Au Quai d’Orsay, la continuité face à un monde en tension

Au Quai d’Orsay, la continuité face à un monde en tension

Le Premier ministre Sébastien Lecornu a choisi de reconduire, ce 5 octobre 2025, le ministre MoDEM, Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères. Tandis que Laurent Saint-Martin ne connait toujours pas son sort, le portefeuille des Français de l’étranger sera traité au cours de la seconde salve de ministres qui devrait être révélée après le discours de Politique générale.  Concernant, la prolongation de Jean-Noël Barrot, c’est une décision qui s’inscrit dans la volonté affichée de ne pas bouleverser les équilibres de l’exécutif, notamment sur les fonctions régaliennes, alors que la France traverse une période de tensions géopolitiques et de défis économiques.

Qui est le patron du Quai d’Orsay ?

Jean-Noël Barrot, membre historique du MoDem, incarne une ligne centristre et pro-européenne, alignée sur la stratégie d’Emmanuel Macron. Sa reconduction confirme l’importance accordée à la diplomatie dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, les tensions en Méditerranée, et la montée des populismes en Europe.

Quel bilan pour Jean-Noël Barrot ?

Depuis sa nomination comme ministre des Affaires étrangères en 2024, Jean-Noël Barrot a incarné une diplomatie résolument alignée sur les priorités d’Emmanuel Macron, sans toujours parvenir à s’en démarquer. Membre historique du MoDem, il a apporté une touche centristre et pro-européenne à la politique étrangère française, mais son action a souvent été perçue comme celle d’un exécutant plutôt que d’un stratège autonome. Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, les tensions en Afrique et la recomposition des alliances internationales, son bilan reste contrasté, entre fidélité à l’Élysée et manque de visibilité.

Un ministre dans l’ombre du président ?

Jean-Noël Barrot a hérité d’un portefeuille ministériel traditionnellement dominé par l’Élysée, où Emmanuel Macron a toujours joué un rôle central dans les grandes orientations diplomatiques. Contrairement à ses prédécesseurs, comme Laurent Fabius ou Jean-Yves Le Drian, qui avaient su imposer leur style, Jean-Noël Barrot a peiné à se forger une identité propre. « Il a été un ministre de l’exécution, plus que de l’initiative », résumait en 2024 un diplomate sous couvert d’anonymat dans Le Monde. Cette subordination s’explique en partie par la centralisation du pouvoir sous Macron, mais aussi par le profil même de Jean-Noël Barrot : technocrate compétent, mais peu enclin aux coups d’éclat médiatiques.

Pourtant, son alignement sur la doctrine macronienne a permis une certaine cohérence, notamment sur des dossiers comme l’autonomie stratégique européenne et le pacte migratoire européen.

Malgré ses qualités de négociateur, Jean-Noël Barrot a été critiqué pour son manque de réactivité sur certains dossiers brûlants. Par exemple, lors de la crise entre la France et l’Italie en 2024, après le refus de Rome d’accueillir des migrants secourus par des ONG françaises, sa réponse a été jugée trop timorée par une partie de la classe politique. « Jean-Noël Barrot a laissé filer l’initiative à l’Élysée, alors qu’il aurait dû prendre les devants », estimait Libération en mars 2024. Cette réticence à s’affirmer a nourri l’image d’un ministre effacé, d’autant plus que Macron n’a pas hésité à le court-circuiter en s’exprimant directement sur des sujets sensibles, comme les relations avec la Russie ou la Chine.

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot et le président français Emmanuel Macron avant une conférence de presse, à Paris, le 24 octobre 2024
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot et le président français Emmanuel Macron avant une conférence de presse, à Paris, le 24 octobre 2024. © Sipa Press

Un retrait chaotique du Sahel

Pour les Français de l’étranger, le désengagement militaire français au Mali et au Niger, acté en 2023, a été l’un des dossiers les plus importants. Sous la direction de Jean-Noël Barrot, la diplomatie française a tenté de recentrer son action sur le Golfe de Guinée, mais les résultats sont mitigés.

Comme, avec le maintien des juntes au pouvoir à Bamako et Niamey. Qui se sont tournées vers la Russie, via le groupe Wagner, tandis que la France peignait à consolider de nouveaux partenariats (Côte d’Ivoire, Sénégal). Tandis, que les contrats miniers et énergétiques signés avec des pays comme le Gabon ou le Cameroun n’ont pas compensé le recul stratégique dans la région.

Une cinquantaine de militaires avait participé à l'opération d’évacuation des ressortissants français bloqués au Niger, début août
Une cinquantaine de militaires avait participé à l'opération d’évacuation des ressortissants français bloqués au Niger, début août. ©Etat major des armées

Redonner à la France une voix audible

Ainsi, la reconduction de Jean-Noël Barrot symbolise un choix de continuité, mais aussi une fuite en avant face à des défis structurels. Pour le ministre des Affaires étrangères, l’enjeu sera de redonner à la France une voix audible dans un concert international dominé par les États-Unis et la Chine.

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