Une analyse de 12 plans de relance soumis par des États membres de l’Union européenne, consultée par EURACTIV avant sa publication, indique que l’investissement proposé fera en sorte que le bloc sera radicalement en deçà des objectifs numériques qu’il s’est fixé pour la fin de la décennie.
L’analyse, menée par le géant du conseil Deloitte et qui devrait être publiée le 21 juin, se concentre sur les plans de relance de 12 États membres soumis à la Commission européenne afin de débloquer les fonds du fonds historique de relance post-pandémie du bloc.
L’étude examine dans quelle mesure les investissements proposés seraient suffisants pour atteindre les objectifs ambitieux de la décennie numérique définis dans la boussole numérique 2030 présentée par la Commission en mai.
Elle conclut que seule la fourniture de services publics en ligne est actuellement sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de 2030. Les autres objectifs ne devraient pas être atteints dans les conditions actuelles.
Par exemple, les plans des 12 États membres ne fourniraient que 45 % des investissements nécessaires pour atteindre l’objectif de connectivité à haut débit de l’Union européenne d’ici à 2025, selon une estimation de la Banque européenne d’investissement (BEI).
Sam Blackie, associé chez Deloitte, a déclaré, avant la publication du rapport, que l’analyse s’était concentrée sur les plans de relance déjà soumis, car il n’existe pas de vue d’ensemble de tous les investissements numériques dans l’UE, les programmes de formation pouvant par exemple ne pas se limiter au développement des compétences numériques.
Investir dans la transition numérique
Le fonds de relance, destiné à atténuer les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus, se compose de 672,5 milliards d’euros de prêts et de subventions, soit la plus grande mobilisation d’investissements publics de l’histoire européenne. Aux prix actuels, c’est cinq fois plus que ce que le plan Marshall américain a investi en Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale.
Pour accéder à ces fonds, les pays de l’UE doivent respecter certaines conditions, notamment investir au moins 20 % des fonds dans la transition numérique. Les carences numériques variant d’un pays à l’autre, les autorités nationales sont tenues de suivre les recommandations de la Commission.
« Si nous examinons les recommandations spécifiques à chaque pays, nous constatons le lien avec la transition numérique dans les recommandations qui concernent l’éducation et les compétences, la connectivité, la recherche et le développement, la numérisation des services publics et l’environnement des entreprises », a déclaré Maria Teresa Fabregas Fernandez, directrice du groupe de travail de la Commission sur la reprise et la résilience.
Ben Wreschner, responsable des affaires publiques chez Vodafone Group, a salué l’étude et espéré qu’elle encouragerait la Commission à faire en sorte que les États membres concentrent leurs investissements afin d’atteindre les objectifs.
« La transformation numérique est trop importante pour qu’une seule entreprise ou un seul secteur la porte sur ses épaules », a déclaré M. Wreschner, ajoutant qu’elle nécessite une « approche de partenariat ».
Il a également suggéré d’évaluer la transformation numérique d’un point de vue global grâce à l’indice de l’économie et de la société numériques (DESI), qui suit les progrès numériques des pays de l’UE, car « il ne sert à rien de construire une autoroute à sept voies si personne ne sait comment la conduire. »
Des lacunes
Pour Scott Marcus, Senior Fellow chez Bruegel, un groupe de réflexion économique basé à Bruxelles, le plan de relance ne doit pas être considéré comme un simple stimulus économique keynésien, mais « comme une opportunité historique de corriger certains des déficits de la société européenne dans les domaines clés de la numérisation et de la durabilité verte. »
Cependant, le rapport suggère que les États membres ne saisissent pas cette opportunité.
Par exemple, l’étude de Deloitte a révélé que les États membres regroupent généralement les financements destinés à stimuler la couverture de l’internet à haut débit gigabit ultra-rapide dans un cadre plus large d’infrastructure numérique, y compris le déploiement de la 5G, alors qu’il s’agit de deux objectifs distincts. Assurer la connectivité des zones rurales est également rarement mentionné dans les plans.
La formation négligée
Le niveau d’engagement en faveur du haut débit gigabit, c’est-à-dire des connexions internet capables d’atteindre des vitesses de téléchargement de 1 gigabit par seconde ou plus, varie considérablement d’un pays de l’UE à l’autre, l’Allemagne prenant l’engagement le plus ambitieux de parvenir à une couverture complète d’ici à 2 026.
Les compétences et la formation sont également négligées dans les plans. Le rapport prévoit qu’en l’absence d’intervention supplémentaire, seuls 58 % des adultes de l’UE posséderont des compétences numériques de base en 2030, ce qui est loin de l’objectif de 80 % fixé par la Commission.
Dans leurs plans, les douze pays analysés ont affecté 43 milliards d’euros à la formation et à la requalification de leur main-d’œuvre, ce qui ne concerne que deux millions de personnes, soit 3 % des travailleurs de l’UE.
L’un des principaux objectifs pour 2030 est le développement professionnel de 20 millions de spécialistes des TIC. Toutefois, dans leurs plans, seule la moitié des 12 pays ont alloué des fonds pour atteindre cet objectif, ce qui représente à peine 12 % des investissements proposés dans l’éducation numérique.
En ce qui concerne le soutien aux entreprises, les plans de relance proposent d’allouer un montant total de 39 milliards d’euros pour soutenir la numérisation des petites et moyennes entreprises (PME) et promouvoir l’adoption de la technologie en nuage.
Mais ce chiffre ne représente que 10 % du montant que les PME européennes investissent déjà chaque année dans la numérisation, selon les estimations de la BEI.
Pour la numérisation du secteur public, les douze pays ont alloué 26 milliards d’euros, ce qui a permis d’augmenter de 5 % les investissements dans les services publics.
Dix milliards d’euros supplémentaires ont été alloués à l’identification électronique et aux dossiers médicaux électroniques, bien que de nombreux pays n’aient pas mentionné ces services clés dans leurs propositions.
Au moment de la publication, quatorze États membres avaient soumis leurs plans de relance à la Commission.
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