Sophie Primas a passé aujourd’hui son grand oral de ministre déléguée aux Français de l’étranger. C’était en effet son premier rendez-vous avec l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) réunie, cette semaine, en session plénière à Paris. La membre du gouvernement Barnier a pu ainsi s’exprimer devant les élus de l’AFE pour présenter, entre autres, ses priorités. Comment a été accueilli la déjà 4eme ministre en charge des expatriés depuis 2021, date du dernier renouvellement de cette assemblée ? Que lui ont répondu les cinq présidents des groupes politiques ? Lesfrancais.press était, pour vous, sur place.
AFE : Les priorités de Sophie Primas pour les Français de l’étranger
C’est bien évidemment la présidente de l’AFE, Hélène Degryse qui a inauguré cette semaine de travail à Paris. Celle-ci, dans son discours introductif, en s’adressant directement à la ministre déléguée, Sophie Primas, lui a lancé un tonitruant “Associez-nous”. Elle a ainsi voulu rappeler l’importance que le gouvernement aurait à davantage s’appuyer “sur son réseau d’élus à l’étranger”. Alors, appel entendu ?
Saisissant la balle au bon, et dès ses premiers mots, la nouvelle détentrice du portefeuille des expatriés, a déclaré aux élus “j’ai besoin de votre expertise sur le terrain.” Et plus largement, parlant des Francais de l’étranger, Sophie Primas a insisté sur cette “ressource que (nous) ne sollicitons pas suffisamment pour faire jouer à plein notre diplomatie d’influence”. L’ancienne sénatrice, habituée à côtoyer des élus de tous bords, a ainsi réussi son entrée en matière. Par ses premiers mots, elle a instauré un climat de confiance et d’échange, alors que certaines nouvelles de son discours n’étaient pas des meilleures à partager avec l’audience.
En effet, “ce n’est pas drôle d’être l’oiseau de mauvais augure” a-t-elle dit en abordant la question du budget 2025. Des baisses sont annoncées dans les programmes en direction des Français de l’étranger. Le chiffre de 150 millions en moins est avancé par certains. Sophie Primas se veut prudente, à ce stade, dans les calculs présentés à ce jour. La loi de finances fera également l’objet d’une discussion parlementaire, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une chose est quasi certaine, les crédits seront en baisses, mais de combien ?
Ce défi budgétaire aura sans doute aussi son influence sur la tenue des “assises de la protection sociale” pour les Français de l’étranger. Si Sophie Primas a bien confirmé leur organisation avec une ouverture lors de la prochaine session de mars 2025 et une restitution pour la seconde prévue en octobre 2025, son message envoyé depuis la tribune de l’AFE est clair : “les assises de la protection sociale se feront dans le périmètre des aides sociales, à budget constant, avec l’objectif de mieux utiliser les montants pour améliorer la vie au quotidien de nos compatriotes à l’étranger.” La personne qui viendra avec une idée entraînant une augmentation des dépenses, risque donc de se faire refouler à l’entrée !
Parmi les autres priorités exprimées par la ministre déléguée, cette dernière avait donné à notre média Lesfrancais.press ses grands objectifs pour nos expatriés. Sophie Primas les a réitérés lors de cette ouverture de session plénière de l’AFE. Parmi ceux-ci, la protection de nos compatriotes à l’étranger, et aussi la réponse à leurs besoins sont ses deux grands axes, avec notamment la volonté de faciliter les démarches administratives : actes d’Etat civil, passeports ou bien encore prochainement pour les procurations, d’ailleurs a-t-elle annoncé :
“La certification numérique des cartes d’identité sera possible dans les consulats au cours du 1er semestre 2025”.
Sophie Primas, ministre déléguée au commerce extérieur et aux Francais de l’étranger.
Une feuille de route semble donc tracée. Pour autant, Sophie Primas a conclu, non sans humour son discours, d’un “je le ferai avec le temps qui me sera donné dans ce ministère.”
Les groupes politiques de l’AFE interpellent la ministre déléguée
Alors, comment les présidents des cinq groupes politiques de l’assemblée ont-ils réagi à l’intervention de leur ministre de tutelle ?
Baptiste Heintz, à la tête du groupe « Ecologie et Solidarité » a rappelé que Sophie Primas était la 4eme ministre en charge des expatriés avec laquelle les élus devaient travailler depuis le renouvellement de l’AFE en 2021. Mais, citant Albert Camus, « il faut imaginer Sisyphe heureux ». Alors, et même si tous les 6 mois, il semble devoir se répéter, avec ses convictions intactes, il voit cependant « la France en recul » dans le monde. Pour le président du groupe rassemblant la gauche, la question budgétaire inquiète, avec ses conséquences néfastes sur le service public et les écoles. Il a également annoncé qu’il déposera, avec d’autres élus, une motion d’urgence sur la Caisse des Français de l’étranger (CFE), dont l’avenir est remis en question. D’ailleurs, une mission d’inspection de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) va commencer. Sophie Primas a indiqué qu’elle attendra les conclusions de cette enquête pour faire des propositions.
