La famille de Bernard Tapie a annoncé son décès au journal «La Provence», survenu dimanche matin.
Bernard Tapie est décédé dimanche matin 3 octobre 2021. L’information a été annoncée par sa famille au journal «La Provence», qui révèle que l’homme politique de 78 ans a rendu son dernier souffle à 8h40.
«Dominique Tapie et ses enfants ont l’infinie douleur de faire part du décès de son mari et de leur père, Bernard Tapie, ce dimanche 3 octobre à 8 h 40, des suites d’un cancer. Il est parti paisiblement, entouré de sa femme, ses enfants, ses petits-enfants et son frère, présents à son chevet. Il a fait part de son souhait d’être inhumé à Marseille, sa ville de coeur»
Communiqué de la famille dans « La Provence »
L’homme aux mille vies !
Sa vie est faite de coups d’éclats, de coups bas, de coups de génie, et même de coups tordus, cette histoire qui n’est pas celle de toute le monde. Bernard Tapie a eu mille vies. Autant d’amis, autant d’ennemis. Et il s’est fait tout cela tout seul, lui qui venait du Bourget, fils d’un tourneur-fraiseur et d’une aide-soignante.
Il ne faut pas dire qu’il avait tous les talents : ce n’est pas vrai. Pour la chanson, quand il avait vingt ans, pour la course automobile, juste après (un grave accident le plonge dans le coma et met fin à sa tentative de carrière), ce n’était pas ça. Mais pour les affaires…
Toutes les affaires. Surtout celles qu’on arrange. On le sait peu, mais sa première « victime » fut Jean-Bedel Bokassa lui-même, à qui il fit croire que ses châteaux allaient être saisis par le fisc, pour les racheter à prix bradé. L’empereur de Centrafrique portera plainte une fois l’arnaque découverte, obtiendra réparation, mais se le tiendra pour dit.
Au début des années quatre-vingt, Il reprend des entreprises à l’agonie, pour le franc symbolique le plus souvent, et les revend quatre ou cinq ans plus tard en faisant la bascule. C’est le cas de le dire pour Terraillon (125 MF, soit 19 M€), mais aussi pour les fixations Look (260 MF, soit 39,6 M€), les raquettes Donnay (100 MF, soit 15 M€) ou les piles Wonder (470 MF, soit 71,5 M€).
Sur son chemin, il a semé des licenciements, du chômage, mais la France d’alors aime l’image de la réussite. Celle qu’il cultive. Sa gueule, son bagout, son incroyable culot… Il plaît aux riches, à ceux qui rêvent de le devenir, et tant pis pour ceux qu’on oublie en route. La télé, bien sûr, se l’arrache. Il y passe tellement bien. TF1 lui donne les clés d’une émission mensuelle baptisée Ambitions, où il montrera son talent de bâtisseur d’entreprises, comme il tente de le distiller dans les écoles qu’il ouvre, à destination des jeunes au chômage.
Sa réussite a toutes les formes. Quand il se lance dans le vélo, avec Bernard Hinault, puis Greg LeMond, c’est pour gagner le Tour. Quand il rachète l’OM (toujours pour un franc, avec la bénédiction de Gaston Defferre), c’est pour en faire un champion d’Europe, ce qu’il atteint un fameux soir de mai 1993, à Munich. Rien ne semble lui résister, alors. Trois ans plus tôt, il avait même réussi son plus gros « coup » en rachetant Adidas, « un rêve de gamin », disait-il.
La politique aussi
Quand François Mitterrand le fait venir à lui, en 1988, il ne sait pas encore que Tapie prendra la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône (après annulation d’un premier scrutin qu’il avait perdu de quatre-vingt-quatre voix), historiquement de droite et réputée imprenable. Et qu’il s’y maintiendra (après un accord politique secret avec Jean-Marie Le Pen, selon plusieurs témoins) en 1993. Le président est séduit. Alors, Tapie devient ministre du gouvernement Bérégovoy, en 1992. Il a à peine cinquante ans, tout semble briller autour de lui, et pourtant sa chute n’est plus si loin.
La chute à Valenciennes
C’est le match truqué entre Valenciennes et son OM, en mai 1993, qui stoppera son ascension. Après une (nouvelle) homérique bataille, il passera cinq mois à la prison de la Santé qui changeront le cours de son existence. Bernard Tapie, parce qu’il était insubmersible, reviendra à la surface, à la télévision, au théâtre, au cinéma. Dans la presse, aussi, puisqu’il rachètera le groupe La Provence, à Marseille, devenue sa ville de cœur. Comme il n’a jamais cessé de faire des projets (en mai, il disait encore que Lelouch l’attendait), il voulait aller s’y établir, une fois revendu son hôtel particulier parisien, symbole de son époque dorée. Une époque qu’il jurait ne pas regretter une seule seconde.
Tapie, l’expatrié ?
Afin d’empêcher la saisie de ses biens par ses créanciers, le propriétaire du journal français La Provence avait placé plusieurs sociétés en procédure de sauvegarde en France. Avant et après l’annulation de l’arbitrage dans l’affaire du Crédit Lyonnais, certains de ses actifs avaient aussi été transférés en Belgique. Cependant le tribunal de Liège avait dessaisi l’homme d’affaires de la gestion de ses sociétés et avait nommé un administrateur provisoire afin que celles-ci se conforment aux obligations belges, qu’on sait dans la partie francophone particulièrement lourdes et désuètes. Un environnement administratif d’un autre temps qui avait fait partir rapidement Bernard Tapie.
Mais c’est pourtant en Belgique, à Louvain (Leuven), qu’il était venu participer, en août 2020, à un essai clinique qui lui a permis de gagner quelques mois. Malheureusement, cela n’a pas suffit et aujourd’hui, la France est triste et Marseille est orpheline.
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