Cherchons le bouc émissaire !

Cherchons le bouc émissaire !

En France, la technique du bouc émissaire est éprouvée. Quand la situation se tend, la désignation d’un coupable, d’une victime expiatoire, est de mise. L’acrimonie et l’impuissance générale se concentrent alors sur lui. Comme tout, a tendance à remonter au sommet en France — à tort ou à raison — la cible est aisée à désigner. Le pays éprouve, en outre, toujours des difficultés à se mouvoir en période de turbulences.

Le peuple, cet ingrat qui s’ignore

Face aux épreuves, les dirigeants sont rarement soutenus et bien souvent trahis par leurs proches. En 1814, Napoléon Ier fut lâché en pleine campagne de France par ses généraux, ceux-ci préférant négocier avec l’ennemi afin de conserver tout ou partie des gains accumulés lors des précédentes guerres.

Après Waterloo, Fouché favorisa la Restauration dans l’espoir d’en tirer profit ; à ce jeu, Talleyrand s’en sortit mieux. En 1830, en 1848 ou en 1870, après la défaite de Sedan, le pays s’effondra comme un château de cartes. Le pouvoir est fragile en France. Il est aussi de plus en plus éphémère. Si, dans le passé, la durée des mandats pouvait atteindre quinze, voire plus de vingt ans, aujourd’hui, l’exercice du pouvoir est de plus en plus court, surtout depuis le passage au quinquennat.

Les seconds mandats sont bien souvent des chemins de croix. Ce fut le cas pour le général de Gaulle, pour François Mitterrand ou pour Jacques Chirac. Celui d’Emmanuel Macron ne fait pas exception. Le président exerce réellement son pouvoir durant les deux premières années : entre 1981 et 1983 pour François Mitterrand, de 1995 à 1997 pour Jacques Chirac — les grandes grèves de décembre 1995 mirent fin à ses ardeurs réformatrices —, de 2007 à 2008 pour Nicolas Sarkozy, de 2012 à 2014 pour François Hollande, qui fut ensuite en butte aux frondeurs, et de 2017 à 2018 pour Emmanuel Macron dont l’action fut entravée par la révolte des Gilets jaunes.

Edouard Philippe et Emmanuel Macron, lundi pendant les commémorations du 11 Novembre.
Edouard Philippe et Emmanuel Macron, lundi pendant les commémorations du 11 Novembre. ©LUDOVIC MARIN / REUTERS

La pression permanente des médias, et désormais des réseaux sociaux, s’ajoute à celle des électeurs à travers les sondages d’opinion : elle impose son agenda aux dirigeants. Il y a quarante ans, un président de la République pouvait quitter le territoire sans que cela se sache, pour des périodes pouvant atteindre plus d’une semaine. La violence des propos sur les réseaux sociaux, la multiplication et la diffusion des fake news rappellent les libelles et les nouvelles du temps de la Révolution française. L’objectif demeure le même : la déstabilisation du pouvoir. Qu’elles soient d’origine nationale ou étrangère, ces campagnes contribuent à fragiliser le pouvoir.

L’Élysée, l’Alpha et l’Oméga ?

Pourtant, la fonction présidentielle reste un Graal au vu du nombre de candidats putatifs pour 2027. Dans ce combat pour l’Élysée, force est de constater que l’assainissement des finances publiques ne figure pas parmi les priorités affichées par les uns et les autres.

Depuis 1988, chaque élection présidentielle s’est gagnée sur le thème du « toujours plus » de dépenses et non sur celui du rééquilibrage budgétaire. Raymond Barre ne passa pas le premier tour avec son programme de rigueur. Il en alla de même pour Édouard Balladur en 1995 et pour François Bayrou en 2007. Le pouvoir se conquiert par le rêve. En 2025, la France n’est pas encore au bord du précipice mais elle s’en approche. L’écart de taux avec l’Allemagne est au plus haut : il atteint désormais plus de 80 points de base, contre moins de 50 avant la dissolution de juin 2024. Nul ne sait le jour ni l’heure de la sanction. Il suffirait qu’une ou plusieurs grandes banques internationales émettent un jugement négatif sur la soutenabilité de la dette publique française pour provoquer une forte hausse des taux.

Une crise sociale, un budget irréaliste, un dérapage masqué du déficit suffiraient à précipiter l’orage. La France peut compter, jusqu’à présent, sur la vitalité de son épargne et sur la force de certains secteurs économiques. Mais ses atouts ne permettront pas de compenser éternellement la dégradation de ses finances publiques. Le principe selon lequel « l’intendance suivra », mantra de nombreux dirigeants et candidats aux fonctions suprêmes, ne saurait être transformé en alibi éternel.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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