En l’absence de Thierry Masson, président du groupe IDP (Indépendants, démocrates et progressistes) excusé pour des raisons professionnelles, c’est Patricia Connel qui a pris la parole. L’élue pour l’Europe du Nord partage aussi son inquiétude sur le budget 2025 qui arrive. Elle souhaite une “sanctuarisation des budgets” pour éviter que les bourses scolaires, les aides sociales ou bien encore le STAFE (soutien au tissu associatif des Français à l’étranger ne soient touchés par ces coupes. Au nom de son groupe, rassemblant une grande partie des fidèles d’Emmanuel Macron, elle pose aussi la question du Pass Culture «voté pour les Français de l’étranger, mais encore dans les cartons. » Deviendra-t-il une réalité ? Question envoyée à Rachida Dati, l’actuelle ministre de la Culture.
Au nom du groupe Solidaires et Indépendants, Annie Réa, la présidente, a voulu rendre hommage au Sénateur Jean-Pierre Bansard : « un homme hors norme, un grand homme. » Le fondateur de l’ASFE (Alliance Solidaire des Français de l’Etranger), dont de nombreux élus de son groupe sont membres, est en effet décédé cet été. Dans son intervention, Annie Rea a partagé trois de ses préoccupations majeures à la ministre déléguée présente. Tout d’abord celle du budget annoncé pour les Français de l’étranger.
Puis celle de l’accès à nos écoles françaises à l’étranger qui est de plus en plus difficile pour les familles. Les coûts sont trop élevés, avec pour conséquence la perte de la connaissance de la langue française chez nos plus jeunes. L’élue pour l’Europe du Sud a aussi souligné l’accroissement de la “paupérisation de nos familles françaises à l’étranger”, en appelant à une attention particulière pour endiguer ce phénomène qui se développe, notamment en cas de perte d’emploi ou au moment de la retraite.
Pour le Groupe Union des Républicains, des Centres et des Indépendants, c’est son président Olivier Piton qui a pris la parole. Il a d’abord voulu saluer un fait. « C’est la première fois que nous avons un trio de femmes ». En effet à la ministre déléguée Sophie Primas, et à la présidente de l’AFE, Hélène Degryse, c’est Pauline Carmona, la directrice de la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, qui était la 3e femme, présente à la tribune.
Afin de souligner, l’importance des Français de l’étranger, l’élu pour la circonscription des Etats-Unis a rappelé à la ministre déléguée, que le nombre d’expatriés inscrits au registre des ressortissants hors de France équivaut à la population des…Yvelines. Département cher à Sophie Primas, puisqu il représente sa terre d’élection.
Le budget et la baisse programmée font également partie de l’alerte adressée par Olivier Piton dans son intervention, ainsi qu’un point de vigilance sur la revalorisation des pensions repoussée de 6 mois et l’incidence que cela peut engendrer chez nos retraités vivant à l’étranger.
Enfin, l’élu consulaire de Washington demande aussi, au nom de son groupe, que les compétences entre administration et conseillers des Francais de l’étranger soient enfin clarifiées. En effet, des problèmes dans l’établissement des ordres du jour des conseils consulaires perdurent.
Enfin, c’est Nadia Chaaya qui a conclu cet échange des présidents de groupe avec la ministre déléguée. Au nom des « Indépendants » l’élue de la circonscription de l’Asie centrale et du Moyen-Orient appelle à un renforcement de la sécurité de nos ressortissants hors de France. Elle partage aussi les inquiétudes concernant le budget et Nadia Chaaya a aussi demandé un meilleur dialogue avec l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) qui gère les lycées en dehors du territoire national. En effet, les commissions des bourses sont pour le moment programmées dans les différents pays la même semaine que la session plénière de l’AFE ou bien pendant les vacances scolaires. D’ailleurs, sur ce point, Les représentants des parents d’élèves ou ceux des professeurs, qui siègent aussi dans ces instances, ont également fait part de leur mécontentement respectif.
Pour ce premier échange officiel entre les membres de l’AFE et la nouvelle ministre déléguée aux Francais de l’étranger, un dialogue constructif semble s’être établi. N’ayant pas encore une maîtrise de tous les dossiers, Sophie Primas, n’a pas hésité à laisser la parole à Pauline Carmona, la directrice de la DFAE qui l’accompagnait. Cela a d’ailleurs été très bien accueilli pas l’ensemble des élus présents. Avant la traditionnelle « photo de famille », Sophie Primas a même répondu avec malice à une question d’un des membres de l’Assemblée qui lui suggérait d’intervertir la dénomination de son portefeuille. Actuellement son titre exact est « ministre déléguée chargée du Commerce extérieur et des Français de l’étranger ». Ne faisant ainsi pas de hiérarchie entre les deux notions, Sophie Primas a déclaré que celles-ci étaient comme ses deux jambes qui lui permettaient d’avancer.
À entendre les premiers commentaires dans les couloirs de l’AFE après la prestation de la ministre, il se pourrait qu’elle puisse compter sur une grande partie des élus pour l’accompagner sur ce chemin. Mais pour combien de temps ?
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