En vue des élections régionales et présidentielles, le parti de Marine Le Pen semble vouloir retravailler sa feuille de route. Au programme : davantage d’écologie, mais plus de retour au franc.
Abandon du Frexit, maintien de l’euro, environnement… Depuis son échec aux dernières présidentielles de 2017, Marine Le Pen planche sur sa présidentiabilité et poursuit sa quête vers l’Elysée. « La dédiabolisation est en cours depuis plusieurs années. C’est un processus constant », constate Juliette Grange, professeure de philosophie à l’Université de Tours, interviewée par EURACTIV France.
Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron et de la République en Marche au pouvoir, qui a déstabilisé l’échiquier politique et le clivage droite/gauche, le Rassemblement national (RN) s’est revendiqué comme étant le principal parti d’opposition.
« Marine Le Pen essaie de se positionner en faisant des contre-propositions à chaque grand projet d’Emmanuel Macron », souligne la philosophe.
Les élections régionales des 13 et 20 juin prochains seront un banc d’essai pour le parti souverainiste : « Toutes les élections sont un tremplin, il faudrait que le RN gagne une ou plusieurs régions pour montrer de quoi il est capable», espère Fabien Engelmann, maire d’Hayange (Moselle) depuis 2014 et conseiller régional RN du Grand-Est depuis 2016. Dans son entretien avec EURACTIV France, il cite en exemple les communes, comme la sienne, où les maires RN ont été réélus dès le premier tour.
Selon lui, l’abandon du référendum sur le Frexit et la sortie de la zone euro est une bonne chose. Il tient l’ancien vice-président du parti pour responsable de cet échec.
« Florian Philippot était trop sectaire, les gens ne veulent pas revenir au franc. On peut rester dans l’Union européenne, c’est à chaque parti souverainiste national d’envoyer un maximum d’eurodéputés à Bruxelles pour défendre sa vision », estime le maire d’Hayange.
L’ancien programme avait en effet effrayé beaucoup de ses administrés qui sont travailleurs frontaliers au Luxembourg et qui ont préféré Emmanuel Macron. « Mais depuis que le RN a évolué, j’entends sur le terrain que les électeurs ont changé d’avis », raconte-t-il.
« On revient sur certains totems du parti : on dit “réduction” de la libre-circulation Schengen et non “revenir sur les Accords” », renchérit Juliette Grange. Et d’ajouter : « Pour un patron de PME par exemple, même sympathisant, il était complètement impossible d’adhérer au programme de 2017 car il était trop néolibéral, avec trop peu de régulation. »
Ce revirement sur l’Europe est, selon elle, « à la fois de l’affichage, mais absolument nécessaire dans le cadre d’une ambition présidentielle de plus en plus claire ». Elle poursuit : « Être présidentiable c’est faire des propositions qui sont acceptables pour un assez grand nombre de groupes. »
Conservatisme écologique
L’autre changement majeur est la plus grande place faite à l’écologie dans le programme. Si les questions environnementales devaient se contenter de quelques points à la fin du programme en 2017, elles font désormais l’objet d’un contre-projet de référendum pour s’opposer à la proposition de loi constitutionnelle proposée par le Président à la suite de la Convention citoyenne sur le climat (CCC).
Même s’il reconnaît que « la pandémie a eu un impact », Fabien Engelmann soutient que « Marine Le Pen a toujours eu un volet dans son programme sur la préservation de la nature et la défense des animaux. »
Lors d’une conférence de presse dédiée au thème de l’écologie le 9 mars dernier, la présidente du Rassemblement national s’était même mise à dos les chasseurs après avoir déclaré que la chasse à courre était « une cruauté qui n’est pas nécessaire ».
Selon lui, la mise en lumière de cette partie du programme est simplement plus visible aujourd’hui, car les médias en parlent davantage. « De la peinture verte » à en croire Mme Grange.
« C’est dans l’ADN du parti d’être très attaché au régime référendaire. Il y a quand même un virage, car Marine Le Pen était climatosceptique il y a quatre ans », rappelle d’ailleurs la philosophe. « Présenter un projet de référendum c’est peut-être contrer des groupes qui gravitent autour de Marion Maréchal-Le Pen », s’interroge-t-elle.
L’élu du Grand-Est fustige au passage « les autres partis [qui] surfent sur la vague ». Il continue : « En faire trop sur l’écologie ça ne me va pas. Les propres électeurs d’Europe Ecologie-Les Verts en ont assez des maires écolos, car sous le vernis vert, il y a de la peinture rouge. »
Il défend une écologie conservatrice qui condamne la mondialisation « qui est la plus polluante » au profit d’industries locales.
« Avec ce discours autour du “localisme“ et de “relocalisation“, on retrouve l’argumentaire du RN axé sur l’idée de frontières naturelles, de l’écologie avec un identitarisme, de respect d’un ordre naturel », analyse Juliette Grange.
Une stratégie gagnante ?
Avec cet « infléchissement des discours », « il y a l’idée d’aller chercher les classes moyennes et les retraités, certaines franges de la population peut-être sur des thématiques beaucoup plus larges, car l’électorat du RN est très éclectique », explique l’auteure de Pour une philosophie de l’écologie (Pocket Agora).
« Ils ont abandonné un certain nombre de leur leitmotivs dans ce but », renchérit-elle. Une stratégie qui semble gagnante, du moins chez les jeunes. Le journal Le Monde notait lundi (5 avril) que le Rassemblement national est devenu le premier parti en ce qui concerne la popularité chez les 25-34 ans.
Un sondage Ifop paru au début du mois révèle que Marine Le Pen recueillerait 28% des intentions de vote au premier tour, devançant Emmanuel Macron (24%). En octobre, ce score atteignait 24%, contre 23% pour l’actuel président de la République.
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