Les Français et la mort, de nouveaux rites

Les Français et la mort, de nouveaux rites

Le nombre de décès en France est passé de 519 000 en 2004 à 631 000 en 2023. Cette augmentation est imputable au vieillissement de la population. En 2024, selon le CRÉDOC, 67 % des Français ont vécu un deuil au cours des cinq dernières années, et 57 % des personnes interrogées ont déjà organisé des obsèques (contre 50 % en 2009). La crémation a progressé ces dernières années, représentant 42 % des décès en 2022 contre 28 % en 2009, et elle devrait devenir majoritaire d’ici la fin de la décennie. Une tendance qui se heurte au nombre insuffisant de crématoriums dans de nombreuses régions.

Avec la baisse de la pratique religieuse en France au cours des cinquante dernières années, les obsèques et, plus largement, le rapport à la mort ont profondément évolué, tant au niveau des cérémonies que des rites funéraires.

Moins d’un Français sur deux souhaite une cérémonie religieuse pour ses propres funérailles.  

L’éloignement accru de la religion entraîne un changement de comportement pour l’organisation des obsèques. En 2024, 58 % des personnes interrogées se déclarent proches d’une religion, contre 75 % en 2009, selon le CRÉDOC. Moins d’un Français sur deux souhaite désormais une cérémonie religieuse pour ses propres funérailles.

Selon le CRÉDOC, en 2024, 30 % des Français souhaitent une cérémonie très intime sans composante religieuse, contre 23 % en 2009. Pour leurs propres funérailles, 29 % des plus de 40 ans désirent de la musique personnalisée et 22 % des lectures de texte et d’hommage au sein d’une cérémonie civile. Ces attentes ont plus que doublé en quinze ans. Ces souhaits sont plus fréquents chez les personnes qui envisagent la crémation et celles âgées de 40 à 60 ans.

Les personnes ayant vécu un deuil au cours des dernières années sont également nettement plus sensibles à la présence de musiques personnalisées et de textes d’hommage. En revanche, les personnes âgées de 80 ans ou plus et celles envisageant une inhumation sont nettement moins nombreuses à souhaiter ce type de pratiques.

De nombreux lieux de souvenirs

En 2024, seulement un tiers des plus de 40 ans avait prévu de se rendre dans un cimetière pour honorer des proches. Par rapport à 2009, cette pratique est en recul de 12 points. En 2024, 29 % des plus de 40 ans déclarent ne pas se rendre au cimetière ou s’y rendre moins d’une fois par an, contre 21 % en 2009.

@adobestock
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Avec le développement des crémations, d’autres lieux permettent d’entretenir la mémoire du défunt. Ainsi, 34 % des Français concernés par cette pratique choisissent, pour se recueillir, un lieu précis qui leur rappelle la personne (contre 20 % en 2009). De plus, 26 % choisissent de se rendre sur le lieu où les cendres ont été dispersées (+7 points par rapport à 2009). Enfin, 13 % des Français dont un proche a opté pour la crémation ont aménagé un endroit au sein de leur logement pour se rappeler la personne, contre 9 % en 2009.

À l’opposé, parmi les personnes ayant un proche inhumé, la tombe demeure le premier lieu d’entretien du souvenir (41 %).

Une ouverture mesurée aux nouvelles techniques funéraires

Les techniques alternatives à la crémation et à l’inhumation, comme l’humusation, l’aquamation (dissolution du corps du défunt dans une eau alcaline, sans rejet de gaz carbonique dans l’atmosphère) ou la plongée du corps dans l’azote liquide (promession), demeurent largement méconnues en France. Spontanément, 83 % des interviewés ne peuvent nommer aucune méthode alternative à la crémation et à l’inhumation. Interdites en France, l’humusation et l’aquamation sont autorisées dans certains États américains. L’humusation a également été testée en Belgique. Selon le CRÉDOC, 13 % des personnes interrogées se déclarent éventuellement prêtes à recourir à l’aquamation et à la promession pour leurs propres obsèques, et 20 % à l’humusation. Les personnes âgées de 40 à 49 ans montrent un intérêt légèrement plus important pour ces techniques.

Pour plus de la moitié des personnes interrogées, ces techniques sont perçues comme s’inscrivant dans l’évolution de la société (60 %). Environ une personne sur deux estime qu’elles permettent de limiter l’impact environnemental d’une sépulture et répondent au besoin d’élargir les options funéraires. Les 40-69 ans et les cadres sont plus nombreux à être favorables à ces nouvelles techniques.

Les conséquences de la pandémie par rapport aux obsèques

Un Français sur cinq accordent davantage d’importance à l’organisation d’une cérémonie lors du décès d’un proche qu’avant la pandémie (15 %) et ressent davantage la nécessité de se réunir au moment du décès et des obsèques (21 %). Les employés et les ouvriers sont surreprésentés parmi les personnes partageant cette opinion.

En juillet 2023, 28 % des Français déclaraient que la dégradation de l’environnement figurait parmi leurs deux principales préoccupations. Dans ce contexte, 59 % des personnes interrogées estiment qu’il est important de prendre en compte la dimension écologique des obsèques. Cependant, selon l’enquête du CRÉDOC, seuls 15 % en feraient l’un des principaux critères de choix au moment du décès, une préoccupation plus fréquente chez les femmes, les 40-59 ans et les cadres.

Depuis une quinzaine d’années, les pratiques funéraires des Français ont évolué, influencées par des facteurs sociaux et culturels profonds. La pandémie de Covid-19 a renforcé la place du deuil et des obsèques dans l’esprit de la population, un phénomène accentué par le vieillissement de la société. Avec l’augmentation du nombre de décès et le développement rapide de la crémation, les Français se tournent davantage vers des cérémonies intimes et personnalisées moins marquées par des rituels religieux.

Les données du dernier baromètre CSNAF-CRÉDOC montrent que les cérémonies d’adieu tendent à se dérouler dans un cadre plus restreint, où la musique et les hommages personnels jouent un rôle majeur. Cette recherche d’intimité se prolonge au-delà de la cérémonie elle-même. De plus en plus de personnes privilégient des lieux de mémoire alternatifs, comme un site précis rappelant le défunt ou l’endroit où ses cendres ont été dispersées. Ces changements illustrent un déplacement des obsèques de l’espace public religieux vers des espaces privés et personnels, traduisant une évolution marquée des attentes des Français vis-à-vis des rituels funéraires.

Auteur/Autrice

  • Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite en plus d'être notre spécialiste économie.

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