Aux frontières européennes, l’état d’urgence devient la norme

En théorie, les contrôles aux frontières devaient être temporaires. En pratique, ils sont permanents. Le déploiement de la police fédérale allemande à la frontière germano-autrichienne, démarré au plus fort de la crise des réfugiés en septembre 2015, a ainsi été prolongé à plusieurs reprises.

Le 12 avril dernier, le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, de l’Union chrétienne-sociale (CSU), a prolongé les contrôles aux frontières de six mois supplémentaires, jusqu’en novembre. La demande de la Commission européenne demande au contraire de revenir le plus rapidement possible à un franchissement des frontières sans contrôle à l’intérieur de l’espace Schengen.

Le commissaire européen chargé des migrations,  Dimitris Avramopoulos, a appelé mi avril à un retour à la normale dans l’espace Schengen. « Si Schengen cesse d’exister, l’Europe mourra », a déclaré le commissaire grec lors d’une conférence à Washington.

Critique du parti libéral démocrate (FDP)

La nouvelle prolongation des contrôles aux frontières suscite des critiques à Bruxelles, mais aussi en Allemagne.

« Au lieu d’utiliser des politiques symboliques qui n’ont qu’un impact négatif sur l’économie de plusieurs milliards d’euros, et génèrent de longs embouteillages, Horst Seehofer devrait plutôt travailler à trouver une solution commune à la politique migratoire de l’UE », a insisté Phil Hackemann, qui se présente aux élections européennes sur la liste du FDP en Bavière.

Horst Seehofer avait déjà justifié la nécessité d’étendre les contrôles aux frontières au journal allemand Bild am Sonntag en disant que le retour à une situation antérieure à 2015 n’était « pas encore justifiable pour des raisons liées à la politique migratoire et de sécurité ».

Selon l’hebdomadaire Bild am Sonntag, en janvier et février 2019, près de 1 000 personnes se sont vues refuser l’entrée à la frontière germano-autrichienne en raison de tentatives de passage illégal. Les gardes-frontières ont également arrêté 82 passeurs au cours de cette période.

L’Allemagne n’est pas le seul pays de l’espace Schengen qui continue à mettre en œuvre des contrôles aux frontières. Ceux-ci sont possibles selon la réglementation européenne s’il existe « une menace sérieuse pour l’ordre public ou la sécurité intérieure d’un État membre ».

Outre l’Allemagne, la France, le Danemark, la Suède, la Norvège et l’Autriche utilisent actuellement la clause d’exception du code frontières Schengen.

En France, les contrôles aux frontières sont principalement justifiés par la menace persistante du terrorisme, ce qui signifie que des contrôles sont effectués aux frontières terrestres avec la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. En outre, les cartes d’identité sont également contrôlées dans les aéroports et les ports.

Contrôles aux frontières en France

Dans son manifeste pour l’Europe publié en mars, le président français Emmanuel Macron avait proposé que l’adoption de politiques d’asile communes soit une condition préalable à une future adhésion à Schengen.

Cette proposition tournée vers l’avenir s’adresse essentiellement au Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui continue de rejeter une politique migratoire européenne commune.

Emmanuel Macron, dont le pays a été dévasté par les attentats terroristes de Paris de 2015 qui ont fait 130 morts, ne discutera pas de l’abandon des contrôles aux frontières de sitôt.

Alors que les campagnes électorales de l’UE battent déjà leur plein en France, le Rassemblement national, parti d’extrême droite de Marine Le Pen, fait du manque de sécurité aux frontières extérieures de l’UE un sujet central, six semaines seulement avant les élections européennes.

Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, exhorte la France à se retirer complètement de l’espace Schengen.

Extension de Frontex seulement d’ici à 2027

Pour justifier sa demande de suppression des contrôles aux frontières dans l’espace Schengen, la Commission continue de souligner la diminution considérable du nombre de réfugiés depuis 2016. Entre-temps, l’extension de la protection des frontières extérieures de l’UE progresse lentement.

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait initialement proposé de porter le nombre de gardes-frontières de l’UE à 10 000 d’ici à 2020. Ce qui aurait rendu superflus les contrôles internes actuels au sein de l’espace Schengen.

Cependant, plusieurs Etats membres, dont l’Allemagne, se sont inquiétés d’une augmentation aussi rapide. En mars, il a donc été convenu à Bruxelles qu’un corps permanent de 10 000 gardes-frontières serait constitué d’ici à 2027.

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