins l’un de ses parents; 
  • Être scolarisé ou en cours d’inscription au sein d’un établissement homologué par le ministère de l’Éducation nationale, au plus tard à la rentrée de l’année scolaire considérée. 

Quel mode de calcul ?

C’est ici que sont confrontés deux données, d’un côté les revenus des parents et de l’autre la quotité disponible. Car à la différence des bourses en France, dont le montant est gravé dans le marbre chaque année, celles remises aux Français de l’étranger sont modulés selon l’enveloppe attribuée lors du vote de la loi de Finances et du rectificatif budgétaire qui intervient le plus souvent à la rentrée estivale des parlementaires. 

Ainsi pour prétendre à une bourse, les ressources de la famille doivent s’inscrire dans les limites du barème d’attribution. Celui-ci repose sur la définition d’un quotient familial net des frais de scolarité pondéré d’un indice de coût de la vie dans le pays de résidence. Ce barème, l’Indice de Parité du Pouvoir d’Achat (IPPA), est fourni chaque année par cabinet privé Mercer sous mandat du ministère des Affaires étrangères, Paris étant la référence, on dit en base 100, ainsi si dans votre pays de résidence on doit moins dépenser pour « vivre » qu’à Paris alors votre indice sera inférieur à 100 et inversement si le coût de la vie est supérieur à Paris. Dans la grande majorité des cas, l’indice sera donc inférieur à 100. 

Toutes les ressources, de quelque nature qu’elles soient, y compris aide familiale, sont à déclarer pour calculer le revenu brut de la famille. Celui-ci peut donc être supérieur au montant déclaré aux services fiscaux dont vous dépendez. En sus, les services consulaires enquêteront et ajouteront si vous les avez oubliés certains avantages en nature comme un éventuel logement gratuit mis à disposition, ou une voiture de fonction. 

Dans le calcul de vos revenus, vous pourrez aussi déduire des dépenses obligatoires comme les cotisations sociales, les impôts sur le revenu dûs en France ou dans le pays de résidence, ainsi que les éventuelles pensions alimentaires. 

Enfin, pour calculer le montant qui sera pris en compte par les services consulaires pour vérifier votre éligibilité, vous devez déduire les frais de scolarité. Les seuls frais de scolarité pris en compte sont : 

  •  Frais de scolarité annuels
  • Frais d’inscription annuelle
  •  Frais de 1ère inscription

Une fois le calcul fait, vous obtiendrez votre revenu familial de référence. Muni de celui-ci, les services consulaires vont s’intéresser à la composition de votre foyer pour calculer le quotient familial, soit la somme disponible pour chaque membre du foyer. Ainsi le Quotient familial (Q) est égal à : Revenu de référence (R) / nombre de Parts (P). 

Mais après il faut le pondérer via le barème du coût de la vie dans le pays de résidence. Vous obtiendrez ce chiffre qui correspond à votre pays sur la page dédiée aux bourses de votre consulat ou de la section consulaire de l’ambassade dont vous dépendez, comme indiqué plus haut. La formule de calcul est assez simple pour obtenir son quotient familial pondéré (Qp) : Quotient familial (Q) x 100 (base Paris) / IPA. 

Si le quotient familial pondéré (Qp) est supérieur ou égal à 23 000€/an, aucune bourse n’est attribuée (hors barème). Si le quotient familial pondéré (Qp) est inférieur ou égal à 3000€/an, les enfants peuvent bénéficier d’une bourse (100%) couvrant la totalité des frais de scolarité. Si le quotient familial pondéré (Qp) est compris entre 3000 € et 23 000 €, la famille bénéficie d’une quotité théorique partielle de bourse couvrant les frais de scolarité et, éventuellement les frais parascolaires, selon la formule suivante : {1 – [(Qp – 3000) ÷ (23000 –3000)]} x100 

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L’évolution de l’IPPA en 2024 en cause

L’Indice de Parité du Pouvoir d’Achat (IPPA) est un paramètre important qui intervient dans le calcul de la quotité attribuée à chaque famille. Il se caractérise par sa grande opacité : sa méthode de calcul exacte est en effet tenue secrète. Malheureusement le chiffre attribué aux pays est souvent sans rapport manifeste avec l’évolution réelle du coût de la vie dans les villes concernées, est imposée par l’administration aux conseils consulaires sans concertation ni explications, ni aucune possibilité de contrôle en l’absence de toute transparence sur la méthodologie.  

Selon la note de cadrage adressée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) aux membres des conseils consulaires des bourses scolaires 2024/2025, « L’institut Mercer a revu la méthode de calcul des indices de coût de la vie par pays et actualisé son panier de référence. De ce fait, les IPPA marquent une baisse qui peut être sensible ». C’est faire porter le chapeau du manque de moyens au dit « institut » ! En effet, le mode de calcul des bourses étant défini par une simple instruction administrative, rien n’empêchait l’AEFE ou son ministère de tutelle, s’ils en avaient eu la volonté, de prendre toute mesure utile pour atténuer les répercussions des nouveaux indices sur les bourses. Pour les opposants à l’exécutif, le gouvernement a fait le choix, en s’abstenant de transmettre de telles consignes au cabinet Mercer, d’une politique d’une baisse des bourses et d’une augmentation du reste à charge pour les familles. Bercy et la crise budgétaire ne sont pas loin.  

Cependant, le camp présidentiel minore cette nouvelle en rappelant que malgré les difficultés rencontrées par l’État et dans l’objectif de lutter contre l’inflation, que l’administration a relevé la contribution progressive de solidarité de plusieurs points. Oubliant qu’à l’automne 2023, ils l’avaient baissé dans les mêmes proportions pour respecter le nouveau budget. Un mécanisme, qui par sa volatilité en cours d’année, est au cœur des débats des professionnels du monde éducatif des Français de l’étranger comme lors du webinaire organisé par la Fapee (Fédération des associations de parents d’élèves des établissements d’enseignement français à l’étranger) le 23 mai 2024. Il sera sûrement sur le tapis lors du correctif budgétaire 2024 et quand il sera temps d’établir le budget pour l’année 2025.  

Versements en retard et colère

On le voit certains s’inquiètent des montants alloués, mais au-delà des dispositions réglementaires, le retard même des versements est évidemment problématique. Nombreux sont les témoignages de parents qui, en ce mois de mai, n’ont toujours pas reçu les aides promises. En sus, les personnes touchées sont les allocataires des bourses AESH (Accompagnant pour élève en situation de handicap). Elles sont aussi gérées par l’AEFE. Elles s’intègrent dans les processus décrits précédemment.  

Pour le moment, ces familles bénéficiaires ne savent pas quand l’argent sera débloqué. Les associations de parents et les élus commencent à s’interroger sur l’avenir des bourses dans sa forme actuelle. C’est peut-être tout un système qu’il faudra bientôt réviser ? La colère gronde. 

Auteur/Autrice

  • Chantal Julia

    Chantal Julia est maitre de conférence en Suisse. Après plusieurs années à l'Université de Lettre Paris 1, Chantal a suivi son compagnon à Lausanne où elle enseigne toujours la littérature française. Elle écrit pour différents magazines universitaires et Lesfrancais.press

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